Observations du ministère de la justice – Quartier des hommes de la maison d’arrêt de Nîmes
Ce rapport a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations.
Synthèse
La maison d’arrêt de Nîmes (Gard) ‒ relevant de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Toulouse (Haute-Garonne) et située dans les ressorts du tribunal judiciaire et de la cour d’appel de Nîmes ‒ offre 158 places pour les hommes prévenus et condamnés, 20 places pour les femmes prévenues et condamnées, 16 places pour des hommes en semi-liberté.
Cinq contrôleurs ont examiné les conditions de la prise en charge à la maison d’arrêt des hommes (MAH) du 4 au 8 juillet 2022.
Lors de cette visite, 359 détenus étaient hébergés.
Le principe de l’encellulement individuel, réalité de la conception de l’établissement puisque 81,01 % des places sont individuelles, a presque totalement disparu : seuls six hommes détenus sur 347 hébergés au QA ou à la MAH (hors QI-QD) sont seuls en cellule, soit 1,73 %. La suroccupation, chronique, à près de 220 %, entraîne en permanence l’absence de lit pour près d’un détenu sur cinq. Aucun équipement ou service n’est calibré pour cette population surabondante.
La population hébergée n’est pas particulièrement âgée mais quelques situations sociales et sanitaires nécessitent une attention spécifique. Un détenu sur sept bénéficie des dispositifs de lutte contre l’indigence.
Malgré la difficile communication d’éléments statistiques à la date de la visite, il apparaît que les détenus sont adressés majoritairement par la juridiction de Nîmes et que 58 % d’entre eux ont le statut de condamné. Eu égard à la surpopulation, il n’est pas tenu compte du statut pénal dans la répartition en cellule : deux tiers des prévenus cohabitent avec un ou plusieurs condamnés.
En rapport avec la surpopulation, la charge de travail est doublée. Ces mauvaises conditions de prise en charge n’altèrent pas la qualité des relations entre les surveillants et les détenus.
Malgré un apparent respect des critères de la CEDH, l’espace réellement disponible, une fois retiré le mobilier, est inférieur à 3 m² pour près de 99 % des personnes détenues.
Certains équipements indispensables tels que les ventilateurs ne sont accessibles qu’à l’achat. La surface des cellules ne permet pas d’adapter le mobilier et les possibilités de rangement au nombre d’occupants. Cela contribue aux mauvaises conditions d’encellulement.
La luminosité dans les cellules est réduite par le triple dispositif de sécurité aux fenêtres. L’éclairage artificiel proposé est insuffisant.
Les douches collectives ‒ dont l’insalubrité est inacceptable (plafonds couverts intégralement de moisissures et rongés par l’humidité) ‒ ne sont accessibles que trois fois par semaine aux 286 détenus hébergés dans les 119 cellules sans douche individuelle.
L’offre théorique d’activités et le temps à l’air libre en promenade conduiraient chaque détenu à pouvoir passer 3h44 en dehors de sa cellule quotidiennement si les activités étaient fréquentées dans leur plein potentiel, ce qui n’est pas le cas, notamment par crainte de violences dans les cours de promenade. Or, l’offre d’activités est constituée à 74 % de temps de promenade.
Si les éléments statistiques fournis ne permettent pas d’analyser finement les phénomènes de violence, et notamment les lieux de commission des faits, il en ressort néanmoins une certaine prégnance des violences entre personnes détenues, ce que corroborent les témoignages recueillis qui font état d’un sentiment d’insécurité en cours de promenade.
L’absence d’interphonie en cellule ne participe pas à la prévention des atteintes à l’intégrité physique.
En cellule, l’aménagement des toilettes et des – rares – douches permet un relatif respect de l’intimité malgré la promiscuité. En revanche, la conception des douches collectives ne la respecte pas.
Le manque de fiabilité des données statistiques relatives aux fouilles à nu interroge la capacité de l’établissement à analyser ses pratiques en la matière.
L’offre sanitaire permet un accès aux soins somatiques et de santé mentale sans perte de chance au sein de l’établissement mais est obérée par l’annulation des extractions médicales programmées, notamment du fait du manque de disponibilité des escortes pénitentiaires. Par ailleurs, l’établissement n’a pas organisé les moyens nécessaires à la prise en charge des personnes détenues dépendantes.
Du fait de la configuration des parloirs, les conditions matérielles des visites sont attentatoires à l’intimité et à la dignité. Le maintien des liens avec l’extérieur est encore compliqué par l’absence de salon familial ou d’unité de vie familiale.
Les modalités d’accompagnement des détenus par le SPIP ne favorisent pas les alternatives à l’incarcération. La régulation carcérale porte davantage sur la volonté de maîtriser les écrous que sur la mise en œuvre des possibilités de sortie de détention.
Au quartier disciplinaire, la disposition des locaux et les dispositifs de sécurité aux fenêtres obstruent la lumière naturelle. La conception des cours de promenade empêche de bénéficier dignement de l’air libre. L’accès limité aux vêtements, à la douche, aux produits d’hygiène et d’entretien ne permet pas aux détenus punis de conserver un niveau d’hygiène personnelle suffisant.
En dehors des limites déjà signalées dans le cas du quartier disciplinaire – principalement l’absence d’équipements dans les cours de promenade – les conditions matérielles dans lesquelles les personnes sont détenues à l’isolement respectent la dignité de ces dernières. Les lacunes dans le reste de la prise en charge, notamment l’absence d’activité collective, contribuent néanmoins dans la durée à porter atteinte à l’intégrité physique et psychique des personnes.
Si la procédure du recours ouvert à l’article 803-8 du code de procédure pénale est connue des professionnels, l’établissement n’informe pas les détenus de la possibilité d’exercer un recours pour conditions de détention indignes.
Le transfert est la solution privilégiée pour anticiper d’éventuels recours fondés sur les conditions de détention, sans modifier, in fine, la réalité de la situation.