Rapport de quatrième visite de l’établissement pour mineurs de Porcheville (Yvelines)
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.
Synthèse
Cinq contrôleurs ont effectué un contrôle inopiné de l’établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de Porcheville (Yvelines), du 3 au 7 juillet 2023.
Cette mission constituait une quatrième visite, faisant suite à trois contrôles réalisés en 2010, 2014 et 2017.
Depuis l’entrée en vigueur du code de justice pénale des mineurs (CJPM), en octobre 2021, l’établissement, habituellement en suroccupation, se trouve occupé à 64 % en moyenne, avec une diminution de la durée des peines correctionnelles. Au premier jour de la mission, 38 mineurs s’y trouvaient hébergés pour 59 places (capacité réduite à 54 places de novembre 2021 à avril 2023 pour effectuer des travaux), dont seulement 17 % étaient condamnés. 24 % des prévenus étaient mis en examen pour des faits de nature criminelle et 20 % d’entre eux avaient moins de 16 ans. Les mineurs étrangers représentent 16 %, peu sont isolés (un seul au moment du contrôle).
L’élaboration du projet d’établissement est en cours depuis l’ouverture de l’établissement en 2008, travaillé par les quatre acteurs impliqués dans la prise en charge : administration pénitentiaire, protection judiciaire de la jeunesse, éducation nationale et unité sanitaire.
L’établissement fonctionne en gestion déléguée pour la maintenance, la restauration, le nettoyage et le service à l’immeuble.
L’EPM applique des régimes différenciés avec 6 places au quartier des arrivants, 10 places en régime de responsabilité, 40 places en régime classique, et 3 places en régime de prise en charge renforcée. Il dispose de deux cellules pour personne à mobilité réduite (PMR), situées au quartier arrivant et à l’unité 6.
Globalement, plusieurs recommandations émises en 2017 sont prises en compte et les bonnes pratiques sont maintenues, voire développées. Les conditions matérielles d’incarcération ont été améliorées depuis 2017 mais la pérennité des bâtiments d’hébergement n’est toujours pas garantie en raison des retards pris dans les travaux, notamment d’étanchéité des toitures. Le prestataire GEPSA assure désormais le nettoyage systématique des cellules libérées. De plus, une commission restauration a été instaurée ainsi qu’une évaluation du « taux de prise » des repas.
Sur le droit à l’éducation, la complémentarité des dispositifs éducation nationale, protection judiciaire de la jeunesse et Mission locale est opérationnelle. L’accès à l’enseignement est prioritaire et se traduit notamment par la mise en place d’emplois du temps individualisés durant 40 semaines par an (même s’ils sont parfois diffusés trop tardivement) ; un bilan pédagogique est partagé à l’arrivée avec les partenaires ; la psychologue de l’éducation nationale dispose d’outils de diagnostic des troubles des apprentissages permettant d’adapter l’orientation du mineur, les outils à mobiliser pour les apprentissages et de détecter un besoin d’orientation vers des dispositifs relevant du handicap. La mission de lutte contre le décrochage scolaire intervient également. Par ailleurs, une conseillère de la Mission locale suit une partie des mineurs en complémentarité des dispositifs de l’éducation nationale.
Depuis la dernière visite, la traçabilité des fouilles intégrales est en cours d’amélioration à la suite de la mise en fonctionnement de l’onglet « fouilles » dans GENESIS, qui nécessite toutefois son appropriation par les agents. L’organisation du circuit du traitement des incidents permet des délais de traitement courts.
Comme lors de la dernière visite, l’accès aux soins est garanti, des actions d’éducation à la santé déployées et une bonne articulation entre les psychologues de l’US, l’EN et la PJJ est relevée. Le partage d’informations sur la prévention du suicide est efficient, même s’il est déploré l’absence de cellule de protection d’urgence (CProU) depuis trop longtemps. Si l’accès aux soins psychiatriques est organisé, à l’extérieur de l’établissement, il n’y a en revanche aucune consultation possible avec un pédopsychiatre dont le poste est vacant depuis 2020. Par ailleurs, les niveaux d’escorte, pourtant individualisés, ne se traduisent pas concrètement lors des extractions où tous sont menottés avec chaîne de conduite, pratique non seulement infondée pour certains mais aussi attentatoire à la dignité, contraire aux consignes de la direction de l’administration pénitentiaire et de nature à inspirer la crainte du personnel soignant. La présence des escortes lors des consultations médicales apparaît variable mais non systématique.
En revanche, il a été constaté des difficultés récurrentes pour étayer le partenariat administration pénitentiaire/protection judiciaire de la jeunesse, obérant le quotidien des mineurs. Le taux d’absentéisme toutes causes confondues du personnel de ces deux institutions demeure important, ce qui impacte inévitablement la qualité de la prise en charge. Le fonctionnement du binôme surveillant-éducateur est peu efficient, hormis dans l’unité de responsabilité. Les repas collectifs sont rares hors cette unité et l’observation combinée des mineurs faible.
Des activités diverses sont mises en place mais, d’une part, elles pâtissent de l’absentéisme et, d’autre part, elles ne bénéficient qu’à un nombre limité de jeunes et leur pertinence n’est pas suffisamment évaluée.
Lors de la réunion de fin de visite, la direction de l’EPM s’est montrée soucieuse d’améliorer la prise en charge des mineurs incarcérés et très attentive aux observations et recommandations des contrôleurs, s’engageant à en mettre certaines en œuvre rapidement.
Un rapport provisoire a été adressé le 6 octobre 2023 à la directrice de l’EPM, à la directrice territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse des Yvelines, au président et au procureur du tribunal judiciaire de Versailles, au directeur général du CH de Mantes-La-Jolie et à l’agence régionale de santé. Les directrices du CH et de l’EPM ont fait valoir des observations en retour dans le délai imparti d’un mois, la directrice territoriale de la PJJ a fait de même, le 6 décembre 2023, en produisant un certain nombre de notes et documents en annexe. L’ensemble de leurs observations sont mentionnées dans le présent rapport.