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Rapport de la troisième visite de l’unité pour malades difficiles de Sarreguemines (Moselle)

Rapport de la troisième visite de l’unité pour malades difficiles de Sarreguemines (Moselle)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la santé et de la justice auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Six contrôleurs ont effectué une visite de l’unité pour malades difficiles (UMD) du centre hospitalier de Sarreguemines du 9 au 12 mai 2023. Cette UMD est un service du centre hospitalier spécialisé (CHS) ; elle appartient au pôle « dangerosité addictologie » et compte huit unités réparties sur deux espaces fermés pour 117 lits disponibles au moment du contrôle.

Ce rapport provisoire a été adressé au directeur général de l’établissement, au préfet de Moselle, au directeur général de l’ARS Grand-Est, au président du tribunal judiciaire de Sarreguemines ainsi qu’au procureur près ledit tribunal. Le directeur général du CH ainsi que la présidente du tribunal ont adressé des observations intégrées dans le présent rapport.

L’UMD accueille des patients de France entière relevant de soins psychiatriques sans consentement en hospitalisation complète à la demande du Préfet, dont « l’état de santé requiert la mise en œuvre, sur proposition médicale et dans un but thérapeutique, de protocoles de soins intensifs et de mesures de sécurité particulières ».

A l’exception de l’unité destinée à accueillir des femmes, aucune autre ne présente une spécificité dans l’admission des patients. Depuis un précédent contrôle en 2015, un nouveau service composé de trois sous-unités de douze lits a été construit et les deux unités Cyprès ont été rénovées.

Aucun projet d’établissement n’est encore établi qui déterminerait les orientations stratégiques médico-soignantes des différentes composantes du CHS et la place de l’UMD au sein du CHS, alors même que les temps médicaux sont fortement mutualisés au profit de la psychiatrie de secteur en difficulté. Ce constat avait déjà été fait lors de la visite de 2015.

 

Concernant les restrictions de libertés et le respect de la dignité

Toutes les unités de l’UMD sont fermées ; elles sont entourées de deux grandes enceintes qui ne donnent pas l’impression d’enfermement. Aucune caméra ne vient perturber l’intimité des soins.

En outre, les patients ne peuvent accéder à aucune cour ou jardin mais seulement à des espaces restreints et « encagés » qui sont indignes. L’accès et la sortie des chambres ne sont pas possibles durant la journée et les patients y sont alors enfermés ; un « protocole de soins personnalisés » semble indiquer la possibilité pour le patient de solliciter d’en sortir grâce à l’appel malade mais dans certains services, ces protocoles étaient considérés comme des isolements de fait en chambre du patient.

En revanche, les patients bénéficient d’une offre large d’activités thérapeutiques, manufacturières et créatives. Ils sont assez nombreux à en bénéficier (70  %) bien que le nombre de soignants par unité ne permette pas toujours d’inciter les patients à s’y rendre. Elles sont intégrées assez vite dans les projets de soins et les soignants organisent régulièrement des activités de médiation avec les patients restés au sein des unités.

La nuit, les patients sont enfermés en chambre à partir de 21h00 sans, là non plus, possibilité de solliciter une sortie à tout moment ; or s’il s’agit d’un enfermement de sécurité pouvant répondre au décret relatif aux UMD au titre des mesures particulières de sécurité, l’organisation des soins de nuit doit prévoir les modalités de respect de cette possibilité de sortir de la chambre, dans le projet médico-soignant à instaurer.

 

Concernant les conditions d’isolement et de contention

L’UMD dispose de 10 chambres d’isolement (CI) pour les 117 places actuellement ouvertes avec accès permanent aux toilettes et à l’eau. L’équipement y est insuffisant (pas de table et de banc pour les repas, absence de mécanisme d’appel pour les patients sous contention) mais surtout dans nombre de cas le respect de l’intimité des patients n’est pas assuré. Les CI d’Erables disposent d’un espace extérieur pour fumer et d’une douche, mais pas celles des autres unités. Le port du pyjama y est systématique. Il n’y a aucun espace d’apaisement et pas de traçabilité des alternatives à l’isolement déployées et même évoquées dans les documents institutionnels.

