Rapport relatif à la dignité des conditions de détention à la maison d’arrêt de Périgueux (Dordogne)
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations.
SYNTHÈSE
La maison d’arrêt de Périgueux – relevant de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Bordeaux (Gironde) et située dans les ressorts du tribunal judiciaire de Périgueux et de la cour d’appel de Bordeaux – dispose de 81 places (146 détenus hébergés le 5 décembre 2022) au quartier maison d’arrêt et de 18 places au quartier de semi-liberté (8 détenus hébergés le 5 décembre 2022).
Au moment de la visite, l’établissement est en travaux depuis plusieurs mois. L’installation en 2021 de filets anti-projections sur les cours de promenade et le terrain de sport ont provoqué l’effondrement d’une partie du mur d’enceinte intérieur et mis en évidence la nécessité de le renforcer. Quatre surveillants réservistes ont été affectés afin d’assurer la surveillance des travaux.
Le premier jour de la visite, 226 personnes étaient écrouées à l’établissement dont 71 non hébergées (69 en détention à domicile sous surveillance électronique et 2 en placement extérieur non hébergé).
1. L’établissement subit une surpopulation chronique, en augmentation de près de 30% depuis le début de la crise sanitaire
1.1 La densité carcérale est de 180 % au moment de la visite
L’encellulement individuel est marginal ; hors QI, seules trois personnes sont concernées.
L’établissement n’est pas en mesure de respecter la séparation en cellule des prévenus et des condamnés pas plus que celle des fumeurs et non-fumeurs.
1.2 La majorité de la population pénale hébergée est constituée de personnes prévenues
La population pénale provient principalement (70 % environ) des tribunaux judiciaires de Périgueux et Bergerac. La part de prévenus est en constante augmentation et représente 55 % de la population pénale hébergée au moment de la visite.
Très majoritairement francophones et d’une moyenne d’âge de 38 ans en 2021 (selon le rapport d’activité du service de l’application des peines), les détenus séjournent en moyenne moins de trois mois et demi à la MA avant d’être libérés ou transférés.
2. La surpopulation accroît la charge de travail du personnel de surveillance
Malgré les efforts fournis par le personnel de surveillance pour tenter de répondre au mieux aux besoins des personnes détenues, la qualité de la prise en charge est dégradée par la vacance de postes et la surpopulation carcérale.
3. Les conditions d’hébergement sont indignes
3.1 L’espace individuel en cellule est nettement insuffisant pour la quasi-totalité des détenus
Les espaces réellement disponibles sont très faibles (0,54 m² dans une cellule) en raison de la surpopulation et de la présence de matelas au sol dans certaines cellules (16 matelas le premier jour de la visite) ; l’indignité des conditions de détention qui en résulte concerne la quasi-totalité de la population pénale.
3.2 Du fait de la suroccupation, le mobilier en cellule n’est pas en adéquation avec le nombre d’occupants
Le mobilier de la cellule est vieillissant et en nombre insuffisant au regard du nombre d’occupants.
3.3 Si les locaux sont globalement bien entretenus, l’accès à l’hygiène corporelle est insuffisant
Le triple dispositif sécuritaire installé aux fenêtres de certaines cellules obstrue la vue et la luminosité.
Les locaux et les cellules sont globalement propres. Néanmoins, l’établissement est ancien et des cellules mériteraient d’être rénovées. Les travaux engagés à l’établissement depuis plusieurs mois accaparent le personnel technique et la suroccupation rend illusoire la rénovation des cellules.
L’organisation de tours pour se rendre aux douches collectives ne permet pas aux détenus de se laver quotidiennement.
4. La grande majorité des détenus est enfermée plus de 20 heures par jour en cellule
4.1 A l’exception du bâtiment D qui héberge les travailleurs, le régime de détention est celui des portes fermées
4.2 L’offre d’activités en dehors de la cellule est restreinte
Le temps théorique moyen passé en cellule est supérieur à 20h par jour ; dans les faits, il est supérieur pour une grande majorité de détenus. En effet, 52 % de la population pénale est en attente de classement au travail ou dans une formation professionnelle et 24 % d’une inscription à l’école. De plus, certains détenus vulnérables ne sortent jamais en promenade, l’établissement ne disposant pas de quartier spécifique et n’étant pas en mesure de leur aménager des créneaux de promenade spécifiques.
