Rapport relatif à la dignité des conditions de détention à la maison d’arrêt de Laval (Mayenne)
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations.
Synthèse
La maison d’arrêt de Laval (Mayenne) – relevant de la direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) de Rennes (Ille-et-Vilaine), et située dans le ressort du tribunal judiciaire de Laval et de la cour d’appel d’Angers – offre soixante-trois places pour les hommes prévenus et condamnés.
Sept contrôleurs ont examiné, du 16 au 20 janvier 2023, les conditions de prise en charge des quatre-vingt quatorze personnes détenues hébergées dans l’établissement, soit un taux de densité carcérale de 149%.
1. L’établissement subit une surpopulation endémique
1.1 La suroccupation des cellules est de 168 %
Le CGLPL relève 63 places opérationnelles, occupées à 168%. Seules 9 personnes détenues sur 94 sont seules en cellule. La majorité des cellules est doublée laissant moins de 3m2 d’espace individuel disponible. Les efforts importants de rénovation de moitié des cellules depuis la dernière visite des contrôleurs en 2015 ne peuvent à eux seuls compenser cette problématique de surpopulation.
Dans ses observations portant sur le rapport provisoire l’établissement indique que : « la capacité opérationnelle établie par l’administration centrale est de 56 places. »
Néanmoins, le CGLPL confirme l’exactitude de son calcul du nombre de places opérationnelles en raison des critères de la CEDH utilisés pour ce faire.
1.2 Les personnes détenues séjournent moins de trois mois dans l’établissement en moyenne
Les deux tiers des personnes détenues sont condamnées. Les auteurs de violences intra-familiales représentent un tiers des personnes incarcérées dans l’établissement.
2. Le personnel est en nombre suffisant
Tous les postes sont pourvus et l’absentéisme est inférieur à 3%.
3. Les conditions matérielles se sont nettement améliorées depuis 2015 mais la surpopulation rend l’encellulement individuel impossible
3.1 Aucun détenu ne dispose d’un espace individuel de 3m²
Depuis 2018 un programme important de rénovation des cellules a nettement amélioré les conditions matérielles d’hébergement, notamment avec l’installation de douches individuelles. Ce programme a été en partie mis en œuvre en synergie avec la formation professionnelle des personnes détenues et se poursuivra sur les deux prochaines années pour, à terme, une rénovation totale des cellules. Avec moins de 3m² par personne, mobilier et sanitaires déduits, les personnes détenues sont enfermées dans un espace individuel insuffisant attentatoire à leur dignité.
3.2 Le mobilier des cellules est en bon état mais les espaces de rangement sont insuffisants
L’ensemble du mobilier est en bon état. La rénovation des cellules a permis d’améliorer les équipements. Cependant, en raison de l’insuffisance des espaces de rangement, les personnes détenues stockent leurs effets personnels au sol, réduisant davantage l’espace individuel disponible.
3.3 L’entretien des locaux est assuré et l’hygiène individuelle est prise en compte dans les parties rénovées
L’entretien des espaces de circulation et des extérieurs est bien organisé et réalisé. En revanche les cellules du « grand quartier » au rez-de-chaussée côté gauche sont très dégradées, à la limite de l’insalubrité.
Les contrôleurs ont constaté le peu de luminosité naturelle dans les cellules. Les fenêtres sont de petite taille et difficilement accessibles. Pour les cellules du premier étage au « grand quartier » côté droit, l’empilement des dispositifs de sécurité et des brises-vue réduit considérablement la luminosité. Les fenêtres, pas plus que les cours de promenade, n’offrent de véritable perspective visuelle.
Les contrôleurs ont constaté l’insuffisance de ventilation dans les cellules.
Dans ses observations portant sur le rapport povisoire l’établissement indique qu’une rénovation des cellules débutée en 2018 devrait s’achever fin 2024, et ajoute que deux cellules du « grand quartier » ont déjà été rénovées depuis la visite des contrôleurs.
4. Pour un régime de détention en portes fermées, le temps moyen passé hors cellule est important
4.1 L’unique régime de détention est en portes fermées
4.2 Les opportunités de sortie de la cellule sont nombreuses
L’offre globale d’activités est importante, réduisant le temps quotidien passé en cellule qui reste néanmoins de dix-huit heures et cinquante-deux minutes.
