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Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin (Seine et Marne)

Rapport de deuxième visite du centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin (Seine et Marne)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Sept contrôleurs ont réalisé une visite, annoncée la semaine précédant le contrôle, du centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin-Neufmontiers (Seine-et-Marne) du 4 au 14 décembre 2023, lequel avait fait l’objet d’un contrôle en 2014. Les éléments relevés lors de la première visite du 14 au 24 janvier 2014 sont repris, en tant que besoin, dans différentes parties du présent rapport.

Le centre pénitentiaire, situé à quelques kilomètres du centre-ville de Meaux, établissement en gestion délégué, a ouvert en 2005 pour ce qui concerne le « grand quartier » dans le cadre du programme « prisons 4000 ». Il s’est agrandi en 2009 avec l’ouverture du quartier nouveau concept (QNC) puis de la structure d’accompagnement à la sortie (SAS) en novembre 2023.

Les deux bâtiments de la maison d’arrêt subissent une occupation à 183 %, 705 personnes étant hébergées pour 385 places au premier jour de la visite, dont 32 dormant sur un matelas au sol et 31 sur des lits amovibles au confort très limité. Les détenus encellulés à trois et ceux à deux dans des cellules de moins de 11 m² subissent la promiscuité, l’absence d’intimité et disposent chacun de moins de 2 m² d’espace disponible pour se mouvoir.

Le bâtiment du centre de détention est occupé à 98 % pour une capacité de 192 places et accueille de nombreux détenus pour de courtes peines en désencombrement de la maison d’arrêt ce qui déséquilibre son fonctionnement et complique sa vocation à proposer un régime de confiance.

Alors que la fermeture du quartier nouveau concept (QNC) était annoncée concomitamment à l’ouverture de la structure d’accompagnement à la sortie (SAS), il a finalement été décidé de le conserver ouvert, sans toutefois maintenir les moyens humains pour prendre en charge les détenus et assurer leur accès à des activités et aux soins.

La SAS a la capacité d’accueillir 60 personnes en semi-liberté et 120 en programme SAS dans des locaux neufs et adaptés à une démarche d’autonomisation. Toutefois, la doctrine de l’administration pénitentiaire empêchant d’y orienter des personnes au reliquat de peine à exécuter supérieur à deux ans, associée à la réforme des réductions de peine, réduit la durée du suivi possible.

Les effectifs des différents services ne sont pas dimensionnés et pourvus de sorte à permettre une prise en charge adaptée au regard de l’augmentation de la capacité de l’établissement et de son occupation réelle.

Les locaux du grand quartier se dégradent faute de maintenance préventive. Une partie de la toiture de la maison d’arrêt se décroche. Les détenus se plaignent du froid et d’un manque régulier d’eau chaude. Les cours de promenade sont mal équipées alors même que du matériel a été livré par le comité départemental olympique et sportif.

Les prestations attendues dans le cadre du marché de la gestion déléguée ne sont pas au rendez-vous s’agissant de la maintenance, de l’entretien, de la restauration et des cantines.

Les demandes des détenus ne sont pas toutes tracées et ne reçoivent pas systématiquement de réponse.

Alors que le centre pénitentiaire compte des quartiers d’autonomisation, l’accès à Internet et à une boîte mail personnelle n’est toujours pas garanti et les semi-libres ne peuvent pas conserver leur téléphone.

Le centre pénitentiaire a connu des épisodes de violences graves, des enquêtes sont en cours et l’inspection générale de la Justice a rendu un rapport en mai 2021. Pourtant, les techniques d’intervention ne sont pas suffisamment travaillées et les enquêtes à la suite d’incidents sont lacunaires. Les opérations de fouille à nu ne sont pas tracées, ni analysées et les fouilles par palpation sont trop systématisées. Lors des extractions médicales, le secret médical n’est pas préservé.

Les aides aux personnes indigentes ne sont pas toutes mises en œuvre, notamment lors de la sortie.

En revanche, une attention est portée aux personnes vulnérables qui peuvent être orientées vers une unité spécifique ou, en détention classique, bénéficier d’une approche particulière afin de poursuivre des activités, comme tout autre détenu.

La communication entre les professionnels et intervenants en détention est globalement opérationnelle mais l’unité sanitaire en milieu pénitentiaire ne participe pas aux instances ce qui prive les intervenants d’un possible éclairage sur la meilleure manière d’accompagner un détenu et prive les soignants d’informations susceptibles d’améliorer la connaissance du patient.

L’examen médical d’entrée à bref délai n’est pas garanti. L’organisation des convocations et des mouvements complique l’accès à l’unité sanitaire. Le nombre des extractions médicales possibles n’est pas adapté aux besoins. Les soins psychiatriques souffrent d’un manque de temps de psychiatre et de psychologue. Les plans d’action établis en cas de risque suicidaire sont imprécis.

En revanche, l’offre de travail, de formation, de scolarité et de sport est variée et bien organisée.

Le dispositif du parcours d’exécution de peine comprenant une psychologue et un surveillant favorise l’implication de la personne et valorise sa progression.

Le service pénitentiaire d’insertion et de probation compte des professionnels volontaires mais le manque de pilotage et de partenariats complique le maintien ou l’ouverture des droits sociaux des personnes détenues.

L’établissement dispose, outre des parloirs classiques, de deux parloirs familiaux et trois unités de vie familiale. Les liens familiaux sont préservés à l’exception des personnes poursuivies ou condamnées pour des violences intrafamiliales qui se voient systématiquement privées de la possibilité de contacter et de rencontrer la personne présumée victime, elle-même en demande, alors qu’aucune décision de justice ne l’interdit voire parfois l’autorise.

L’autorité judiciaire dialogue volontiers avec les professionnels du centre pénitentiaire. Des juges d’application des peines animent une réunion de présentation de l’application des peines en maison d’arrêt et au centre de détention.

Malgré d’importantes difficultés qui ne relèvent pas toutes de la compétence de l’établissement, celui-ci compte également des atouts que le présent rapport met en valeur au titre des bonnes pratiques.

Les constats exposés lors de la réunion de restitution ont été accueillis de diverses manières, parfois de façon constructive, parfois comme relevant d’une tâche impossible à entreprendre au regard des moyens alloués.

Le rapport provisoire a été adressé le 25 mars 2024 à l’établissement, le 19 mars aux autorités judiciaires du tribunal de Meaux, à la direction du Grand hôpital de l’Est-Francilien et à l’Agence régionale de santé Ile-de-France pour une période d’échange contradictoire d’un mois à l’issue de laquelle les observations de la cheffe d’établissement du centre pénitentiaire, de la directrice adjointe et du président de la commission médicale d’établissement du centre hospitalier ont été intégrées au présent rapport.

L’établissement comprend des professionnels mobilisés et soucieux de remplir leurs missions de service public. Les réponses apportées dans le cadre du contradictoire montrent une volonté d’évolution et d’appropriation de certaines recommandations.

Le CGLPL encourage les équipes du centre pénitentiaire à poursuivre leur engagement et la mise en œuvre des ajustements préconisés.