Rapport de deuxième visite du centre éducatif fermé de Hendaye (Pyrénées-Atlantiques)
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de l’intérieur auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations.
Synthèse
Quatre contrôleurs ont effectué une visite inopinée du centre éducatif fermé (CEF) d’Hendaye (Pyrénées-Atlantiques) du 12 au 15 février 2024. Cette mission constituait un deuxième contrôle faisant suite à une première visite réalisée du 23 au 26 septembre 2013[1] ayant donné lieu à des recommandations en urgence du 17 octobre 2013[2].
Les contrôleurs ont échangé avec des équipes très intéressées par leurs constats et soucieuses d’apporter des améliorations à la prise en charge.
Le CEF, en gestion associative, a la capacité d’accueillir 12 adolescents de 16 à 18 ans. Après des difficultés importantes à l’été 2023, la structure stabilise actuellement son fonctionnement, neuf mineurs étaient accueillis au moment de la visite. Les postes sont globalement tous pourvus ou remplacés y compris en matière de santé, d’enseignement et la moitié des éducateurs sont qualifiés. Des formations adaptées sont suivies telles la prévention et gestion des situations de violence et les professionnels bénéficient par ailleurs d’analyses de pratiques régulières ; néanmoins, ils sont peu au fait des sujets portant sur la justice pénale des mineurs, une attention sur les positionnements éducatifs reste nécessaire et la cohérence d’équipe doit être davantage poursuivie notamment par l’actualisation du projet d’établissement. Si les relations avec l’ensemble des acteurs sont plutôt fluides, la structure n’est pas assez contrôlée et pilotée, alors que les problématiques auxquelles elle est confrontée le nécessitent d’autant plus.
S’agissant du droit à un hébergement et à des conditions matérielles dignes, le CEF pâtit d’une difficulté structurelle d’implantation et d’accessibilité importante relevée lors de la dernière visite et qui avait en partie fondée des recommandations en urgence : enclavé, on n’y accède que par le domaine ferroviaire interdit au public (accès illégal exposant à une peine d’emprisonnement) qui plus est dangereux puisque situé à proximité de voies ferrées et de passages de trains. Le déménagement du CEF est acté mais les recherches, qui doivent être priorisées, sont pour l’instant infructueuses et en tout état de cause ne peuvent justifier que l’accessibilité ne soit pas sécurisée. De surcroît, du fait des contraintes bâtimentaires, l’espace extérieur est réduit, le bâtiment est sur trois niveaux ce qui ne facilite pas la surveillance, les chambres ne disposent pas toutes de douches, cet état de fait étant aggravé par un manque d’investissement général dans les locaux, impersonnels et non décorés. En revanche, le droit à l’intimité est garanti par la présence de verrous de confort, les locaux sont globalement propres, les espaces extérieurs commencent à être décorés des réalisations des mineurs dans le cadre d’un atelier street-art. Les repas ont fait l’objet d’une amélioration récente : réalisés par une cuisinière y compris le week-end et dans des conditions d’hygiène alimentaire désormais assurées. Si l’inventaire contradictoire est effectué à l’arrivée, il n’y a pas d’inventaire de sortie permettant de vérifier la restitution des affaires.
Sur le droit au respect de l’intégrité physique et psychique, l’accès aux soins tant somatiques que psychologiques et psychiatriques est garanti y compris dans l’accès aux spécialités grâce notamment aux liens noués par l’infirmière et la psychologue du CEF mais ces liens gagneraient à être formalisés par des partenariats ; l’intervention en addictologie est intéressante mais cet espace n’est pas investi et davantage d’actions d’éducation à la santé pourraient être mises en place. L’interdiction de fouiller les mineurs est respectée mais l’inspection des chambres n’est pas réalisée de façon rigoureuse. Les incidents sont mieux gérés depuis quelques mois mais ils ne sont pas tous tracés et les réponses sont insuffisamment structurées.
