Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.
Synthèse
Du 11 au 14 septembre 2023, trois contrôleurs ont effectué une visite des unités d’hospitalisation à temps complet en psychiatrie du centre hospitalier (CH) d’Hayange (Moselle), rattaché au centre hospitalier régional (CHR) de Metz-Thionville (Moselle). La visite a été annoncée.
Le CHR prend en charge les soins en santé mentale de la population du bassin Thionvillois, répartie dans deux secteurs de psychiatrie pour adultes (57G16 et 57G17) et un secteur de psychiatrie infanto-juvénile. L’hospitalisation complète des patients adultes en soins libres et en soins sans consentement exclusivement sur décision du directeur d’établissement s’effectue au CH d’Hayange, distant d’une dizaine de kilomètres de Thionville. Les adultes hospitalisés sur décision du représentant de l’État sont systématiquement orientés au centre hospitalier spécialisé de Jury-lès-Metz (Moselle) et les patients mineurs sont hospitalisés dans une clinique, laquelle peut aussi accueillir jusqu’à quinze patients adultes en soins psychiatriques à la demande d’un tiers.
L’activité de psychiatrie est rattachée au pôle 7 intitulé « urgences et santé mentale » depuis l’année 2021. Elle dispose d’unités extrahospitalières réparties sur son territoire, d’un centre d’accueil de crise (CAC) et d’un service de psychiatrie d’urgence et de liaison (SPUL) formant le service spécialisé CAC-SPUL au CH Bel-Air à Thionville, de trois unités d’hospitalisation à temps complet implantées depuis 2014 à Hayange dans un bâtiment ancien rénové également occupé par des services de médecine somatique :
- l’unité de psychiatrie ouverte (UPO), de 21 lits, qui est en réalité un service fermé, prévue pour les patients du secteur 57G17 en SL et en SSC ;
- l’unité de psychiatrie protégée (UPP), de 11 lits, fermée, prévue pour ceux des deux secteurs en SSC ;
- l’unité psychiatrique de réhabilitation (UPR), de 12 lits, ouverte, prévue pour ceux du secteur 57G16 en SL.
L’UPP et l’UPR, placées sous la référence du même psychiatre et de la même équipe de soignants, constituent une unique unité fonctionnelle hospitalière dénommée couramment UPPR.
La prise en charge est fortement marquée par la pénurie médicale ̶ un psychiatrie senior et un psychiatre associé seulement, pour les deux unités, lors de la visite ̶ et le turn-over des infirmiers et aides-soignants après une période de vacance de postes, ce qui ne permet pas de former les soignants à la hauteur des besoins. La bonne facture du livret d’accompagnement à la prise de poste en psychiatrie ne compense pas le déficit de formation initiale et continue, l’absence d’étayage et d’analyse des pratiques professionnelles, l’absence d’interrogation éthique dans le cadre d’un comité d’éthique par exemple. Cela entraîne des différences dans les soins prodigués à l’UPO et à l’UPPR et la recherche insuffisante du consentement du patient aux soins. Les soignants sont aussi peu préparés aux situations de violence, recourant en pareil cas à la présence trop active d’un agent de sécurité d’une entreprise privée.
L’investissement d’une ergothérapeute dans les soins est toutefois appréciable, de même que l’appui d’assistantes de service social employées par l’hôpital. Les soins somatiques sont, eux, accessibles sans difficulté.
La durée moyenne de séjour a augmenté d’environ quatre jours dans chacune des deux unités entre 2021 et 2022. La part des patients hospitalisées en soins sans consentement (40,9 % lors de la visite, 57,6 % en 2022) est deux fois supérieure à la moyenne nationale de 2021, avec un recours important à la procédure dérogatoire des soins psychiatriques en péril imminent en raison de la difficulté à faire intervenir un psychiatre non rattaché à l’établissement.
L’établissement se heurte à un phénomène de suroccupation des lits qu’il ne parvient pas à résoudre malgré le dispositif du CAC-SPUL installé en amont de l’hospitalisation au CH Bel-Air. Les patients commencent à attendre au CH Bel-Air, parfois sous contention mécanique sur un brancard disposé à la vue de tous au service d’accueil d’urgence. Lors de la visite des unités de psychiatrie du CH d’Hayange, les lits étaient occupés à 100 %. Les chambres d’isolement sont parfois réquisitionnées pour admettre en urgence un patient surnuméraire, qu’il soit admis en SL ou en SSC. Dans tous les cas, la porte de la chambre d’isolement est fermée, conformément à l’usage qui en serait fait dans le cadre d’une mesure d’isolement.
Les chambres d’isolement, réparties deux par deux à l’UPO et à l’UPP, sont considérées à l’UPO comme des chambres d’apaisement, à tort. Leur équipement et leur conception ne respectent pas l’intimité et la dignité du patient en l’absence de dispositif d’appel aux soignants, d’accès direct à l’eau potable, à une chasse d’eau et à la lumière, de draps, d’assises pour le patient et le soignant. La politique de moindre recours à l’isolement et à la contention n’est pas formalisée, même si la contention est rare et que la possibilité d’user d’alternatives est valorisée.
La dignité des patients est aussi atteinte dès lors qu’ils sont placés en permanence sous vidéosurveillance dans les chambres du CAC et dans les chambres d’isolement d’Hayange.
Les atteintes à la liberté d’aller et venir concernent les patients en SL hospitalisés à l’UPO, qui ne bénéficient d’aucune autonomie en raison de la fermeture de la porte.
Parallèlement, les contrôleurs ont relevé des conditions matérielles de séjour satisfaisantes et un faible nombre de restrictions individuelles dans la vie quotidienne.
L’attention portée par les professionnels de toutes catégories, exerçant à Hayange, à Thionville ou à Metz à la mission de contrôle et les réponses apportées au rapport provisoire dans le cadre de la procédure contradictoire laissent percevoir la possibilité d’évolutions favorables.