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Rapport relatif à la dignité des conditions de détention au quartier maison d’arrêt des hommes du centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand (Saône-et-Loire)

Rapport relatif à la dignité des conditions de détention au quartier maison d’arrêt des hommes du centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand (Saône-et-Loire)

Observations du ministère de la justice – Dignité des conditions de détention – Centre pénitentiaire de Varennes le Grand

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. 

 

SYNTHÈSE

Le quartier maison d’arrêt des hommes (MAH) du centre pénitentiaire (CP) de Varennes-le-Grand relève de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Dijon (Côte-d’Or) et est situé sur le ressort des tribunaux judiciaires de Chalon-sur-Saône et de Mâcon. Le CP comprend également un quartier centre de détention (de 191 places selon les informations recueillies), un quartier des mineurs (de 15 places) et un quartier de semi-liberté (de 10 places), le quartier MAH offrant lui, après constats, 167 places.

La mise en service du CP en 1991, dans le cadre du programme national de construction de 13 000 places, a entraîné la fermeture des maisons d’arrêt de Chalon-sur-Saône et de Mâcon.

Quatre contrôleurs ont examiné les conditions de prise en charge au quartier MAH du 13 au 17 mars 2023. Au premier jour du contrôle, 289 détenus étaient hébergés soit un taux d’occupation de 173%.

1. La MAH connaît une surpopulation chronique

1.1 La densité carcérale est de 173%

La capacité opérationnelle de la MAH est, selon la superficie réelle des cellules, de 167 places. La densité carcérale était de 173% au jour de la visite, taux habituellement constaté sur la MAH. L’encellulement individuel est donc marginal : si 90% des cellules sont prévues pour n’accueillir qu’une personne, seulement vingt personnes ont un hébergement individuel, soit 6,99% de la population hébergée.

En revanche, aucun matelas au sol n’est installé.

Malgré la suroccupation, la séparation entre prévenus et condamnés est respectée mais celle entre les fumeurs et les non-fumeurs ne peut pas l’être. Des changements de cellules fréquents limitent les tensions entre détenus.

  1.2 Les personnes écrouées, majoritairement condamnées, séjournent environ quatre mois au sein du quartier

La majorité des détenus est condamnée (63%). Un tiers est âgé de plus de 40 ans, 12,5% sont sans ressources suffisantes et 12,5% ne maîtrisent pas la langue française. Les dispositions prises pour les indigents sont complètes et efficaces en impliquant le SPIP, la régie des comptes nominatifs, le vestiaire et le partenaire privé.

Les durées d’incarcération, de l’ordre de quatre mois (4,16), rendent complexe l’élaboration d’un projet de sortie.

2. La prise en charge est dégradée par le manque de personnel et aggravée par la suroccupation

La MAH pâtit de l’absentéisme du personnel, et, selon les propos recueillis, dans des proportions plus importantes encore que sur l’ensemble de l’établissement. Cette situation affecte le rythme de travail des surveillants, dont la charge de travail est déjà presque doublée à tous les étages, sauf au quartier des arrivants.

En journée, les contrôleurs ont constaté que la présence des surveillants sur les coursives n’était pas constante, notamment en raison des mouvements « promenade » organisés quatre fois par jour. Il en résulte l’absence d’interlocuteur pour les détenus à certains moments et une longue attente constatée aux grilles ou portes des étages, qui ne sont pourvues d’aucun bouton d’appel. Le concept de « surveillant-acteur », pourtant expérimenté depuis longtemps au CP de Varennes-le-Grand, site pilote, n’est pas investi par les agents de la MAH.

3. Les conditions d’hébergement sont compromises par la surpopulation

3.1 La suroccupation rend l’espace individuel réellement disponible en cellule insuffisant

La superficie des cellules simples (autour de 9m²) comme des cellules doubles (autour de 12m²) et la surface d’à peine plus d’1m² occupée par l’espace sanitaire constitué sommairement d’un lavabo et d’un WC confèrent à chacun des deux ou trois occupants de ces cellules un espace individuel supérieur à 3m².

