Rapport de troisième visite du centre de détention de Saint-Mihiel (Meuse)
Observations du ministère de la justice – Centre de détention de Saint-Mihiel
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.
Synthèse
Six contrôleurs ont visité de manière inopinée le centre de détention de Saint-Mihiel, du 12 juin au 16 juin 2023. Il s’agissait d’une troisième visite, faisant suite à un premier contrôle en octobre 2010 et à un second en janvier 2016.
Les contrôleurs ont été parfaitement accueillis par l’ensemble des intervenants, qui se sont montrés très disponibles.
L’établissement, d’une capacité de 391 places, hébergeait 345 personnes détenues au 1er jour du contrôle, soit un taux d’occupation de 88,2 %. Il compte 359 cellules dont 32 doubles.
Les bâtiments, qui ont plus de trente ans, conservent un état global correct, à l’exception de certaines douches en détention. Celles du quartier des arrivants, propres, ne ménagent aucune intimité. L’accessibilité aux personnes à mobilité réduite n’est toujours pas assurée. Les contrôleurs ont cependant été d’emblée saisis par l’état de saleté des abords des bâtiments d’hébergement, décharges à ciel ouvert, accumulant restes de nourritures et encombrants, exposant le site à des effluves nauséabonds et à des risques d’incendie. Il convient de remédier au plus vite à cette situation inacceptable.
Le centre de détention souffre de sa situation éloignée des grands centres (1h de route de Metz, 1h15 de Nancy, 30 minutes de la gare Meuse TGV). Les personnes détenues sont pour la plupart éloignées de leurs proches. On relève les efforts de l’établissement, qui sont à saluer, pour faciliter les visites. Les unités de vie familiale et les parloirs sont gérés avec souplesse et très utilisés. On regrette cependant que les parloirs, refaits à neuf, ne laissent aucune intimité, et qu’un seul visiteur de prison se rende sur le site.
Le territoire attire peu sur le plan professionnel et l’établissement est soumis à un phénomène important de rotation des agents, notamment des surveillants. De nombreux postes d’officiers et de surveillants sont vacants. Beaucoup des services intervenants en détention sont insuffisamment pourvus : c’est le cas des soins spécialisés et psychiatriques (3 vacations par mois d’un médecin psychiatre) et de l’enseignement (1,5 équivalent temps plein de professeur des écoles sur 3,5 prévus et nécessaires) ; il n’y a plus de psychologue « parcours d’exécution de peine » (PEP) depuis 18 mois, pas d’assistant de service social titulaire, ni de moniteur de sport.
Le nombre de peines inférieures à trois ans est en augmentation et concerne 58,5 % de la population carcérale ; 87,6 % des peines sont correctionnelles. Sur l’année 2022, l’effectif du CD a été quasiment renouvelé (314 arrivants sur l’année pour 297 sortants). A la date du contrôle, 43 % de la population détenue devaient être libérés dans l’année à venir. Dans ce contexte, les projets de moyen et long termes et la préparation de la sortie sont sous-investis, situation aggravée par l’absence de psychologue PEP. La participation aux activités, pourtant variées, reste faible, l’offre d’activités sportives trop restrictive.
L’offre de travail et de formation est nettement insuffisante. 32 % personnes détenues étaient occupées lors de la visite (111 sur 345), dont 44 aux ateliers (12,7 %), alors que les termes du contrat passé avec Sodexo Justice services fixent le taux d’emploi en atelier à 20 % de l’effectif. La recherche de concessionnaires doit être activement poursuivie.
La gestion s’est orientée vers une maîtrise des mouvements qui ne favorise pas l’accompagnement vers l’autonomie : les accès aux promenades et aux activités sont planifiés, selon un régime proche de celui d’une maison d’arrêt.
Le placement en régime fermé, insuffisamment formalisé et s’apparentant à une mesure infra-disciplinaire quand il a pour motif le comportement des personnes, laisse place à des marges d’arbitraire.
Le recours aux contraintes additionnelles (menottage, fouilles) n’est pas toujours proportionné et individualisé. Des fouilles à nu sont régulièrement réalisées dans des endroits inappropriés (douches, office). Le menottage est systématique lors des montées en véhicule ; il est maintenu lors des consultations et actes de soins à l’extérieur, lesquels se déroulent en présence des escortes.
La visite n’a pas révélé d’usage disproportionné de la force, et les cas de violences restent faibles en proportion, l’établissement étant davantage exposé aux projections et à la détention de stupéfiants et de téléphones. Le nombre de dossiers passés en commission de discipline ne permet pas de traiter l’ensemble des comptes-rendus d’incident et les délais sont trop importants. La sanction de confinement, insuffisamment précisée dans ses modalités, recouvre un ensemble de mesures vexatoires déguisées.
De manière générale, les traçabilités (requêtes, fouilles, confinements, placement en cellule de protection d’urgence, etc.) restent lacunaires et les observations sur GENESIS ne sont pas systématiquement renseignées, ce qui ne favorise pas la circulation de l’information, laquelle conserve un caractère trop informel et interpersonnel. Dans ce contexte, la construction de réponses communes n’est pas toujours effective.
L’établissement parvient cependant à maintenir une certaine homogénéité en termes de culture professionnelle, axée sur une connaissance approfondie de la population détenue, favorisant le repérage des vulnérabilités ou des risques de tension et l’adaptation des comportements au quotidien. L’absence d’interprétariat et de mise à disposition de documents traduits pénalise néanmoins la population pénale étrangère.
Un grand nombre des personnes hébergées sont désocialisées et une grande partie sous addictions. L’offre de santé est grevée par l’absence de soins spécialisés sur site, à l’exception des soins dentaires, qui connaissent des délais importants de rendez-vous, et par l’éloignement géographique des centres hospitaliers. L’insuffisance des moyens de l’équipe locale de sécurité pénitentiaire expose les patients à des pertes de chance du fait de la nécessité de reprogrammer les rendez-vous. L’équipe soignante en soins psychiatriques paraît isolée, les liens avec son centre hospitalier de rattachement étant distendus alors que l’offre de soins en milieu hospitalier psychiatrique est insuffisante.
L’absence d’avocats intervenant au sein du centre de détention, tant en commission de discipline qu’au point justice, pénalise les personnes détenues, en limitant leur accès aux droits, notamment leur droit à une défense. Une évolution positive semblait toutefois émerger lors du contrôle, un avocat ayant indiqué que le Barreau de la Meuse allait davantage s’investir. Les personnes étrangères sont davantage pénalisées, alors que les audiences en visioconférence se réalisent sans interprète à leur côté, et que les demandes d’obtention ou de renouvellement d’un titre de séjour ne reçoivent aucune réponse.
Le présent rapport a été adressé au chef d’établissement, au préfet de la Meuse, au président et au procureur de la République du tribunal judiciaire de Bar-le-Duc, au Barreau de la Meuse, aux directeurs des centres hospitaliers de Verdun Saint-Mihiel et Fains-Véel et à l’ARS Grand Est.