L’accès à la bibliothèque est impossible le week-end.
5. L’intégrité physique des personnes détenues est assurée mais leur intimité n’est pas toujours préservée
5.1 Les agents pénitentiaires assurent la sécurité des personnes détenues
Le faible nombre de violences recensées résulte d’une prise en charge professionnelle attentive et de moyens techniques et de surveillance adaptés.
5.2 L’intimité de la personne n’est pas toujours préservée
Selon les témoignages recueillis par les contrôleurs, la pratique des fouilles intégrales est respectueuse tant du cadre légal que de la dignité des personnes détenues. Les locaux de fouille sont en nombre suffisant et adaptés, l’affichage est en place.
Depuis la dernière visite du CGLPL en 2015, plus de la moitié des cellules a bénéficié de l’installation d’une douche. Ces travaux de rénovation ont permis d’améliorer le respect de l’intimité des personnes détenues concernées dans un contexte de surpopulation carcérale endémique.
5.3 L’accès aux soins est garanti dans des délais satisfaisants mais la confidentialité des soins hospitaliers n’est pas respectée
Les délais d’accès aux soins sont raisonnables et ce constat s’applique à tous les types de pathologie. Toutefois les consultations et soins au centre
hospitalier s’effectuent sans confidentialité ni respect du secret médical en raison de la présence systématique de l’escorte. L’utilisation des moyens de contrainte pendant les consultations et les soins porte gravement atteinte à la dignité des personnes détenues.
Dans ses observations portant sur le rapport provisoire l’établissement indique qu’une note de service portant sur les modalités d’exécution d’une extraction médicale a été diffusée auprès du personnel et que la fiche de suivi des extractions médicales a été modifiée, avec pour objectif de mieux les cadrer et d’en améliorer la traçabilité.
6. Les liens avec l’extérieur sont effectifs
6.1 L’accès aux parloirs est assuré mais les boxes ne permettent pas la confidentialité des échanges
Depuis la pandémie, la suppression des parloirs le samedi matin est un frein au maintien des liens avec l’extérieur. Les conditions matérielles des parloirs ne sont pas adaptées à l’accueil des familles et ne permettent pas la confidentialité des échanges. L’investissement important du personnel ne suffit pas à pallier ces inconvénients majeurs.
6.2 Le SPIP est investi mais le nombre d’aménagements de peine est limité
La durée d’incarcération est très courte en raison des faibles quantum prononcés et des transferts en centre de détention. En 2022, l’établissement a enregistré 433 entrées pour 461 sorties. Ce turn-over explique le faible taux de requêtes en aménagement de peine et entrave le travail de réinsertion. Les intervenants judiciaires et pénitentiaires regrettent l’absence de quartier de semi-liberté à la maison d’arrêt.
Depuis peu, une association de prise en charge des auteurs de violences intra-familiales accueille des placements extérieurs.
7. En l’absence de quartier d’isolement, la mise à l’écart ne concerne que le quartier disciplinaire
7.1 L’état général du quartier disciplinaire est correct et la prise en charge est individualisée
Le quartier disciplinaire offre des conditions matérielles de détention correctes à l’exception des douches dont les murs et plafonds sont défectueux, et de la cour de promenade dénuée de tout équipement hormis un urinoir.
La prise en charge y est individualisée.
7.2 Il n’existe pas de quartier ou de cellule d’isolement
8. Les conditions de détention sont peu connues des autorités et ne donnent lieu à aucun recours
8.1 Certaines autorités ne connaissent pas les conditions de détention
8.2 Aucune information n’est délivrée sur le recours ouvert pour conditions indignes de détention
Aucun recours contestant la dignité des conditions de détention n’a été introduit. Les professionnels et les personnes détenues ne sont pas informées de l’existence de ce recours.
Dans ses observations portant sur le rapport provisoire l’établissement indique que d’une part, une note d’information portant sur le recours
contestant l’indignité des conditions de dignité est affichée en détention depuis janvier 2023 et que, d’autre part, le greffe a été doté des formulaires ad hoc devant être utilisés dans ce cadre par la population pénale.