L’espace individuel réellement disponible -après retrait du mobilier, en nombre pourtant restreint (cf. § 3.2) – est en revanche insuffisant dès lors que les cellules simples sont occupées par deux personnes et les cellules doubles par trois personnes : chacun dispose alors de 1,79m² à 2,31m², selon les relevés effectués.

3.2 Le mobilier des cellules n’est pas proportionnel au nombre d’occupants

Les lits superposés, majoritaires, puisque toutes les cellules sont au moins doublées (sauf la cellule pour PMR), sont rarement équipés d’échelle. Si chaque occupant de la cellule dispose toujours d’un siège et d’un couchage, ils se partagent les autres meubles (tables, armoires). Certains prennent leur repas, l’assiette posée sur leurs genoux ou sur le réfrigérateur.

Tout équipement électrique étant loué ou acheté, les détenus disposent de la télévision et d’un réfrigérateur mais moins systématiquement voire rarement d’autres appareils (plaques chauffantes, bouilloires, lampes d’appoints, consoles de jeux, etc.). Il n’a pas été fait état de difficultés électriques.

3.3 Les locaux ne sont pas tous entretenus de manière régulière

L’état des cellules est généralement correct, leur remise en peinture étant faite régulièrement. Mais les joints des fenêtres sont défectueux et les châssis métalliques suffisamment rouillés pour laisser passer l’air. En revanche, l’unique bouche d’aération au-dessus des WC ne ventile pas la cellule. Les détenus observent beaucoup de condensation en hiver et, en été, selon les propos rapportés, il ferait très chaud.

Aucune installation de douche dans les cellules n’est prévue.

Sous les préaux des cours de promenade s’amoncellent des ordures (cf. photos n°11 et n°12). Une forte odeur d’urine y est perceptible. Ces espaces ne sont nettoyés qu’une fois par an par une société extérieure et l’eau est coupée à l’automne jusqu’au milieu du printemps, avec une remise en fonctionnement aléatoire. En cas de pluie, des flaques d’eau, d’une trentaine de m² (côté rue) et à l’entrée (côté bâtiment, se forment dans les deux cours.

4. En régime portes fermées, les détenus passent en moyenne 20 heures dans leur cellule

4.1 Hormis les auxiliaires, tous les détenus sont en régime « portes fermées »

4.2 Malgré l’offre d’activités, l’essentiel du temps passé hors de la cellule est constitué par la promenade

L’offre d’activités, une fois répartie entre tous les détenus, conduit en moyenne chacun d’eux à passer en théorie 20h30 en cellule. Cette offre consiste, en moyenne, par jour et par personne en 3 minutes d’enseignement, en 43 minutes de travail et de formation professionnelle, en 56 minutes de sport, en 6 minutes d’activités socio-culturelles, 1h42 de promenade. Cette offre de travail ne satisfait pas tous les besoins : 37% des détenus sont dans l’attente d’un poste de travail.

Les arrivants ne disposent que de la promenade, soit 1h26 quotidienne de mise en activité en moyenne.

5. Le respect de l’intégrité physique et de l’intimité comme l’accès aux soins psychiatriques ne sont pas garantis

5.1 Les atteintes à l’intégrité physique ne sont pas fréquentes mais les risques sont insuffisamment pris en compte

Les détenus comme les surveillants sont peu affectés par les violences.

Cependant, la configuration des bâtiments ajoutée au dispositif d’appel notoirement inefficient en journée et à l’indisponibilité des surveillants quatre fois par jour (pour les mouvements et la promenade) constituent des risques en termes de sécurité.

5.2 Un effort de préservation de l’intimité est perceptible

L’aménagement des locaux des douches collectives, le cloisonnement des WC dans les cellules, les pratiques professionnelles concernant les fouilles intégrales attestent de la volonté de respecter l’intimité des personnes détenues.

