Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations.
SYNTHÈSE
La maison d’arrêt de Sarreguemines est située en zone urbaine, à proximité du tribunal judiciaire et du centre-ville. Mise en service en 1902, elle est construite sur 3 niveaux et présente des locaux exigus et vétustes inadaptés à la prise en charge des personnes détenues bien que le bâti soit bien entretenu et propre. Le nombre de places opérationnelles est de 59 hors quartier de semi-liberté et 96 personnes étaient hébergées au moment du contrôle, soit un taux d’occupation de 163%. Les cellules présentent toutes une superficie inférieure à 9m2 et sont majoritairement doublées pour faire face à ce taux d’occupation élevé ce qui rend les conditions de détention particulièrement indignes. L’objectif de réinsertion est entravé tant par les conditions de détention que par le fort renouvellement des effectifs de la population carcérale qui effectue de très courtes durées de détention.
1. L’établissement est chroniquement suroccupé
1.1 La densité carcérale s’élève à 163%
La densité carcérale varie selon les étages de 106% à 181% au jour du contrôle. Cette surpopulation aggrave les conditions de détention des détenus qui disposent de cellules à la superficie très faible: entre 6 et 9m². Près de la moitié des détenus sont incarcérés dans des cellules doublées d’une superficie de 6,84 m².
1.2 48% des détenus ont le statut de prévenu
La population pénale est composée d’une forte proportion de prévenus (48%) ce qui est nettement supérieur à la moyenne nationale qui s’élève à 32% au 1er mars 2023. L’analyse des entrants et sortants fait par ailleurs ressortir une durée de séjour en détention particulièrement courte puisqu’elle est inférieure à 3 mois. Il est enfin relevé que 40% de détenus ont moins de 30 ans.
2. Le personnel déployé permet une prise en charge individualisée des personnes détenues
La sécurité des détenus et la fluidité des mouvements sont assurées par la présence d’un surveillant à chaque étage ainsi que d’un agent affecté à la surveillance des promenades. La configuration bâtimentaire offre par ailleurs une visibilité sur toutes les coursives. Les détenus rapportent majoritairement une bonne réactivité des surveillants.
3. Toutes les cellules sont inférieures à 9m² et sont dépourvues de douche
3.1 50% des détenus disposent d’un espace individuel disponible inférieur à 3m²
46 personnes (23 cellules), soit 49,46% de la population hébergée au jour de la visite, disposent d’un espace individuel disponible en cellule (hors sanitaire) inférieur à 3m² ce qui présume de conditions indignes de détention selon les critères de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Si l’on retire également les meubles ayant une emprise au sol, l’espace réellement disponible est inférieur à 3m² pour 98% de la population hébergée. Cet espace disponible tombe à moins de 2m² pour 84% des détenus dès lors que les cellules sont doublées.
3.2 Le mobilier des cellules est inadapté
Le mobilier est d’un état général correct. Il n’est néanmoins pas adapté au nombre d’occupants.
3.3 L’absence de douche en cellule et l’accès limité aux douches collectives compromettent l’hygiène individuelle
Les cellules et les locaux communs sont propres et bien entretenus. L’accès aux douches collectives, limité à trois fois par semaine, est insuffisant. Par ailleurs la gratuité du lavage des effets personnels des personnes dépourvues de ressources suffisantes doit être assurée et portée à leur connaissance.
4. L’indignité des conditions de détention est aggravée par le temps important passé en cellule
4.1 Le régime de détention est celui des portes fermées
4.2 Le temps moyen d’activité hors cellule se limite à 3h05 par jour
Un seul créneau de promenade est proposé par jour à chaque personne détenue. L’offre de travail est constituée exclusivement du service général et ne concerne que 19 détenus (20%). Plus de la moitié des détenus (51 personnes soit 53%) est en attente de classement au travail. Malgré des installations sportives inadaptées, l’offre d’activités sportives est conséquente permettant aux personnes détenues de bénéficier de plusieurs créneaux hebdomadaires en salle et à l’extérieur. L’action éducative se trouve limitée par la promiscuité de l’encellulement qui ne permet pas aux détenus d’effectuer un travail scolaire en cellule. Par ailleurs, l’absence d’accès à Internet prive les personnes détenues de la possibilité de suivre des études supérieures.
