Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de l’intérieur auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.
Synthèse
Quatre contrôleurs ont effectué une visite inopinée du centre de rétention administrative (CRA) de Saint-Jacques-de-la-Lande (Ille-et-Vilaine) du 5 au 8 juin 2023. Cet établissement a fait l’objet de trois précédentes visites, en février 2009, juin 2014 et janvier 2017. Il se situe sur le site de la direction zonale de la police aux frontières Ouest. Il dépend du tribunal judiciaire de Rennes, de la cour d’appel de Rennes, du tribunal administratif de Rennes et de la cour administrative d’appel de Nantes. Il jouxte l’aéroport de Rennes et se situe à 20 minutes en voiture de la gare de Rennes.
Si sa capacité théorique est de 56 places, seuls trois bâtiments étaient ouverts au moment du contrôle, et 26 personnes étaient hébergées, uniquement des hommes. Le centre n’héberge plus de familles ni de femmes depuis 2021.
La population retenue, d’une moyenne d’âge s’établissant autour de la trentaine, compte majoritairement des personnes issues de détention et de garde à vue. Ainsi, sur les cinq premiers mois de 2023 (jusqu’au 31 mai), 78 personnes sur 189 entrants étaient issues de détention (41 %) et 87 personnes de garde à vue (46 %). Les personnes issues de retenues administratives (c’est-à-dire qui ont fait l’objet d’une interpellation sur le seul fondement de l’infraction au séjour) sont de moins en moins représentées : 36 % en 2021, 34 % en 2022, et 13 % en 2023 (jusqu’au 31 mai).
En dépit de ces évolutions, la gestion des situations est restée humaine et souple. Les agents montrent une bonne connaissance de la population retenue. La volonté d’œuvrer avec « tempérance » a été exprimée de façon récurrente par des fonctionnaires de différents grades.
Lors du contrôle, il a été constaté des services impliqués, travaillant ensemble en bonne intelligence.
Cependant, les locaux d’hébergement conservent toujours un caractère carcéral et minimaliste. Quelques aménagements, aisés à mettre en place, déjà préconisés aux termes du précédent rapport, bénéficieraient rapidement aux personnes retenues : l’aménagement dans les chambres d’un espace de rangement fermé où entreposer leurs affaires de façon sécurisée et confidentielle, la possibilité de verrouiller les chambres de l’intérieur, la mise en place en tête de lit d’une liseuse et d’une tablette de rangement, des tablettes pour poser quelques effets vers les lavabos et des porte-savons dans les douches.
L’information est à renforcer lors de l’arrivée. Le règlement intérieur ainsi qu’un livret d’accueil dans une langue adaptée devraient être distribués. La portée des décisions dont la personne retenue fait l’objet devrait être appelée, ainsi que les voies et délais de recours. Actuellement, les conditions de notification des décisions, d’information sur les droits et le règlement intérieur dans d’autres lieux, avant l’arrivée au centre, ne permettent pas aux intéressés de bien en prendre connaissance, et conduisent notamment à des absences de recours.
Les liens avec l’extérieur, encore limités par une logique de préservation de la sécurité, sont à renforcer : autorisation des smartphones, même équipés d’un système d’appareil photo, possibilités d’appeler depuis les points-phone, notamment les numéros gratuits d’assistance, mise à disposition d’ordinateurs avec accès à Internet (garantissant au moins l’accès aux services publics en ligne).
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) rappelle que le recours à une chambre d’isolement, s’il s’effectue avec discernement et proportionnalité au CRA de Rennes, n’est encadré par aucun texte.
Enfin, l’usage du menottage lors des montées en véhicule, ainsi que le retrait des effets personnels à l’arrivée, sont des mesures de contraintes qui doivent rester individualisées et proportionnées.
Une réunion de restitution s’est tenue le 8 juin à 14h30, en présence de la directrice zonale de la police aux frontières, zone Ouest, et d’un coordinateur de la rétention, qui se sont montrés particulièrement intéressés et à l’écoute. Les contrôleurs ont une grande confiance dans la capacité de l’établissement à prendre en compte leurs recommandations et à persévérer dans son attitude très positive d’amélioration continue du service.
Le rapport provisoire a été adressé le 28 août 2023 à la directrice zonale de la police aux frontières, zone Ouest, à la commandante adjointe, commandante du centre de rétention administrative par intérim, au président du tribunal administratif de Rennes, au président du tribunal judiciaire de Rennes, ainsi qu’au procureur de la République près ce même tribunal.
Par courriers reçus respectivement le 18 septembre 2023 et le 2 octobre 2023, le président du tribunal administratif de Rennes et le procureur de la République du tribunal judiciaire de Rennes ont indiqué ne pas avoir d’observations à formuler. Ni la direction zonale de la police aux frontières ni la commandante du centre par intérim n’ont formulé d’observation.