27 novembre 2024
Le CGLPL a réalisé, du 2 au 13 octobre 2023, des missions de contrôle des lieux de privation de liberté de Mayotte (centre pénitentiaire de Majicavo, centre hospitalier de Mamoudzou, centre de rétention administrative de Pamandzi, locaux de rétention administrative de Petite-Terre et commissariat de Mamoudzou). Dans l’ensemble des lieux visités, les contrôleurs ont fait le constat de conditions d’enfermement et de prise en charge gravement attentatoires aux droits fondamentaux et à la dignité des personnes enfermées.
La gravité des constats et la forte dégradation des conditions de privation de liberté depuis sa précédente visite en 2016 ont conduit le CGLPL à adresser ses rapports de visite et des observations au Premier ministre, en sus des ministres de l’intérieur, de la justice et de la santé.
Lire le rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire de Majicavo
Voir les observations en réponse du ministre de la justice
Le recours massif à l’enfermement entraine une suroccupation alarmante de certains locaux de rétention et du centre pénitentiaire, dont les équipements sont au mieux dégradés, au pire inexistants. Les conséquences sont aggravées par l’oisiveté forcée, l’absence d’accès à l’eau courante (y compris en dehors des plages de coupure), une alimentation inadaptée et insuffisante et des carences graves en matière d’hygiène. La prise en charge médicale des personnes retenues et détenues est structurellement défaillante.
Partout les personnes privées de liberté sont entravées dans l’exercice des leurs droits. A l’hôpital et dans les lieux accueillant des étrangers retenus, la majorité des atteintes aux droits constatées semblent être la conséquence directe d’une méconnaissance massive du droit en vigueur.
Certains constats avaient déjà été effectués lors des précédentes visites du CGLPL à Mayotte en 2016 et demeurent inchangés. Concernant la rétention administrative des étrangers, la pratique consistant à rattacher des enfants à des adultes sans vérification de la réalité du lien les unissant perdure. Le centre pénitentiaire de Majicavo connait une surpopulation carcérale dramatique (lors de la visite en octobre 2023 les taux d’occupation étaient de 247% au quartier centre de détention et de 200% au quartier maison d’arrêt). Le centre hospitalier de Mamoudzou souffre d’un souffre d’un sous-dimensionnement et manque gravement de moyens.
La situation particulière de Mayotte, territoire en proie à de graves difficultés, a conduit le législateur à instaurer, en matière de droit des étrangers, un régime dérogatoire au droit commun dont le CGLPL et d’autres acteurs ont à plusieurs reprises souligné qu’il porte en germe des risques d’atteintes aux droits fondamentaux. Les insuffisances structurelles gravissimes dont pâtissent les services publics responsables de la prise en charge des détenus et patients en psychiatrie à Mayotte sont à l’origine de nombreux manquements et atteintes aux droits de ces populations, bien que leurs régimes juridique respectifs ne diffèrent pas du droit applicable sur le reste du territoire.
L’action publique s’inscrit en dehors du cadre juridique défini par le législateur et se traduit par des pratiques non maitrisées et des opérations conduites au mépris des normes en vigueur. Il en résulte des manquements et des atteintes aux droits en cascade, les droits des personnes privées de liberté sont de facto privés de toute effectivité.