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Suivi des recommandations émises lors de la deuxième visite du centre pénitentiaire de Beauvais (Oise)

Rapport de suivi des recommandations de la deuxième visite du centre pénitentiaire de Beauvais (Oise)

Observations du ministère de la justice – Suivi des recommandations de la 2e visite du centre pénitentiaire de Beauvais

 

Synthèse

Trois contrôleures se sont rendues au centre pénitentiaire de Beauvais pour assurer le suivi des recommandations formulées à l’issue de la visite de décembre 2020. La gravité de certains constats avait conduit la Contrôleure générale à en référer par courrier à la direction interrégionale et au ministre de la Justice. Ces courriers portaient principalement sur la prévention et la gestion des violences au sein de l’établissement et le recours aux fouilles intégrales.

Dans le cadre de cette visite inopinée de suivi des recommandations, les contrôleures se sont entretenues avec une quarantaine de personnes détenues, des membres du personnel et de la direction et des intervenants extérieurs. La directrice interrégionale, l’ordre des avocats de Beauvais et le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Beauvais ont également été contactés. L’attention des contrôleures s’est spécifiquement portée sur les points relevés dans les lettres adressées à la direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) et au ministre de la Justice à la suite de la précédente visite. Les sujets qui n’avaient pas été abordés dans ces courriers ne l’ont pas été — ou l’ont été marginalement — dans le cadre de cette visite de suivi.

La direction de l’établissement a changé au mois d’août 2022. Le nouveau directeur a impulsé plusieurs changements, notamment en matière de formalisme relatif aux fouilles et à l’usage de la force.

Le recours aux fouilles intégrales a fait l’objet d’une réflexion importante. Alors qu’elles constituaient un usage banal lors de la dernière visite de l’établissement, leur pratique apparaît désormais plus raisonnée. Toutefois, plusieurs témoignages ont rapporté la perpétuation de fouilles non réglementaires dans certains quartiers, notamment au quartier disciplinaire et au quartier pour femmes : des fouilles y sont réalisées par plusieurs membres du personnel avec des demandes de lever les jambes sur le côté, de se pencher en avant, de faire des flexions de face et de dos, de soulever les parties génitales, de retirer sa protection hygiénique.

Comme en 2020, beaucoup d’agents sortent tout juste de l’école nationale de l’administration pénitentiaire (ENAP) : le personnel demeure très jeune, inexpérimenté et doit être accompagné.

Lors de la dernière visite, le CGLPL avait été confronté à une avalanche de signalements, tenant à des pratiques professionnelles inadaptées de la part d’un certain nombre d’agents, voire de véritables maltraitances : attitudes humiliantes, provocations verbales en tout genre, violences physiques le plus souvent à l’occasion d’interventions par la force. Les relations entre le personnel pénitentiaire et la population pénale apparaissent désormais plus apaisées qu’en 2020 dans les quartiers maisons d’arrêt pour hommes et d’isolement.

Néanmoins, les contrôleures ont reçu de multiples témoignages préoccupants concernant le QD et le quartier pour femmes (QFE), rapportant des violences physiques et verbales du personnel et l’obligation de se soumettre à des injonctions dégradantes.

Comme en 2020, les contrôleures ont été confrontées à des déclarations contradictoires des agents et des personnes détenues, à l’oral ou dans les écrits, et ont constaté un recours banalisé à la gestion équipée, qui apparaît comme une mesure courante décidée pour la gestion quotidienne de détenus perturbateurs.

Les circonstances et les gestes employés dans le cadre du recours à la force ne sont pas toujours analysés. Le registre ouvert pour faire suite aux recommandations de 2020 n’est pas exhaustif, les écrits professionnels sont encore standardisés, le débriefing post-intervention n’est pas systématique et semble être perçu uniquement comme un moyen de s’assurer de la sécurité et de la santé des agents et non comme une garantie de la protection de l’ensemble des personnes concernées, dont la personne détenue. Dans le même sens, le visionnage des images de vidéosurveillance n’est pas systématique et n’est pas effectué dans une perspective d’analyse des pratiques et gestes professionnels, contrairement à ce qui a été recommandé par le CGLPL en 2020. L’unité sanitaire, désormais informée par écrit de tout usage de la force, n’assure des soins qu’en cas de blessures nécessitant l’acheminement immédiat de la personne du QD vers l’unité sanitaire. Cette situation, déjà constatée en 2020 est, comme à l’époque, aggravée par le fait que l’unité sanitaire ne réalise pas la surveillance médicale réglementaire au QD.

Il ressort de procédures disciplinaires consultées que des allégations de brimades ainsi que des violences physiques ont été évoquées lors de plusieurs commissions de discipline, sans que la direction n’y apporte de suites, a fortiori lorsqu’il s’agit de profils perturbateurs et fragiles d’un point de vue psychique.

Par ailleurs, l’activité disciplinaire reste intensive et manque de sens. Le nombre de CRI est encore très important pour un établissement de cette taille. La commission de discipline reste engorgée, causant des délais longs entre les incidents et les comparutions. L’exécution des sanctions est largement différée puisque le quartier disciplinaire (QD) est constamment occupé.

Un plan de lutte contre les violences entre personnes détenues et à l’encontre du personnel a été élaboré par la direction mais reste à mettre en œuvre. Ces actes ont globalement diminué en nombre et en intensité. Le parquet a indiqué procéder systématiquement à des enquêtes pour les faits de violence et menaces sur personne dépositaire de l’autorité publique et apologie d’acte terroriste. Les suites données aux autres signalements, y compris de violence entre personnes détenues, se décident au cas par cas. En moyenne, 90 % des faits transmis au parquet font l’objet d’un classement sans suite.

Les chiffres transmis par la direction et le parquet ne concordant pas, les contrôleures n’ont pas été en mesure de connaître précisément le nombre de signalements effectués par la direction s’agissant de violences et brimades commises par le personnel de surveillance à l’encontre de personnes détenues. Dans la continuité des constats de 2020, les services de police demeurent surchargés et les délais de traitement sont excessivement longs.

Le rapport provisoire relatif à cette visite a été transmis le 6 mai 2024 au directeur du centre pénitentiaire, à la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Lille, aux chefs de juridiction du tribunal judiciaire de Beauvais et au directeur du centre hospitalier de Beauvais.

Par courriers des 5 et 20 juin 2024, le directeur du centre hospitalier et celui du centre pénitentiaire de Beauvais ont fait valoir leurs observations, lesquelles ont été intégrées au présent rapport.