Rapport de quatrième visite de la maison d’arrêt d’Amiens (Somme)
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.
Synthèse
Cinq contrôleurs et une stagiaire ont effectué la visite inopinée de la maison d’arrêt (MA) d’Amiens (Somme) du 2 au 6 octobre 2023, laquelle constituait une quatrième visite, faisant suite à celles de novembre 2008, mai 2010 et mai 2017.
L’établissement, implanté dans un faubourg de la ville au début du XXème siècle, est facilement accessible et est aujourd’hui entouré d’habitations. Il offre 268 places de détention pour les hommes majeurs, dont 229 en détention normale, 26 pour les arrivants, 7 dans un hôpital de jour (HDJ) géré par le service médico-psychologique régional (SMPR) et 6 pour les semi-libres (SL) au sein de la détention, ainsi que 5 places en quartier d’isolement (QI), 10 en quartier disciplinaire (QD), 1 dans une cellule de protection d’urgence (CProU). Aucun accès ni hébergement de personnes détenues à mobilité réduite (PMR) n’est possible.
Il est en gestion publique mais les repas et les cantines sont délégués à des entreprises. La maintenance et le suivi des travaux reviennent à l’équipe pénitentiaire des services techniques qui a surtout assuré, pendant plusieurs années, des interventions curatives même si des actions de rénovation du mobilier, des peintures et du circuit électrique ont pu être réalisées récemment. Un projet d’aménagement d’un quartier de semi-liberté dans le quartier des femmes, désaffecté, est à l’arrêt lors de la visite. Il est lié au réaménagement, en site occupé, du rez-de-chaussée de la rotonde, commencé en 2019 mais stoppé en 2022 à la suite de désaccords avec les entrepreneurs. De nombreux signes de vétusté sont observables et les besoins de rénovation sont nombreux, concernant les huisseries des fenêtres, le cloisonnement des sanitaires, les douches, les cours de promenade, les cellules du QD et les cours de promenade du QI-QD.
La surpopulation (149 % lors de la visite) est chronique. La durée moyenne d’incarcération s’est allongée de 2,6 mois entre l’année 2022 et la date de la visite. Un effet pervers de la mise en œuvre de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 ayant notamment conduit à la modification du régime des réductions de peine ainsi que la politique restrictive des juges d’application des peines en matière d’aménagement des peines l’expliquent, alors qu’il est possible d’investir activement un parcours d’exécution de peine. De plus, les conditions de mise en œuvre des mesures de semi-liberté sont inadaptées. Parallèlement, le personnel est en difficulté numérique.
Plusieurs restrictions dans les droits des personnes détenues font l’objet de recommandations strictes. Un système complexe de prises en charge particulières restreint, sans cadre juridique, les droits des personnes qui y sont soumises. Des restrictions concernent aussi l’apport de linge par les familles, l’accès à la première communication téléphonique, l’octroi des permis de visite, l’accès aux parloirs. Un délai de huit mois est nécessaire pour établir une pièce d’identité et il est impossible d’établir un document relatif au séjour sur le territoire français.
D’autres recommandations incitent à instaurer un régime de respect, à renforcer l’entretien des locaux et l’hygiène personnelle, à modifier les horaires des repas, à permettre l’accès à Internet et développer l’accès aux outils numériques, à analyser et mieux contrôler les pratiques de fouille intégrale, à individualiser davantage les niveaux d’escorte et l’utilisation de moyens de contrainte lors des extractions médicales, à spécialiser le traitement du courrier des personnes détenues dès sa relève en détention, à étendre l’accès au travail et aux activités sportives et à encourager l’accès à la bibliothèque, etc.
Plusieurs éléments de la prise en charge des personnes détenues sont par ailleurs nettement positifs comme la communication entre les services, les soins, la formation professionnelle, les activités socioculturelles ou encore le traitement des requêtes et l’expression collective. L’établissement expérimente les tablettes numériques en cellule, dont seuls les dysfonctionnements limitent la portée. Plus encore, les bonnes pratiques relevées dans le rapport de 2017, concernant la prise en charge des arrivants, la formation du personnel ou la collaboration réactive des services autour de la prévention du suicide, sont toujours observables.
L’investissement du personnel auprès des personnes détenues et l’humanisme de plusieurs pans de la prise en charge ne parviennent toutefois pas à compenser les mauvaises conditions matérielles de vie dans l’établissement.
Le rapport a fait l’objet d’une procédure contradictoire. Les observations reçues – au premier rang desquelles celles, nombreuses, du directeur de la maison d’arrêt rédigées en collaboration avec la direction du service pénitentiaire et d’insertion de la Somme – attestent de la volonté locale de modifier un grand nombre de pratiques.