Rapport de visite des locaux de garde à vue du ressort du tribunal judiciaire de Vienne (Isère)
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de l’intérieur et de la justice auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.
Synthèse
Quatre contrôleurs ont effectué une visite inopinée du commissariat de Vienne, des brigades de proximité de Vienne, de Saint-Clair-du-Rhône, d’Heyrieux et de la brigade territoriale autonome du Roussillon du 6 au 7 mai 2024. Cette mission constituait un premier contrôle des lieux visités.
Le rapport provisoire rédigé à l’issue de cette visite a été transmis le 12 juillet 2024 au commandant du groupement de la gendarmerie, à la direction interdépartementale de la police nationale, aux autorités judiciaires et préfectorales. Le commissaire de police du commissariat de Vienne et le chef d’escadron, officier adjoint chargé de la police judiciaire de la gendarmerie de l’Isère, ont transmis des observations intégrées au présent rapport.
La circonscription du commissariat de Vienne comprend la ville de Vienne (30 059 habitants en 2020) et la ville de Pont-Evêque (5 329 habitants). Le commissariat compte quatre geôles individuelles et une geôle pour l’ivresse publique et manifeste. Les geôles ne sont que très exceptionnellement doublées. Les brigades de proximité de Vienne, de Saint-Clair-du-Rhône (l’une et l’autre composant la COB de Saint-Clair-du-Rhône), d’Heyrieux (composant la COB d’Heyrieux), et la brigade territoriale autonome (BTA) de Roussillon dépendent de la compagnie de gendarmerie départementale de Vienne. La compagnie couvre 87 communes (environ 160 000 habitants), sur 1 137 km². Les brigades de Vienne, de Saint-Clair-du-Rhône et d’Heyrieux comptent deux geôles individuelles et la BTA de Roussillon en compte trois.
Sur l’ensemble des cinq établissements visités, 926 gardes à vue ont été réalisées (501 au commissariat de Vienne et 212 à la brigade de Roussillon). 56 ont concerné des mineurs. L’activité des personnes retenues pour ivresse publique et manifeste n’est pas négligeable puisque 70 personnes ont fait l’objet de cette mesure (dont 54 au commissariat de Vienne) en 2023. Les retenues administratives sont peu nombreuses (45 sur l’année 2023) de même que les retenues judiciaires (35 sur l’année 2023). Les vérifications d’identité sont exceptionnelles dans tous les locaux visités. Les moyens humains sont décrits par les professionnels entendus comme limités bien que suffisants pour permettre le suivi des mesures de privation de liberté. Tant les fonctionnaires de police que les gendarmes manquent de formation continue en lien avec les droits fondamentaux, les procédures, les techniques de désescalade ou de prévention de la violence. Cependant, les contrôleurs ont rencontré des professionnels adoptant dans l’ensemble des comportements adaptés et respectueux des personnes qui leur sont confiées.
Si l’information sur les droits des personnes privées de liberté est assurée, l’imprimé de déclaration des droits n’est pas laissé à la disposition des personnes en gendarmerie et le registre pour toutes les mesures de privation de liberté, hors garde à vue, est insuffisamment et irrégulièrement renseigné au commissariat. Les informations données quant aux droits des personnes détenues administrativement, judiciairement ou dans le cadre d’une ivresse publique et manifeste sont également insuffisamment tracées. Enfin, les mineurs libérés sont parfois maintenus en geôle d’attente fermée au commissariat, ce qui s’assimile à une privation de liberté arbitraire.
Les locaux ne préservent pas suffisamment la dignité des conditions d’hébergement dans les geôles, faute de repères spatio-temporels, d’accès à un point d’eau, de bouton d’appel et de système d’aération. Il convient de veiller à leur remise en peinture régulière et à leur nettoyage régulier. Le droit à l’hygiène individuelle n’est pas garanti par un accès effectif à une douche dans tous les locaux visités et à la distribution des kits d’hygiène au commissariat.
La préservation de l’intégrité physique et psychologique impose la visite d’un médecin dans les locaux de garde à vue, ce qui n’est actuellement pas le cas dans les lieux visités. Des conventions ne sont pas plus signées pour faciliter l’accès au corps médical. De même, les personnes privées de liberté ne bénéficient pas d’un dispositif d’appel nocturne alors que la surveillance des gendarmes n’est pas constante en brigade. Certaines mesures de contrainte restent systématiques lors des transports par la gendarmerie et devraient être individualisées. De même, le retrait systématique des soutiens-gorge et des lunettes n’est pas individualisé, bien qu’une restitution de ces effets soit organisée en gendarmerie avant chaque audition.
Néanmoins, les personnes privées de liberté ont facilement accès à l’assistance d’un interprète et d’un avocat et peuvent faire usage de leur droit à communiquer bien qu’il soit trop limité pour les personnes retenues administrativement.
Enfin, la protection des données personnelles passant par la destruction de certaines procédures après un délai de six mois, ou par l’utilisation de la vidéosurveillance doit être partout revue afin de garantir la protection de la vie privée.
Les réponses apportées par le commissaire du commissariat de Vienne attestent de l’attention portée au suivi et à la bonne exécution des recommandations du Contrôleur général des lieux de privation de libertés par la diffusion de nouvelles notes de service, et par les actions menées dans les locaux afin d’améliorer les conditions de prises en charge des personnes privées de liberté. Le chef d’escadron, officier adjoint chargé de la police judiciaire de la gendarmerie de l’Isère a répondu par mail aux différentes recommandations sans préciser les actions concrètement mises en œuvre.