Rapport de troisième visite du centre éducatif fermé de Laon (Aisne)
Observations du ministère de la justice – Centre éducatif fermé de Laon (3e visite)
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la justice auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations.
Synthèse
Le centre éducatif fermé de Laon (CEF), créé en 2012 par la transformation d’un établissement de placement éducatif et d’insertion déjà installé sur le site, d’une capacité de douze places théoriques pour des jeunes de 15 à 18 ans, présente la particularité d’être mixte et d’avoir une place réservée pour jeune fille susceptible de radicalisation.
Lors de ce troisième contrôle du CGLPL, dix garçons étaient effectivement accueillis.
Depuis la précédente visite du CGLPL en 2015, le CEF a connu une forte zone de turbulences. En effet, ce n’est que depuis le mois de septembre 2021 que le trinôme directionnel composé d’un chef d’établissement contractuel recruté à compter du 15 février 2021 et deux responsables d’unité éducative est stable. Par ailleurs, le nombre d’éducateurs est remonté à seize depuis le 1er septembre 2022.
L’avenir de cet établissement reste toutefois fragile. En effet, les effectifs éducateurs sont en tension : il arrive qu’un éducateur soit en charge seul par demi-journée des mineurs au sein du CEF en raison notamment des nombreux accompagnements tenant au parcours judiciaire. L’absentéisme des éducateurs, certes en recul par rapport à 2021 et 2022, reste très important (en volume, il représentait deux équivalents temps plein annuels travaillés -ETPT- en 2022) et quatre départs sur mutation au 1er septembre 2023 sont programmés sans remplacement prévu au moment du contrôle. Ceci a un impact sur le nombre d’activités proposées aux adolescents qui, malgré une implication de l’équipe, n’est pas suffisant pour les jeunes qui, pour certains, restent au CEF toute la journée et sont désœuvrés. Les ressources humaines doivent donc être un point de vigilance et d’alerte, voire une priorité absolue pour éviter des répercussions sur la qualité de prise en charge des jeunes.
Par ailleurs, depuis la précédente visite, les locaux se sont fortement dégradés : par exemple, portes de chambres présentant de nombreuses piqûres de rouille, sols très abîmés, peintures sales dans les couloirs et espaces collectifs même si la qualité des fresques murales réalisées par les jeunes ainsi que l’inscription de quelques très belles phrases est à relever. La salle collective ne présente que trois sièges déjà abîmés, une table de ping-pong et un baby-foot. Les équipements extérieurs sont pauvres et dégradés. L’hygiène des locaux est également apparue problématique, notamment celle des douches et des toilettes (sols pas nets, radiateurs rouillés, odeurs d’égouts dans plusieurs douches, carreaux sales, etc.).
Le projet d’établissement date de plus de cinq ans et le nouveau était en cours de réécriture au moment de la visite. Le livret d’accueil remis au mineur à son arrivée ne l’informe pas des sanctions qui lui sont applicables en cas de non-respect des règles de vie à la différence du règlement de fonctionnement qui pourtant ne lui est pas donné.
Un effort de rigueur est à faire quant à la tenue du dossier individuel de prise en charge (DIPC), pièce maîtresse du suivi de la prise en charge du jeune au CEF (DIPC non signé par le jeune ou par les parents, incomplètement renseigné).
Pour autant, comme en 2015, il ne se dégage pas de problématiques majeures quant au respect des droits fondamentaux des mineurs et de leur dignité. Leur prise en charge est bienveillante, humaine et soucieuse de leur apporter un cadre et de donner un sens au temps passé au CEF. Face au comportement des adolescents, les équipes font au mieux.
Le CEF est bien intégré dans son environnement et entretient des relations fluides et régulières avec les autorités judiciaires, de police ou municipales. Il a noué des partenariats dans de nombreux domaines tels que l’insertion (entreprises locales notamment permettant aux jeunes d’accéder à des stages variés), la culture et le sport.
Aucune fouille, y compris par palpation, n’est réalisée. Les mineurs en stage ou au collège entrent et sortent de l’établissement sans encombre. Avant de sortir, ils se voient remettre leur téléphone portable qu’ils sont invités à restituer au retour, en présentant leur sac ouvert aux éducateurs.
L’accès aux soins tant somatiques que psychiatriques est parfaitement assuré. C’est l’un des points forts de l’établissement.
L’équipe cherche à associer le plus possible les familles ce qui est souvent compliqué, le lien étant abîmé. Toutefois, le local familles ressemble davantage à un réduit qu’à un salon de visite.
Si la formation professionnelle est organisée autour d’employeurs locaux et en partenariat avec la Mission locale, le temps scolaire de 3h30 par semaine en moyenne par jeune est insuffisant. Aucune continuité scolaire n’est organisée pendant les vacances ce qui apparaît d’autant plus important que la durée moyenne de séjour, désormais de 4,8 mois en moyenne, est en baisse, notamment du fait des nouvelles dispositions du code de la justice pénale des mineurs.
Les mineurs sont accompagnés avec bienveillance et pédagogie dans leur affaire pénale et la préparation de la sortie est empreinte du souci manifeste d’accompagner le jeune et de favoriser sa réinsertion.
Un rapport provisoire de visite a été adressé le 22 septembre 2023 au directeur de l’établissement, à la direction territoriale PJJ de la Somme et l’Aisne, au président et au procureur du tribunal judiciaire (TJ) de Laon. Aucune observation n’a été formulée en retour durant la phase contradictoire d’un mois.