Rapport de visite des chambres sécurisées du centre hospitalier universitaire de Poitiers (Vienne)
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la santé, de la justice et de l’intérieur auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.
Synthèse
Deux contrôleurs ont visité, le 12 janvier 2024, de manière inopinée, les trois chambres sécurisées du centre hospitalier universitaire CHU de Poitiers.
L’établissement, qui accueille plus d’une centaine de patients détenus par an en chambres sécurisées, et qui voit augmenter le nombre de patients accueillis en services spécialisés, ne s’est pas suffisamment emparé de cet enjeu.
L’ensemble des protocoles et notes de service internes étaient en cours d’élaboration ou de validation lors du contrôle. Aucune formation n’était proposée au personnel.
Les chambres sécurisées sont indignes en ce qu’elles portent atteinte à l’intimité des personnes (caméra dans la chambre, hublot donnant sur les toilettes) et ne permettent pas des soins de qualité (pas de perches à perfusion autorisée, pas de lit médicalisé automatique…)[1]. En l’absence d’équipement adapté, les gestes les plus simples imposent la présence d’un soignant et il n’est laissé aucune autonomie au patient.
Les surveillants sont systématiquement présents lors de tous les actes de soins, consultations et examens, jusqu’en salle de déchoquage ; le menottage est quasiment systématique.
L’accueil en service spécialisé ne faisait pas l’objet d’une réflexion institutionnelle, alors que les places en unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI) sont limitées et que le centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne (CPPV) accueille très régulièrement des personnes porteuses de handicaps, de pathologies chroniques, âgées, en perte d’autonomie. Même en cas de séjour prolongé, les patients détenus ne peuvent jamais sortir de leur chambre et ils ne peuvent accéder à aucun autre espace de l’hôpital.
Les services de police, qui connaissent des tensions sur leurs effectifs, sont confrontés à l’organisation de gardes statiques et dynamiques prolongées.
Les droits des patients (de recevoir des visites, de communiquer, d’adresser des courriers…) ne sont ni connus des équipes soignantes, ni expliqués aux personnes détenues, ni mis en œuvre.
Ces conditions d’accueil entraînent des refus d’extractions ou d’hospitalisation de la part des patients les ayant déjà vécues, ce dont il a été témoigné lors du contrôle, concomitant, du centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne (31,4 % des annulations font suite à un refus du patient).
Une réflexion institutionnelle, engageant les différentes administrations concernées (hospitalière, pénitentiaire, judiciaire et policière), doit être engagée quant à la compatibilité des états de santé avec la détention, quant à une prise en charge respectueuse des droits du patient détenu, quant à la prise en compte des hospitalisations prolongées en services spécialisés.
Les contrôleurs ont rencontré en détention des équipes en capacité d’assurer des soins de qualité (USMP). Des améliorations méritent d’être mises en œuvre lors des consultations, examens et hospitalisations au sein du CHU.
Un rapport provisoire a été adressé à la direction du CHU, au commissariat de police de Poitiers et au centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne pour une période d’échange contradictoire d’un mois.
Les observations de ces destinataires, respectivement reçues les 27 mai, 4 juillet et 30 juillet, figurent dans le présent rapport définitif en police italique bleue.
[1] Dans sa réponse au rapport provisoire, la directrice du CHU demande que ces propos soient retirés du rapport en ce qu’ils ne reflètent pas, selon elle, la réalité de la prise en charge. Le CGLPL maintient néanmoins ses constats et son appréciation de la prise en charge matérielle et humaine des détenus hospitalisés.