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Rapport de la deuxième visite du centre éducatif fermé de Vigeant (Vienne)

Rapport de deuxième visite du centre éducatif fermé Le Vigeant (Vienne)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la justice auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Quatre contrôleures ont effectué une visite inopinée du centre éducatif fermé (CEF) du Vigeant (Vienne) du 11 au 14 mars 2024. Cette mission constituait un deuxième contrôle faisant suite à une première visite réalisée du 8 au 12 juillet 2013 ayant donné lieu à un rapport public.

Le rapport provisoire rédigé à l’issue de cette visite a été transmis le 6 mai 2024 au directeur du CEF, à l’Institut Don Bosco, à la direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse de Poitou-Charentes, au président du tribunal judiciaire de Poitiers, au procureur de la République près ce même tribunal, et au rectorat de l’académie de Poitiers. Le procureur de la République a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler contrairement à la direction territoriale de la PJJ et à l’institut Don Bosco qui ont émis des observations intégrées dans le présent rapport définitif.

Le CEF du Vigeant, ouvert depuis 2005, est géré par l’Institut Don Bosco depuis octobre 2022. Il dépend de la direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse (DT PJJ) Poitou-Charentes et de la direction interrégionale de la PJJ du Sud-Ouest. Le CEF peut accueillir douze mineurs de 16 à 18 ans, exclusivement masculins, mais l’accueil est actuellement limité à huit mineurs au regard des crises sociales traversées par le centre. En effet, depuis 2021, le CEF a rencontré de grandes difficultés pour stabiliser l’équipe de direction et les absences des professionnels ont été très importantes sur l’année 2023. Les objectifs posés par les organismes de tutelle en 2021 n’ont pas plus été mis en œuvre. La majorité du personnel n’est pas qualifiée, la formation est peu investie ; de même, l’accompagnement des nouveaux professionnels et les outils de communication et d’accompagnement ne permettent pas de gagner en cohérence éducative. Néanmoins, le CEF est actuellement en période de restructuration et les professionnels se montrent investis, motivés dans de nouveaux projets et à l’écoute des mineurs. De nouveaux outils de travail sont en cours d’élaboration, notamment un projet d’établissement afin de renouveler l’arrêté d’habilitation, obsolète depuis juin 2022.

Les documents institutionnels actuels, et notamment le projet d’établissement, les dossiers des mineurs, le livret d’accueil et le règlement intérieur relatif aux sanctions éducatives et à l’évaluation du comportement du jeune, manquent de clarté et ne permettent pas aux professionnels de s’en saisir comme outils de référence. Les autres outils de suivi des mineurs, notamment le dossier individuel de prise en charge ou le projet commun de prise en charge, structurant le placement, ne font pas l’objet d’un formalisme suffisant, malgré un savoir-faire des professionnels.

Les conditions de vie proposées aux enfants sont adaptées, mais l’établissement ne garantit pas suffisamment le respect de la vie privée des mineurs. La transmission systématique dès l’arrivée du mineur des fiches signalétiques à la gendarmerie méconnaît ce droit. De même, l’absence de traçabilité et d’informations concernant les inventaires, les objets interdits ou les inspections des chambres porte atteinte aux droits fondamentaux des enfants. La circulation limitée des mineurs dans les différents espaces du CEF restreint également leur autonomie et accentue l’effet d’enfermement. Enfin, les mineurs ne bénéficient pas systématiquement du mobilier nécessaire dans les chambres mais l’hygiène et l’alimentation sont de qualité ou améliorées par l’équipe.

L’ouverture sur l’extérieur reste limitée, du fait de l’isolement du centre mais également de la politique attentiste de l’établissement. La famille est peu mobilisée et son implication reste limitée au travail réalisé avec le milieu ouvert, bien que la location d’une maison des familles favorise les liens familiaux. Aucun enfant n’est actuellement scolarisé dans les établissements de proximité et les stages restent limités tout comme les sorties culturelles. Aucun enseignant n’intervient au sein du CEF depuis l’été 2023, ni aucun éducateur technique depuis trois ans. Malgré un très bon partenariat avec l’agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), à proximité immédiate de l’établissement, les partenariats, notamment l’équithérapie, la musicothérapie, la médiathèque sont limités ou non renouvelés, et ne permettent pas l’implication régulière de tous les jeunes malgré des activités proposées variées.

L’accompagnement éducatif est opérant, organisé sur la journée et sur la semaine, mais les enfants sont peu impliqués dans leur quotidien, et les activités ne sont pas nécessairement en lien avec le parcours du mineur. L’accompagnement dans l’affaire pénale du mineur reste peu élaboré, tout comme le travail autour de la préparation à la sortie, intervenant tardivement dans le parcours du jeune. L’absence de scolarité ou d’atelier technique limite également la construction de l’emploi du temps hebdomadaire.

Enfin, l’accès à la santé, tant somatique que psychiatrique, n’est aujourd’hui pas assuré en raison de l’absence d’intervention d’un infirmier et d’un pédopsychiatre et l’accès et la distribution des médicaments doivent être revus. Si une psychologue intervient quotidiennement au sein de l’établissement, aucune action d’éducation en lien avec les addictions, la sexualité ou la violence n’est organisée.

Compte tenu des problématiques des adolescents confiés, ces difficultés doivent se résoudre rapidement avec le soutien des échelons hiérarchiques et en sollicitant les autorités concernées, en particulier l’agence régionale de santé et l’académie de Poitiers.

Les réponses apportées tant par la DTPJJ de Poitou-Charentes que par l’institut Don Bosco attestent de l’attention portée au suivi et à la bonne exécution des recommandations du Contrôleur général des lieux de privation de libertés par la mise en place d’un plan d’action par l’association et par un suivi accru de la DTPJJ.