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Rapport de la quatrième visite du centre éducatif fermé de Beauvais (Oise)

Rapport de quatrième visite du centre éducatif fermé de Beauvais (Oise)

Observations du ministère de la justice – Centre éducatif fermé de Beauvais (4e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la justice auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. 

Synthèse

Quatre contrôleurs ont effectué une visite inopinée du centre éducatif fermé (CEF) de Beauvais (Oise) du 16 au 18 janvier 2024. Il s’agissait de la quatrième visite, les précédentes ayant eu lieu en 2009, 2011 et 2016.

Lors de ses visites antérieures, le CGLPL avait :

  • en 2009, relevé une prise en charge particulièrement active des mineurs, en recommandant toutefois de mettre en œuvre un dispositif de supervision des pratiques professionnelles des équipes éducatives, de tenir un registre des entrées et sorties et un registre des sanctions retenues à l’encontre des jeunes, de développer les liens avec le barreau de Beauvais et de renforcer le suivi médical des mineurs, notamment pour les soins psychiatriques ;
  • en 2011, souligné l’attention portée à l’accompagnement des professionnels dans leurs pratiques, à la prise en charge intensive des mineurs au travers d’activités nombreuses et variées et à la préservation de la place des parents mais avait recommandé de travailler la formalisation des prises en charge individuelles ;
  • en 2016, constaté la suspension des admissions, préalable à une fermeture imminente en raison de l’insuffisance du nombre d’éducateurs et d’une situation de crise récurrente ; la révision du projet d’établissement n’avait pas abouti, le comité de pilotage du CEF ne se réunissait plus, la formalisation des prises en charge individuelles n’avait pas évolué favorablement, le personnel médical demeurait insuffisant et les situations de violence et de fugues s’étaient multipliées.

Le CEF de Beauvais a été fermé de mars 2017 à janvier 2019.

Lors de cette mission de contrôle sont à nouveau déplorées des difficultés liées à l’état des ressources humaines s’agissant notamment de la qualification du personnel éducatif, de la vacance des postes d’enseignant et de psychologue au cours du dernier trimestre 2023 et d’un des deux responsables d’unité éducative (RUE) depuis janvier 2024. Mais l’arrivée récente d’une psychologue et d’un professeur des écoles ainsi que la stabilité et l’investissement d’un duo d’encadrants, composé d’une directrice et d’une RUE, parviennent à garantir la pérennité de l’activité.

Le comité de pilotage est réuni. Les liens institutionnels sont entretenus et le CEF dispose d’un réseau varié et actif de partenariats locaux.

Le projet d’établissement, le règlement de fonctionnement et le livret d’accueil ne constituent pas des documents de référence, faute de concertation interne lors d’une tentative récente d’actualisation du projet d’établissement et faute d’actualisation des deux autres documents. Les règles sont toutefois appliquées et leurs manquements sanctionnés sans que les jeunes ne ressentent d’arbitraire, grâce à la cohésion de l’équipe et aux repères sains dont sont empreints le personnel recruté, doublés de la présence active de l’encadrement. L’absence d’information écrite préalable des enfants et de leur famille nuit à la prise en charge.

La traçabilité du recours à l’inspection des chambres, lequel est rare, n’est pas assurée. Celle du recours à la contention, a priori tout aussi rare, ne l’est pas non plus.

Le défaut de formalisation concerne aussi les dossiers individuels de prise en charge (DIPC) et les dossiers des mineurs dans leur ensemble, alors que la référence-éducative est active auprès de chaque jeune accueilli et que les professionnels investissent les jeunes dans leur placement à l’aide d’entretiens et en recourant à des activités variées, dans et hors le CEF, y compris dans la perspective de l’après-CEF. Ce même défaut, en lien notamment avec l’absence durable de certains professionnels, empêche la mise à disposition à chaque jeune de son emploi du temps hebdomadaire, seul à même de permettre leur projection dans le déroulement de leur journée.

Les contrôleurs regrettent également un accès limité à la lecture, aux médias, à la musique et aux outils numériques, parmi lesquels le téléphone portable, dans un souci à la fois récréatif et éducatif, alors que l’offre d’activités est par ailleurs de qualité. La possibilité d’être scolarisé dans un établissement environnant, adaptée à peu de jeunes, n’a pas compensé l’absence d’enseignant en interne entre septembre 2023 et janvier 2024. Les repas préparés sur place sont appréciés mais ne constituent pas suffisamment un moment de convivialité et un vecteur d’éducation à l’alimentation. De manière plus générale, la collectivité est imposée de 9h à 21h, sans retour possible en chambre alors même que l’espace de vie collective manque de zones confortables pour se mettre à l’écart volontairement, en dehors de l’accès au jardin, au sac de frappe et au panier de basket-ball qui y sont installés.

Des atteintes à la confidentialité sont constatées lors des contacts par téléphone avec la famille et avec l’avocat, ainsi que s’agissant de la conservation des dossiers des mineurs et de la protection des informations individuelles dans le bureau des éducateurs.

Toutes les facilités matérielles ne sont pas mises en œuvre concernant les visites des familles, parfois très éloignées du CEF.

Les conditions matérielles d’hébergement sont correctes, à l’exception de quelques manques qui font l’objet de recommandations dans le rapport, relatifs à l’accès à l’hygiène ou à la conservation des effets personnels.

La question de la formalisation du travail observé in concreto par les contrôleurs auprès de chaque jeune reste prégnante et l’absence d’avancée à court terme sur ce point risque de faire réapparaître les fragilités passées du CEF en faisant dépendre les comportements des professionnels et des enfants placés du seul investissement quotidien de l’encadrement et de la cohésion des groupes. Ce constat semblait partagé par les professionnels rencontrés, en premier lieu la directrice et la cheffe de service éducatif qui l’assiste, laissant augurer de bonnes perspectives.

Le présent rapport a été adressé à la direction du CEF, à la direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) de l’Oise ainsi qu’au président et au procureur de la République du tribunal judiciaire de Beauvais pour une période d’échange contradictoire d’un mois, à l’issue de laquelle les observations de la direction territoriale ont été intégrées au présent rapport définitif.