Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la deuxième visite du centre hospitalier spécialisé La Chartreuse à Dijon (Côte-d’Or)

Rapport de deuxième visite du centre hospitalier spécialisé La Chartreuse à Dijon (Côte-d’Or)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), accompagnée de six contrôleurs, a effectué une visite inopinée du centre hospitalier de Dijon-la Chartreuse du 6 au 10 novembre puis du 13 au 15 novembre 2023. Cette mission constituait un deuxième contrôle de l’établissement après une première visite effectuée en 2015.

Implanté au cœur d’un grand parc, le centre hospitalier est un établissement public de santé mentale qui suit environ 12 000 patients et couvre cinq secteurs de psychiatrie de l’adulte et un inter secteur de psychiatrie de l’enfant, exerçant un rôle central au niveau du département. Son offre de soins est polyvalente permettant des prises en charge spécifiques : addictologie, crise et urgences, prévention du suicide, psychiatrie de la personne âgée, précarité, maison d’arrêt, réhabilitation psychosociale ; des activités de neuromodulation sont également proposées. L’établissement dispose d’une unité d’orientation, la plateforme d’orientation psychiatrique, sept unités de psychiatrie générale, une unité de gérontopsychiatrie, une unité pour adolescents et deux unités de réhabilitation au long cours, pour un total de 230 lits.

Le centre hospitalier dispose d’atouts indéniables et un certain nombre de constats feront l’objet de bonnes pratiques.

En effet, même si les effectifs sont à flux tendu, les postes sont globalement pourvus, les médecins, tous praticiens hospitaliers, sont présents dans les unités et les infirmiers bénéficient obligatoirement à leur arrivée d’une formation certifiante en psychiatrie.

L’accès aux soins somatiques est très bien assuré grâce à une unité spécifique qui dispose d’une offre de soins spécialisés très large : les somaticiens passent quotidiennement dans les services, les examens de patients sont effectués systématiquement et rapidement, une équipe mobile de soins somatiques permet la continuité des soins lors de la sortie.

Le centre hospitalier a créé une plateforme d’orientation psychiatrique particulièrement bien pensée par laquelle passent tous les patients. Comprenant cinq lits d’hospitalisation courte, huit lits tampons et une équipe de soins psychiatriques intensifs à domicile, cette plateforme vise à éviter les hospitalisations et contribue à diminuer le nombre d’hospitalisation sous contrainte.

Les procédures en matière d’hospitalisation sous contrainte, de saisine du juge des libertés et de la détention en matière d’isolement et de contention sont maîtrisées, le rôle du magistrat effectif.

Les restrictions dans la vie quotidienne sont réduites et toutes individualisées, le patient pouvant conserver téléphone portable, tabac et ordinateur.

La sortie est anticipée et un infirmier en pratique avancée va prochainement suivre spécifiquement celle des patients chroniques qui pâtit du manque de structures d’accueil spécialisé.

Enfin, la prise en charge des personnes âgées est satisfaisante et celle des mineurs de qualité et exemplaire sur plusieurs points (absence de chambre d’isolement, ouverture de l’unité, téléphones portables laissés sur des créneaux spécifiques) mais l’unité ne dispose d’aucun temps d’enseignant et quelques mineurs sont exceptionnellement hospitalisés chez les adultes.

Des améliorations sont néanmoins nécessaires sur plusieurs points.

Les patients en soins sans consentement sont hospitalisés dans des locaux vieillissants voire vétustes qui ne contribuent pas à de bonnes conditions de séjour et qui ne sont pas en conformité avec le décret de septembre 2022 : chambres doubles, absence de verrous de confort, douches collectives notamment. Si des déménagements sont prévus, l’établissement, dont le budget est excédentaire, doit prioritairement améliorer les conditions d’accueil ainsi que celles de la pharmacie.

La liberté d’aller et venir n’est pas pleinement garantie car les patients en soins sans consentement sont majoritairement hospitalisés en unités fermées, des patients en soins libres voient leurs sorties restreintes et de façon plus générale les sorties autonomes ou accompagnées sont trop restrictives, en particulier pour les patients hospitalisés à la demande du représentant de l’Etat.

Les patients en soins sans consentement sont insuffisamment informés et la participation des représentants des usagers est limitée au sein des unités d’hospitalisation.

Les chambres d’isolement, comptabilisés dans le capacitaire de l’établissement, ne sont pas pourvues de tous les dispositifs requis (accès à l’air libre et indication de la date) et le patient, qui y est placé en pyjama, ne conserve pas sa chambre. Même si plusieurs projets sont en cours, le centre hospitalier ne dispose que d’un espace d’apaisement. Enfin, l’analyse des pratiques doit être renforcée pour permettre de réduire le recours à l’isolement et sa durée qui doit être limitée au strict nécessaire.

Les activités thérapeutiques profitent peu aux patients en soins sans consentement alors que l’établissement dispose d’un plateau technique d’activités diversifié.

Des prescriptions de traitement injectable en « si besoin » sont établies et les repas font l’objet d’insatisfactions.

Enfin, les détenus sont systématiquement placés en chambre d’isolement, en pyjama, et n’ont pas toujours la possibilité de sortir à l’air libre ou de fumer.

Un rapport provisoire a été adressé le 18 mars 2024 au directeur du centre hospitalier, à la présidente du tribunal judiciaire de Dijon ainsi qu’au procureur de la République près ce tribunal, au préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté et à l’agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté. Le directeur du centre hospitalier a fait valoir ses observations dans un courrier du 18 avril 2024 qui sont prises en compte dans le présent rapport. Les autres destinataires du rapport provisoire n’ont pas présenté d’observations.

Les contrôleurs, qui ont échangé avec des équipes intéressées de leurs constats et préoccupées d’apporter des améliorations à la prise en charge, sont confiants quant à la prise en compte de leurs observations.