Rapport de la deuxième visite du centre hospitalier de La Valette à Saint-Vaury (Creuse)
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.
Synthèse
Cinq contrôleurs et un magistrat en stage ont effectué du 4 au 8 mars 2024 la deuxième visite, annoncée la semaine précédente, du centre hospitalier de La Valette (CHLV) à Saint-Vaury, dans le département de la Creuse. La première visite avait eu lieu au mois d’août 2011[1]. Les recommandations du CGLPL avaient été suivies d’un plan spécifique prenant en compte l’essentiel d’entre elles.
Le CHLV fait partie du groupe hospitalier de territoire du Limousin. Sa direction est commune, depuis le 1er janvier 2020, avec le centre hospitalier Esquirol à Limoges et l’EPSM de la Haute-Vienne ; un directeur de site est en poste au CHLV depuis 2021.
Le CHLV prend en charge les troubles mentaux des patients du département. Les soins sans consentement (SSC) y sont réservés aux adultes, les mineurs étant – comme les patients détenus – hospitalisés à Limoges. 627 patients en hospitalisation complète ont été accueillis en 2023, chiffre stable par rapport à 2022 mais marqué par la forte hausse du nombre de patients en SSC (+ 35,76 % entre 2022 et 2023). Le CHLV a gelé 35 lits dont 7 en SSC, ramenant la capacité d’hospitalisation complète pour adultes à 105 lits. Les lits de SSC sont regroupés dans l’unité Henri Ey, qui accueille également quelques patients en soins libres (4 sur les 17 patients présents lors du contrôle). De ce fait seule cette unité a été contrôlée.
Sur le plan budgétaire, le CHLV se trouve dans une phase de transition et d’incertitude compte tenu de la réforme du financement de la psychiatrie. L’équilibre financier est d’autant plus précaire que l’établissement consent un effort majeur pour renforcer la présence de médecins psychiatres grâce au financement d’astreintes de praticiens. Le centre hospitalier souffre en effet de difficultés de recrutement propres à la psychiatrie sur le plan national mais inhérentes également aux caractéristiques d’un département peu attractif. Les difficultés touchent non seulement les psychiatres mais également les autres médecins et les infirmiers. Le droit à des soins de qualité et à leur continuité est ainsi en péril malgré l’investissement de professionnels parfois très esseulés.
Alors que le site du centre hospitalier est agréable et ses locaux propres et lumineux, la sécurisation outrancière de l’unité Henri Ey accueillant les patients hospitalisés en SSC, mais également en soins libres, attente au droit à l’intimité et à la liberté d’aller et venir. La double clôture d’enceinte donne un aspect carcéral aux espaces extérieurs et le nombre de caméras de vidéosurveillance est disproportionné. Au quotidien et en méconnaissance du droit, l’unité Henri Ey restreint les allers et venues des patients en soins libres.
Le nombre de chambres d’isolement (trois) est très élevé au regard de l’objectif affiché d’une réduction du recours aux mesures d’isolement et de contention, dont témoigne la salle d’apaisement créée en 2022. Cette orientation est à conforter concomitamment avec une traçabilité à améliorer des mesures d’isolement et de contention.
L’évolution de l’établissement est également caractérisée par le doublement des événements indésirables entre 2022 et 2023 sans qu’il soit établi que cette hausse relève d’une incitation accrue à la déclaration ou de tensions partculières au sein des unités. Leur analyse doit intéresser le comité d’éthique – lequel n’est pas investi par le personnel – qui doit plus globalement dynamiser son questionnement et institutionnaliser la réflexion relative aux pratiques professionnelles et aux droits des patients.
En contre-point, la qualité de la procédure d’accueil du patient en SSC est à relever tant elle participe à l’information et à l’association du patient à son projet de soins. La bonne pratique observée est à compléter néanmoins par le renforcement du droit à l’information du patient en SSC (tiers demandeur, accès au certificat médical, recueil de ses observations, etc.). Le droit à la confidentialité des patients est aussi à travailler avec, par exemple, des modalités de distribution des traitements et des conditions de visite des proches qui ne le respectent pas. La formation du personnel concernant les SSC et le droit des patients doit venir en soutien aux améliorations à apporter.
Garante du respect des libertés individuelles et de la dignité des patients, la commission départementale des soins psychiatriques doit, quant à elle, être régulièrement composée et exercer effectivement ses contrôles tout comme le préfet et le maire doivent viser le registre de la loi, le centre hospitalier nécessitant un soutien et une vigilance essentiels à la pérennité de son activité dans le respect des droits fondamentaux des patients.
Un rapport provisoire a été adressé au chef d’établissement, au préfet du département de la Creuse, à l’agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine, au président et à la procureure de la République près le tribunal judiciaire de Guéret pour une période d’échange contradictoire d’un mois à l’issue de laquelle seul le chef d’établissement a adressé ses observations en retour, intégrées au présent rapport.
[1] CGLPL, Rapport de visite du centre hospitalier de La Valette (Saint-Vaury), août 2011 (en ligne).