5. Le respect de l’intimité des détenus est compromis lors des fouilles et des extractions médicales
5.1 La sécurité des personnes détenues est préservée
Il est relevé 7 actes de violence en 2022 entre personnes détenues et aucune violence physique commise envers le personnel. 5 à 6 personnes détenues ne sortent pas en promenade.
5.2 Les fouilles sont insuffisamment tracées
Le cadre juridique des fouilles n’est pas totalement maîtrisé, leur traçabilité est disparate et inégale et les statistiques sont incomplètes et non fiables quant au nombre de fouilles effectuées, à leurs circonstances et aux découvertes inhérentes. Aucune analyse des pratiques n’est ainsi possible. Il n’est toutefois pas rapporté de pratiques disproportionnées et humiliantes à l’encontre des personnes fouillées.
5.3 L’accès aux soins est garanti mais le secret médical n’est pas assuré lors des extractions au centre hospitalier général
L’unité sanitaire assure un accès aux soins diversifié. La part d’annulation des extractions médicales du fait de l’administration pénitentiaire s’élève à 50% ce qui démontre une organisation défaillante. Les extractions médicales sont systématiquement réalisées avec le port des menottes et entraves. En violation du secret médical, le personnel de surveillance est présent lors des consultations et soins réalisés au centre hospitalier général.
6. Les liens avec l’extérieur sont maintenus mais les possibilités d’aménagement de peine sont sous-investies
6.1 Les conditions d’accueil des proches sont satisfaisantes
L’accueil des familles est facilité par la présence d’une association dans un local à proximité immédiate de la maison d’arrêt. L’intimité des échanges est protégée par la configuration des parloirs qui sont constitués de boxes entièrement cloisonnés avec une partie vitrée. Les familles obtiennent rapidement une date de parloirs et des parloirs doublés sont possibles dans la limite d’un par mois ce qui apparaît restrictif. Les condamnés bénéficient de deux parloirs par semaine.
6.2 Les sorties de détention sans aménagement de peine sont la règle
Les possibilités légales permettant d’accompagner les fins de détention sont sous-utilisées, qu’il s’agisse de la libération conditionnelle, de la libération sous contrainte ou des conversions de peine. Si le procureur de la République opère une régulation des entrées en cas de surpopulation carcérale, la prise en compte du taux d’occupation lors de l’octroi de réductions de peine ou d’aménagements de peine n’est pas acquise.
7. En l’absence de cellule d’isolement la mise à l’écart ne concerne que le quartier disciplinaire
7.1 Les conditions de mise à l’écart au quartier disciplinaire sont aggravées par la configuration des locaux
La configuration du quartier disciplinaire (absence de luminosité en cellule, exiguïté de la cour) aggrave les conditions de mise à l’écart.
7.2 Il n’existe pas de quartier ou de cellule d’isolement
8. Les détenus n’ont pas connaissance du recours pour conditions de détention indignes
8.1 Les autorités prennent en compte la surpopulation carcérale en appliquant un système de « stop écrou »
8.2 Le recours pour conditions de détention indignes n’est pas mis en œuvre par les avocats et les détenus
Aucun recours pour conditions de détention indignes n’est intervenu au sein de la maison d’arrêt. L’existence de ce recours n’est pas mentionnée dans le livret d’accueil et ne fait pas l’objet d’un affichage. Les autorités ont toutefois conscience de la surpopulation chronique de l’établissement et en tiennent compte puisqu’un mécanisme « stop écrou » a été mis en place. Le directeur déclenche cette procédure en cas de surpopulation carcérale, autour de 95 détenus, et en informe le procureur de la République lequel détaille dans une note les actions qui devront être menées par son parquet à savoir notamment retarder des mises à exécution de peine ou solliciter l’incarcération dans d’autres maisons d’arrêt. Ce dispositif a été utilisé à trois reprises en 2022 et à nouveau au moment du contrôle.