Rapport de deuxième visite de la clinique psychiatrique de Beaupuy (Haute-Garonne)
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.
Synthèse
Une équipe de huit contrôleurs a effectué une deuxième visite de la clinique psychiatrique de Beaupuy (Haute-Garonne) du 5 au 9 février 2024. Seule une des douze recommandations formulées à l’issue de la première visite, en 2017, a été mise en œuvre, s’agissant de la formation de l’agent administratif en charge du suivi des procédures de soins sans consentement.
La clinique de Beaupuy (CB) participe, de façon non sectorisée et non exclusive, à la prise en charge des troubles mentaux des Haut-Garonnais, en complémentarité avec le centre hospitalo-universitaire Purpan (CHU), le centre hospitalier Gérard Marchant et sept autres cliniques privées. Le secteur privé assure 78,1 % de l’activité de soins de santé mentale dans le département en 2022. Une situation qualifiée de « critique sur le très long terme », concernant la gestion urgente de l’accueil et de l’orientation des patients au CHU, a conduit l’agence régionale de santé (ARS) à autoriser la clinique de Beaupuy à la prise en charge de patients hospitalisés en soins sans consentement (SSC) depuis 2005. La capacité de la clinique s’élève à 168 lits, dont 31 sont dédiés à la prise en charge des patients hospitalisés en SSC. L’extension de cette habilitation pour 10 lits supplémentaires prise par l’ARS le 1er juillet 2021 reste en attente d’autorisation officielle. L’établissement n’accueille pas de mineurs ni de détenus et ne dispose pas d’une filière de gérontopsychiatrie. L’excellent état des espaces communs et l’étendue agréable du vaste parc contrastent avec l’ensemble des locaux des unités, terne et sans décoration, pour lesquels la réhabilitation prévue à l’agenda du précédent projet d’établissement, concernant notamment les chambres, n’a pas été mise en œuvre.
L’activité de SSC est très majoritairement dérogatoire. 92 % des patients hospitalisés en SSC sont accueillis dans le cadre des soins à la demande d’un tiers en urgence et ainsi privés de l’intervention effective d’un tiers et d’une double évaluation médicale spécialisée avant leur privation de liberté. Certains d’entre eux se voient privés de liberté sans base légale dès leur prise en charge dans le service d’accueil des urgences du CHU, parfois jusqu’à 72 heures avant la signature d’une décision d’admission par la directrice de la clinique, et parfois placés sous contention sans information du juge des libertés et de la détention (JLD) comme l’impose la loi. S’agissant du contrôle de leur hospitalisation, 53,8 % des patients concernés n’ont pas été présentés au JLD en 2023.
Le contexte départemental de l’exercice psychiatrique, qui concerne également la clinique de Beaupuy, révèle une inadéquation des ressources de lits d’hospitalisation à temps complet et de l’effectif des psychiatres et des soignants aux besoins de la population concernée. L’effectif du personnel soignant de la clinique fait face à des difficultés majeures de recrutement et à un taux de renouvellement élevé. Les effectifs de jour des deux unités concernées par les SSC comptent respectivement 88 et 86 % de soignants employés en contrat à durée déterminée. Aucune formation concernant les droits fondamentaux des patients hospitalisés en SSC ne leur est régulièrement dispensée. L’information des patients relative à leurs droits est en conséquence insuffisante, à l’exception de celle, rigoureuse, communiquée par la seule assistante médico-administrative (AMA) spécifiquement formée pour ce faire.