S’agissant du droit à l’information, les documents internes existent mais ils ne sont pas actualisés, harmonisés entre eux et suffisamment précis. L’arrivée est globalement bien réalisée avec entretien, remise d’un kit avec clé USB et radio et évaluation rapidement réalisée dans tous les domaines. Le droit d’expression collective et individuelle est trop peu investi : plus de réunions-jeune remplacées par des points individuels mais ne portant pas sur différents aspects de la prise en charge, pas de conseil de la vie sociale, aucun questionnaire de satisfaction ou dispositif similaire. Le droit à la liberté de conscience n’est pas assuré, aucune information n’est recueillie sur le choix des parents s’agissant du culte de leur enfant et des repas entièrement confessionnels sont proposés sans d’ailleurs d’instruction de l’établissement.
Les familles sont associées à la prise en charge tout au long de son déroulé et leur venue est facilitée. En revanche, les autorisations parentales nécessaires pour les actes de la vie quotidienne ne sont pas toutes recueillies, les appels sont trop limités dans leur fréquence et leur durée, enfin des incidents peuvent conduire au raccourcissement des week-ends passés en famille. L’accès à Internet via les deux postes de la salle de cours est très limité, de plus le téléphone portable est absolument interdit.
S’agissant du droit à une prise en charge favorisant la réinsertion, le projet individualisé est insuffisamment formalisé (documents individuels de prise en charge incomplets et sans avenants). De même, les dossiers des mineurs sont très incomplets et désorganisés et l’archivage des rapports aux magistrats n’est pas rigoureux. Si le jeune bénéficie d’un emploi du temps individualisé, ce dernier est trop fictif. Le CEF bénéficie d’un enseignant assurant la scolarité mais en pratique les mineurs ne bénéficient que de 3h maximum de cours par semaine, aucun cours en collectif n’est organisé et la continuité pendant les vacances scolaires n’est pas assurée, constats qui conduisent à rappeler les recommandations formulées dans l’avis du CGLPL du 31 janvier 2024 portant sur l’accès à l’enseignement des mineurs privés de liberté. La formation professionnelle mériterait d’être davantage structurée : le CEF dispose aujourd’hui d’ateliers intéressants et diversifiés qui ne sont pas utilisés par absence d’éducateurs techniques. Des activités sont proposées, elles sont diverses et certaines intéressantes mais elles ne sont pas assez organisées et un créneau de 2h30 d’activités de loisirs est finalement peu investi. Enfin, la sortie de l’établissement n’est pas assez protocolisée et anticipée.
Le CEF est depuis septembre 2023 dans une dynamique positive et une démarche d’amélioration de ses pratiques dont il a une vision réaliste. Toutefois, son déménagement définitif vers un autre lieu compatible avec la sécurité des enfants accueillis doit être prioritaire. Dans l’attente, l’accessibilité de l’établissement doit être sécurisée.
Un rapport provisoire a été adressé le 7 juin 2024 au directeur du CEF, à la directrice territoriale Aquitaine-Sud, à la directrice interrégionale Sud-Ouest, à la directrice générale de l’association gestionnaire, aux autorités judiciaires du TJ de Bayonne et au préfet des Pyrénées-Atlantiques. La directrice générale de l’association gestionnaire a fait valoir ses observations dans un courrier du 10 juillet 2024, la directrice territoriale dans un courrier du 9 août 2024 en complément des éléments apportés par la directrice générale. Le préfet des Pyrénées-Atlantiques a fait état de ses observations dans un courrier du 9 août 2024 adressé en copie au garde des Sceaux. Les observations reçues sont prises en compte dans le présent rapport. Les autres destinataires du rapport provisoire n’ont pas présenté d’observations.
[1] CGLPL, Rapport de visite du centre éducatif fermé Txingudi d’Hendaye, sept. 2013 (en ligne).
[2] Recommandations du 17 octobre 2013 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté prises en application de l’article 9 de la loi du 30 octobre 2007 et relatives aux centres éducatifs fermés d’Hendaye (Pyrénées-Atlantiques) et de Pionsat (Puy-de-Dôme) et réponse de la garde des sceaux, ministre de la justice, du 8 novembre 2013 (en ligne).