Si la traçabilité de toutes les mesures semble garantie sur le logiciel Cortexte, aucune exploitation de cette base de données ne permet d’en extraire un registre opérationnel et, par conséquent, aucune analyse régulière pluridisciplinaire des pratiques n’est conduite. Or, il existe de très fortes disparités entre les unités (le pourcentage de patients isolés par rapport à la file active des admissions, allant de 22  % à 70  % et les taux d’isolement couplés à de la contention allant de 15  % à 50  %. Enfin, l’accès au téléphone portable est interdit à tous les patients, sans individualisation ni motivation.

 

Concernant les conditions matérielles de prise en charge

S’agissant des conditions matérielles de prise en charge, seuls 36 lits sur les 117 ouverts sont situés dans des locaux rénovés. Les autres patients doivent encore partager des douches collectives, en faible nombre, et les WC des chambres collectives n’ont pas de porte. Partout, les cours extérieures sont trop petites et goudronnées et les fumoirs grillagés sont indignes. Les contrôleurs ont pris acte du projet de rendre individuelles les chambres, avec sanitaire et douche, mais aucun schéma directeur immobilier validé ne vient confirmer cette intention pour des cours extérieures plus humanisées, l’installation de verrous de confort dans les chambres, et surtout l’occultation de toutes les lucarnes des chambres qui constituent autant d’atteintes à l’intimité et à la dignité.

Enfin, les patients n’ayant plus leur portable, des horloges devront leur permettre de se repérer dans le temps.

Pour autant, les contrôleurs ont relevé les bonnes conditions d’entretien et de maintien de l’hygiène des patients ainsi que la satisfaction de ces derniers concernant les conditions de leur alimentation.

 

Concernant le droit d’accès à la santé

L’accès aux soins psychiatriques est assuré mais limité par le temps médical très insuffisant dans les unités. Les patients ne sont ainsi pas tous vus en consultation de manière rapprochée, la présence de médecins psychiatres est « rare », les entretiens « épisodiques » et surtout il n’y a plus de réunions cliniques hebdomadaires permettant le débat collégial autour de l’évolution des projets de soin individuels et assurant l’étayage scientifique des équipes soignantes.

Le nombre de soignants est lui aussi faible, même s’il est pour une partie compensé par un grand nombre d’autres professionnels comme les ergothérapeutes et éducateurs. Cette faiblesse des effectifs ne permet pas le développement d’une réelle préparation à la sortie accompagnant le patient dans le retour vers sa structure d’origine. Il n’y a pas de réunion soignants-soignés, ni de supervision.

En revanche, les activités thérapeutiques, créatives et toutes les techniques de médiation, nombreuses et variées, sont développées et intégrées assez vite dans les projets de soins ; les thérapeutes renseignent les dossiers médicaux sur le logiciel Cortexte.

L’accès somatique est assuré pour les admissions et les demandes quotidiennes d’avis ; il n’y a pas encore d’organisation de l’éducation thérapeutique ou à la santé.

Enfin, la recherche du consentement pourrait être améliorée par le développement des directives anticipées en psychiatrie ou un plan de prévention des crises.

 

Concernant la prise en compte du patient sujet de droit

L’information des patients sur les règles de vie et leurs droits est réalisée via le livret d’accueil qui comporte quelques erreurs et omissions ; il n’y a aucun affichage sur les droits des patients.

Par ailleurs, les modalités de saisines du JLD lors d’isolements et contentions semblent mal maîtrisées et ces décisions font très souvent l’objet de levées pour non-respect des délais depuis novembre 2022 (toutes les mesures ont été levées en avril 2023). La présence de trois agents de sécurité au sein de la salle d’audience est systématique et n’est pas individualisée ni motivée par l’état clinique du patient, ce qui nuit à la sérénité des débats. En revanche, les contrôleurs soulignent le faible taux de certificats d’incompatibilité pour les audiences hors isolement contention (219 présentations sur 235 saisines en 2022) et le fait que le juge vienne régulièrement auditionner les patients dans les unités.