La qualité des soins dispensés est entravée par plusieurs facteurs : Les équipes soignantes ne sont pas stables en raison des difficultés de recrutement sus-évoquées. Les patients ne font pas l’objet d’un projet de soins psychiatriques formalisé. Les soignants ne sont pas régulièrement associés aux entretiens médicaux. Les patients et les soignants ont fait état de la brièveté du passage quotidien des psychiatres, uniquement le matin, insuffisante pour répondre aux besoins d’échange et d’évaluation. Deux infirmières portent seules un projet de réhabilitation psychosociale, pour lequel de difficiles recrutements sont en cours. L’établissement rencontre des difficultés pour assurer une présence somatique quotidienne continue depuis une année. Les gardes des médecins généralistes sont difficilement assurées et un système palliatif d’astreinte a été mis en place. Les patients ne bénéficient dans ce cadre d’aucune séance d’éducation thérapeutique. L’unité d’addictologie ne met pas en œuvre les protocoles de soins spécifiques à ce domaine de prise en charge et n’assure pas les soins addictologiques éventuellement nécessaires pour les patients concernés. Aucun patient hospitalisé ne se voit systématiquement proposer la rédaction et la mise en œuvre de directives anticipées et l’établissement n’a recruté aucun médiateur de santé pair malgré le bénéfice de leur intervention objectivement corrélé aux résultats d’études scientifiques. Les sorties d’hospitalisation sont peu anticipées, aucune réunion de synthèse spécifique n’est régulièrement mise en œuvre, le suivi ambulatoire n’est pas organisé afin d’assurer la suite des soins et de prévenir une nouvelle présentation rapide du patient aux urgences et les courriers adressés aux généralistes référents ne sont pas systématiquement rédigés.
En revanche des activités thérapeutiques sont quotidiennement proposées l’après-midi en semaine, au moyen de l’organisation adéquate d’ateliers spécifiques par des intervenants spécialisés.
L’évolution des pratiques d’isolement et de contention et leur traçabilité sont insuffisamment inscrites dans le cadre de l’évolution des dispositions législatives, au motif notamment du défaut d’une formation adaptée, régulièrement dispensée et destinée à l’ensemble du personnel soignant. La chambre d’isolement de l’unité 4 ne respecte pas la dignité, l’intimité et la sécurité des patients. L’espace d’apaisement de l’unité 5 présente les caractéristiques d’une chambre d’isolement. Des mesures illégales d’isolement, pouvant concerner des patients hospitalisés en soins libres, y sont mises en œuvre, sans traçabilité adaptée, ni respect des dispositions légales relatives à l’information du JLD et de la commission départementale des soins psychiatriques. Des décisions d’isolement sont prises par des médecins non-psychiatres. L’absence de salons d’apaisement, le défaut d’outils informatiques fiables permettant le recueil et l’analyse statistique des données et l’absence de sollicitation de la structure de réflexion éthique dans ce cadre notamment complètent la faiblesse de mise en œuvre d’une politique d’alternatives à ces pratiques. Une procédure adaptée de traitement et de prévention des événements indésirables fait par ailleurs défaut. Pour autant, le recours à l’isolement et la contention, tel qu’il résulte des données communiquées, est faible au regard des pratiques recensées au niveau national et les équipes soignants tentent de mettre en place toute mesure alternative en amont, en dépit d’une formation insuffisante et de l’absence de lieux adaptés à l’apaisement.
Les restrictions de la vie quotidienne, qui concernent principalement la liberté d’aller et venir, sont individualisées et réévaluées mais peuvent concerner des patients hospitalisés en soins libres. Les droits d’exercice du vote et du culte sont respectés. Ceux relatifs à l’intimité et la sexualité des patients ne font l’objet d’aucune réflexion institutionnelle mais sont traités de manière individualisée par le personnel soignant. Un dispositif conséquent de vidéosurveillance est implanté, notamment dans les espaces communs et les circulations. Un nombre très insuffisant d’agents a bénéficié de la formation à la sécurité incendie. La situation du site, isolé dans la campagne et qu’aucun transport en commun ne dessert directement, ne garantit pas la sécurité des patients et des visiteurs dépourvus de voiture, qui doivent effectuer un parcours piéton prolongé le long d’une route passante.
Les locaux et l’effectif de la pharmacie d’usage interne ne lui permettent pas de répondre à l’exercice de ses missions ni de garantir la sécurité des patients dans le cadre des procédures de contrôle des ordonnances, de délivrance et d’administration des médicaments. Les travaux de restructuration ad hoc prévus pour l’année 2020 n’avaient pas été mis en œuvre lors de la visite.
Un rapport provisoire de visite a été adressé par courrier le 2 juillet 2024 au chef d’établissement, au préfet du département de Haute-Garonne, à l’agence régionale de santé d’Occitanie, au président et au procureur de la République du tribunal judiciaire de Toulouse les invitant à faire valoir leurs observations en retour dans un délai de quatre semaines. Seule la cheffe d’établissement a répondu, par courrier le 29 juillet 2024, ses observations sont intégrées dans le présent rapport.