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Rapport de deuxième visite de l’établissement public de santé mentale des Flandres (Nord)

Rapport de deuxième visite de l’établissement public de santé mentale des Flandres (Nord)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la santé et de la justice auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Une équipe du CGLPL, constituée de quatre contrôleurs, a effectué une deuxième visite des sites bailleulois, armentiérois, cappellois et dunkerquois de l’établissement public de santé mentale des Flandres (EPSMF) du 3 au 12 juillet 2023. La première visite, ancienne, date du mois d’octobre 2008.

L’EPSMF est l’un des membres du groupement hospitalier de territoire (GHT) de psychiatrie du Nord-Pas-de-Calais. Les villes hébergeant les sites sont accessibles en train, et les sites eux-mêmes au moyen de bus locaux gratuits. L’EPSMF dispose de 161 lits d’hospitalisation à temps complet, de psychiatrie adulte exclusivement, destinés à la prise en charge de l’ensemble des troubles mentaux de personnes issues de six secteurs constituant par binôme trois pôles. Les deux inter secteurs de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, constituent le quatrième pôle et ne disposent d’aucune unité spécifique pour la prise en charge à temps complet des mineurs qui sont hospitalisés de façon inadaptée dans des structures pour adultes.

L’aggravation progressive du déficit du nombre de psychiatres dans l’établissement, de presque 40 %, fragilise toujours plus l’exercice du droit d’accès à des soins psychiatriques, dispensés par des équipes dont l’effectif n’est pas suffisant pour répondre aux besoins de la population concernée. Ce déficit a nécessité la fermeture de 50 % des lits du pôle G05-G06 sur le site de Bailleul, entravé le maintien de sa ligne de garde, et conduit pour ce dernier motif le transfert de ce pôle sur le site du centre hospitalier Lille-Métropole d’Armentières. Dans ce contexte de politique sanitaire fragilisée, la direction commune en place du GHT a fait l’objet d’une dénonciation par le conseil de surveillance, puis de la nomination d’un nouveau directeur de l’EPSMF, assisté d’une équipe dynamique. La pénurie de personnel médical et soignant, dont l’épuisement professionnel a été notablement rapporté lors de la visite, nécessitait par ailleurs une fermeture temporaire surajoutée de lits lors de la période estivale, afin de répondre aux difficultés d’établir des plannings. Enfin, la fermeture définitive de dix lits, sans aucune contrepartie de structure, d’équipement, ni de personnel, a été inscrite dans le projet de restructuration « vieil hôpital » du site de Dunkerque.

Les quatre sites présentent une architecture hétérogène, amiantée à Armentières, vétuste à Bailleul et Dunkerque, contemporaine à Cappelle-la-Grande, et certains d’entre eux nécessitent des travaux pour garantir la dignité des conditions d’hébergement. L’absence notable de salles d’eau dans les chambres du site d’Armentières, où les patients sont contraints d’utiliser deux sanitaires communs pendant des horaires restreints en est une illustration. La liberté d’aller et venir dans les unités visitées, toutes fermées, n’est pas respectée. Les personnes hospitalisées en soins libres doivent notamment bénéficier pour sortir d’une autorisation médicale tracée, en contradiction avec les dispositions légales. Les restrictions sont mesurées et individualisées dans la vie quotidienne, à l’exception de celles de prendre l’air et de fumer, dans les jardins des unités majoritairement fermés pour des motifs sécuritaires et dont l’ouverture reste trop parcimonieuse.

Le nombre de prises en charge en soins sans consentement est important. Celles selon la forme dérogatoire constituent les deux tiers des soins à la demande du directeur de l’établissement dans les unités contrôlées, elles sont établies sur le fondement d’un seul certificat médical, et dans le cadre d’une recherche insuffisante d’un tiers qui privent les patients considérés en péril imminent d’une voie de recours autre que médicale. Les responsables des trois pôles adultes ont mis en avant des projets de pôle structurés, et les patients bénéficient de la qualité de l’investissement professionnel des équipes médicales et soignantes, en dépit du contexte démographique auxquels ils font face. Les patients concernés ont toutefois insuffisamment accès, et de façon disparate entre les pôles, à des prises en charge pertinentes relatives à leur réhabilitation psychosociale. Le processus d’alliance thérapeutique et la prévention de la ré-hospitalisation en soins sans consentement nécessitent l’utilisation des directives anticipées, ainsi que la formation et le recrutement de médiateurs de santé pairs. La désignation insuffisante de la personne de confiance n’est que très peu suivie de son association au projet de soin.

La commission départementale des soins psychiatriques, qui avait interrompu ses venues lors de la pandémie de Covid-19 ne les a pas remises en œuvre, et n’exerce plus sa mission de contrôle des unités de l’établissement depuis le mois de juillet 2021. Le taux anormalement élevé de non-présentation des patients au juge des libertés et de la détention révèle de surcroît un doublement lors de l’exercice 2022-2023, dans le contexte, insuffisant pour l’expliquer, d’une absence de tenue d’audiences foraines, qui impose à certains patients un parcours de 120 km pour le contrôle légal de leurs mesures de soins sans consentement.

L’évolution des pratiques d’isolement et de contention, et leur traçabilité, sont insuffisamment inscrites dans le cadre de l’évolution des dispositions législatives, au motif notamment du défaut d’une formation adaptée, régulièrement dispensée et destinée à l’ensemble du personnel soignant. Les chambres d’isolement nécessitent des travaux, afin de garantir la sécurité et la dignité des patients isolés, sur le modèle de celles de l’unité Boréale. Des décisions d’isolement sont prises par des médecins non-psychiatres et certaines mesures sont pratiquées dans les chambres hôtelières. L’absence de salons d’apaisement, le défaut d’outils informatiques fiables permettant le recueil et l’analyse statistique des données, complètent la faiblesse de mise en œuvre d’une politique d’alternatives à ces pratiques.