Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la deuxième visite du centre de détention de Neuvic (Dordogne)

Rapport de deuxième visite du centre de détention de Neuvic (Dordogne)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

 

Cinq contrôleurs ont effectué une visite inopinée du centre de détention (CD) de Neuvic du 4 au 13 septembre 2023. Il s’agissait d’une seconde visite. Le rapport provisoire a fait l’objet d’observations en retour de la part de l’établissement, des hôpitaux de Vauclaire et de Périgueux et du président du tribunal judiciaire de Périgueux en sa qualité de président du conseil départemental d’accès aux droits du département de la Dordogne.

Malgré l’ancienneté du précédent rapport du Contrôleur général des lieux de liberté (CGLPL) effectué en 2014, les contrôleurs ont constaté la persistance de plusieurs dysfonctionnements impactant les droits fondamentaux des personnes détenues au sein du CD de Neuvic. Une situation dégradée d’effectifs, notamment dans le corps des officiers, explique en partie ce manque d’ambition dans la prise en charge des détenus mais un déficit organisationnel est aussi à relever, avec un lien à renforcer entre la direction, les officiers et les agents de détention.

Depuis 2014, des changements positifs sont aussi à souligner avec la mise en place d’un module respect qui mériterait d’être encore plus investi par l’établissement (en termes de budget et d’activités proposées) et une initiative locale ambitieuse de prise en charge des détenus souffrant d’addictions à travers une unité spécifique, l’unité de réhabilitation pour usagers de drogues (URUD), dont le CGLPL recommande la généralisation. Cette unité bénéficie à 15 détenus qui vont suivre un programme poussé de prise en charge avec des équipes pluridisciplinaires d’intervenants. Des unités de vie familiale ont par ailleurs été réalisées et permettent un meilleur maintien des liens familiaux.

L’état bâtimentaire du CD est satisfaisant et le principe de l’encellulement individuel est majoritairement respecté. Les réparations sont effectuées dans les temps et les équipements sont de bonne qualité. Il manque cependant des portes dans les toilettes des cellules doubles, de véritables cloisons dans les douches et des portes dans les toilettes des promenades. Par ailleurs, l’organisation bâtimentaire ne permet pas de garantir un quartier des arrivants véritablement étanche de la détention ordinaire.

Des restrictions apparues durant la pandémie de la Covid-19 persistent et doivent être levées, notamment la suppression des parloirs doublés ou le passage à une seule promenade par jour pour la majorité des détenus, ce qui est très insuffisant pour un CD.

S’agissant de l’aspect sécuritaire, les fouilles ne sont pas toujours effectuées de manière pertinente et le lien avec les autorités judiciaires et de gendarmerie doit être renforcé pour mener des actions communes et plus fréquentes contre le trafic de stupéfiants qui se développe en détention et met en péril la santé des détenus, notamment du fait de livraisons de stupéfiants par le système de drones.

L’accès au droit et à l’information pour le détenu est insuffisant, il a été constaté un défaut d’information général dans l’établissement. A l’arrivée, la personne détenue étrangère ne bénéficie pas de l’interprétariat et il n’existe plus de réunion d’accueil. Le point d’accès au droit apparaît en sommeil et les détenus sont peu informés de son existence. Les conditions matérielles d’accès au dossier pénal pour le détenu sont indignes puisqu’il est laissé dans une cellule d’attente ne disposant ni de banc ni de bureau. Il n’existe enfin aucune traçabilité des requêtes. S’agissant du droit d’expression collective, il est peu mis en œuvre excepté dans le module respect et à l’URUD ainsi que dans les commissions restauration, et ce malgré les rappels sur ce point dans le rapport du CGLPL de 2014 et le rapport d’inspection de 2017.

L’unité sanitaire fonctionne bien et les détenus bénéficient d’un accès aux soins somatiques réels. Néanmoins les effectifs, en particulier pour la psychiatrie, ne sont pas à la hauteur des besoins alors même que les profils des détenus nécessiteraient un suivi plus approfondi. L’exiguïté des locaux de l’unité sanitaire est problématique et le projet d’extension doit donc être mené à son terme. La distribution des médicaments n’est pas toujours réalisée dans des conditions permettant d’assurer la confidentialité.

S’agissant des ateliers, il est urgent de répondre aux sollicitations de l’inspection du travail qui a pointé plusieurs dysfonctionnements : nécessité de renouveler l’air, de prévoir des pauses supplémentaires en cas de forte chaleur et mettre à disposition de l’eau. Le projet de réhabilitation des toilettes doit être réalisé dans les plus brefs délais.

Les activités socioculturelles sont variées et dynamiques. L’accès au sport pourrait être amélioré par le recrutement d’un animateur supplémentaire et la création d’un gymnase. Le canal vidéo mériterait d’être renforcé car l’outil est performant mais il est utilisé principalement pour les annonces de l’administration pénitentiaire et la forme est peu attractive.

S’agissant de la réinsertion, les formations professionnelles proposées sont riches et pertinentes. Le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) est doté de six conseillers d’insertion et de probation (CPIP) pour sept prévus à l’organigramme ce qui complexifie les prises en charge, au demeurant non formalisées dans un projet de service. Le SPIP doit dynamiser son offre collective et développer des propositions de groupes de paroles et des actions de lutte contre la récidive notamment sur la problématique des violences conjugales qui concernent un quart des détenus. L’accompagnement du détenu vers la sortie doit être plus structuré. La juge d’application des peines (JAP) a une politique active d’aménagement de peine et les permissions de sortir sont régulièrement accordées.

Enfin, les contrôleurs se sont déplacés dans les chambres sécurisées du Centre Hospitalier de Périgueux qui accueillent des détenus du CD dans des conditions qui doivent faire l’objet d’une formalisation plus précise afin de mieux déterminer les conditions d’accueil et préserver les droits des personnes détenues. Les chambres sécurisées doivent aussi faire l’objet d’aménagements matériels pour améliorer la prise en charge des détenus.