5. La protection de l’intégrité physique et psychique des détenus est mise à mal par la surpopulation et la configuration des locaux
5.1 L’établissement ne dispose pas des moyens de garantir l’intégrité physique des personnes détenues
Compte tenu de la surpopulation et des conditions d’hébergement, les actes de violence sont relativement peu nombreux. Les relations entre les personnes détenues et le personnel sont unanimement qualifiées d’humaines, ce qui contribue à aider les détenus à supporter leurs conditions de vie à l’établissement.
5.2 L’intimité des détenus n’est pas préservée
Si le cloisonnement des WC en cellule est assuré, l’aménagement des douches collectives – dépourvues de porte et parfois même de cloison – ne respecte pas l’intimité des personnes détenues.
Par ailleurs, l’absence de locaux de fouille constitue une atteinte grave à la dignité des détenus.
5.3 L’offre de soins à la maison d’arrêt n’est pas adaptée à la population pénale et ceux dispensés au centre hospitalier ne garantissent pas la confidentialité
Les temps médicaux et soignants sont insuffisants au regard de la population pénale hébergée.
Les annulations d’extractions médicales en raison de l’indisponibilité des escortes pénitentiaires sont susceptibles d’entrainer des retards de diagnostic et des pertes de chance pour les personnes détenues.
Le port des menottes et de la ceinture ventrale est quasi systématique pendant le transport et lors des consultations et examens médicaux, et ce, quel que soit le niveau d’escorte. De plus, l’escorte pénitentiaire est présente pendant les consultations et les examens ce qui constitue une atteinte à la dignité des patients et au secret médical.
6. La préparation à la sortie est entravée par les conditions de maintien des liens familiaux et d’aide à la réinsertion
6.1 Le maintien des liens familiaux pâtit de l’absence de parloirs le week-end
La nécessité de maintenir les liens familiaux doit conduire l’établissement à réformer l’organisation des parloirs afin que des créneaux soient accessibles à tous le week-end.
Les tarifs nationaux des communications téléphoniques et de visiophonie sont prohibitifs et constituent souvent un obstacle à leur utilisation.
6.2 La politique d’aménagement des peines est dynamique mais l’accompagnement par le SPIP est marqué par des problèmes de ressources humaines
L’aménagement des peines est limité par le nombre de places réellement disponibles au QSL (en lien avec les difficultés de surveillance de ce quartier) et la rigidité de ses horaires d’accès, ainsi que par le faible nombre de placements extérieurs possibles. Le nombre de très courtes peines prononcées y contribue également largement tout comme les difficultés d’hébergement et le manque d’accompagnement par le SPIP.
7. Les conditions de mise à l’écart au quartier disciplinaire et au quartier d’isolement sont attentatoires aux droits des détenus
7.1 Les conditions matérielles d’hébergement au quartier disciplinaire sont indignes
Le chef d’établissement indique dans ses observations : « Un livret « arrivant QD » est remis systématiquement à chaque entrant au quartier disciplinaire ».
Tel n’était cependant pas le cas au moment du contrôle.
7.2 Les conditions de vie au quartier d’isolement se rapprochent plus de celles du quartier disciplinaire que de la détention ordinaire
Les conditions de vie au quartier d’isolement sont particulièrement difficiles en raison principalement de l’absence de salle permettant un accès quotidien à des activités notamment sportives et de l’état des cours de promenade.
Par ailleurs, en raison du manque de surveillants, il n’y pas d’agent présent en permanence au sein du QI-QD et les détenus peuvent parfois attendre très longtemps avant qu’il soit répondu à leurs requêtes.
8. L’indignité des conditions de détention est connue de certains acteurs mais la population pénale n’est pas informée de la possibilité d’effectuer un recours
8.1 Une partie seulement des autorités visite régulièrement l’établissement et connait les conditions de détention
8.2 Les détenus ignorent pour la plupart l’existence du recours pour indignité des conditions de détention
Dans sa réponse, le chef d’établissement indique : » Une affiche sur la mise en œuvre du recours pour indignité des conditions de détention est affichée à la bibliothèque au moment de cette visite. Un affichage avait été réalisé en 2021 sur les étages mais à la suite d’un changement de panneaux d’affichage, cette information avait disparu. Un nouvel affichage a été réalisé sur les étages de détention « .