Néanmoins, aucune cellule n’est équipée de douche et les fouilles sont réalisées dans des locaux qui ne sont pas toujours adaptés.

5.3 L’accès aux soins psychiatriques n’est pas assuré et le secret médical à l’hôpital n’est pas respecté

Le centre hospitalier spécialisé de Sevrey, chargé des soins en santé mentale, a organisé son intervention comme dans un centre médico- psychologique : aucune suite n’est donnée aux rendez-vous proposés et non honorés ; une sélection des sollicitations pour les consultations est effectuée en privilégiant les consultations psychiatriques ; aucune consultation préalable à la sortie de détention n’est organisée. Les contrôleurs ont reçu de nombreux témoignages concordants des professionnels comme des usagers de carences graves dans les prises en charge en santé mentale. Les observations du directeur du CHS (suite donnée aux rendez-vous non honorés, pas de sélection des sollicitations, consultation à la sortie organisée) décrivent une réalité que les contrôleurs n’ont pas observée. Par ailleurs, l’utilisation systématique des moyens de contrainte ainsi que la présence des escortes pendant les consultations à l’hôpital (CH) sont de nature à porter atteinte à la dignité des personnes détenues.

6. Le maintien des liens avec l’extérieur contribue à la préparation de la sortie malgré des difficultés diverses

6.1 Les relations avec l’extérieur sont assurées

Les boxes des parloirs sont propres et climatisés ; les parloirs familiaux et les unités de vie familiale (UVF) sont de construction récente et en excellent état.

Les difficultés de planning récurrentes de l’équipe parloirs sont surmontées en raison de la faible utilisation des UVF par les personnes détenues.

     6.2 La préparation à la sortie donne lieu à des aménagements de peine, malgré l’absence d’intervention des services de l’Etat

Le taux d’octroi des aménagements de peine est de 78%. Les conversions de peine sont moins octroyées depuis un an.

Le protocole avec la préfecture n’est pas appliqué ce qui ne permet pas de renouveler de manière régulière les papiers d’identité pendant l’incarcération et il n’y a plus de référent Pôle emploi.

7. L’enfermement est majoré pour les détenus mis à l’écart

7.1 Le régime disciplinaire est strict

Au quartier disciplinaire (QD), les fenêtres des cellules sont vétustes et les deux cours de promenade sont dénuées de tout équipement. L’accès à l’air libre n’est possible qu’une fois par jour pendant une heure. Par ailleurs, les détenus peuvent faire laver leur linge, obtenir un poste radio en bon état de fonctionnement lors de la visite ou garder un livre s’ils le souhaitent.

7.2 L’enfermement en cellule des personnes isolées est maximal

Au quartier d’isolement (QI), l’hygiène personnelle est facilitée par l’accessibilité d’une douche en cellule et par la possibilité de faire laver son linge personnel.

Mais la vétusté des fenêtres dans les cellules et le dénuement absolu des cours de promenade (accessibles une heure par jour le matin) portent atteinte aux conditions de prise en charge. Surtout, aucune activité autre que la promenade n’est accessible, notamment faute de tout équipement sportif en salle ou à l’air libre.

8. Les autorités connaissent les conditions d’hébergement et aucun recours pour condition de détention indignes n’a encore été intenté

8.1 Les autorités visitent régulièrement l’établissement

8.2 Les détenus ignorent l’existence du recours pour conditions de détention indignes

L’établissement est très régulièrement visité que ce soit par des autorités locales que nationales.

Les détenus ignorent les moyens d’intenter un recours contre l’indignité de leurs conditions de détention. Rien n’est mis en place pour les informer, sauf, installé pendant la visite, l’affichage en détention d’une note à la population pénale relative à l’article 803-8 du code de procédure pénale. Le greffe dispose pourtant des moyens de faire exercer ce recours.