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Rapport de la visite du centre de rétention administrative n°2 de Lyon-Saint-Exupéry (Rhône)

Rapport de visite du centre de rétention administrative n°2 de Lyon (Rhône)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de l’intérieur et de la justice auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

La première visite du centre de rétention administrative (CRA) n°2 de Lyon, réalisée par cinq contrôleurs du 13 au 16 mars 2023, a donné lieu au constat d’un nombre important de dysfonctionnements graves, ce qui a mené le CGLPL à formuler des recommandations publiées au Journal officiel du 22 juin 2023.

Le département du Rhône dispose désormais de deux CRA de 140 places chacun, situés à proximité de l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry :

  • le CRA 1, fermé pour travaux de réhabilitation depuis janvier 2022 et réouvert le 23 janvier 2023, qui a été visité à trois reprises par le CGLPL, la dernière fois en 2018 ;
  • le CRA 2, ouvert le 17 janvier 2022, qui est annoncé comme devant servir de modèle architectural et organisationnel aux futurs CRA ainsi qu’aux travaux d’aménagement et de réhabilitation des établissements existants.

L’aspect extérieur du CRA 2 est celui d’une prison de haute sécurité (murs, fils barbelés de type concertina, herses anti-intrusion). La zone de rétention regroupe sept bâtiments, appelés blocs, d’une capacité de 12 à 22 personnes et une zone d’autonomie commune (ZAC) d’où les personnes retenues ont accès une heure par jour à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), à l’association d’aide juridique agréée, Forum Réfugiés-Cosi, à l’unité médicale du CRA (UMCRA) ainsi qu’à la bagagerie et aux réfectoires.

Au moment du contrôle, 106 hommes étaient retenus au CRA 2 dont 25 % sortant de prison.

  1. L’hébergement et les conditions de prise en charge ne respectent pas la dignité des personnes retenues

Les personnes retenues sont hébergées en chambre double avec salle d’eau. Toutefois, leur aménagement porte atteinte à la dignité des personnes privées de liberté dans la mesure où les salles d’eau sont séparées de la chambre par une porte va-et-vient de type saloon. Les occupants ont tendu des draps, collés avec du dentifrice pour préserver un semblant d’intimité lorsqu’elles se douchent et vont aux toilettes. Le risque d’intrusion est d’autant plus important que les portes des chambres ne sont pas équipées de verrous de confort. Les personnes retenues tressent des cordes de draps pour en bloquer la porte. Ces chambres ne sont équipées d’aucun placard permettant de ranger en sécurité des effets personnels. Dans chaque bloc, les espaces communs se réduisent à une salle munie d’une télévision et à une salle de détente dotée d’une console de jeux, souvent cassés, au mobilier spartiate et dégradé. Chaque bloc dispose d’une cour murée et grillagée du sol au toit qui ressemble à celle d’un quartier disciplinaire d’un établissement pénitentiaire. C’est là le seul « accès à l’air libre » des personnes retenues pendant toute la durée de leur rétention, d’une durée moyenne de 27 jours en 2022.

Ces locaux, indignes dans leur conception même, ne doivent pas servir de modèle aux futurs CRA.

Les locaux d’hébergement sont déjà très dégradés, en particulier les murs, maculés de graffitis parfois réalisés avec des matières non identifiables. Des détritus divers et variés, des mégots, des draps sales roulés en boule traînent de-ci de-là. Les toilettes communes installées dans les cours sont d’une saleté repoussante et une odeur nauséabonde s’en échappe.

Les repas sont pris dans deux réfectoires qui ressemblent à des bulles vitrées, qualifiables d’indignes. Le temps de jeûne nocturne entre le dîner et le petit-déjeuner est largement excessif, d’une durée supérieure à 13 heures pour plusieurs blocs, en raison des horaires trop précoces du dîner. Les personnes privées de liberté, qui n’ont pas accès à des rations supplémentaires, se plaignent globalement d’avoir faim.

Leur hygiène est fortement entravée par l’absence de portes cloisonnant les salles d’eau et de remise de vêtements de rechange.

Elles sont en permanence soumises à la lumière artificielle.

Dans ses observations du 7 juillet 2023 faisant suite au rapport provisoire, le commandant de police, chef d’établissement du CRA 2 de Lyon, indique que : « Les lieux d’hébergement sont ceux livrés en janvier 2022, à l’ouverture du CRA 2, donc plutôt récents. Les retenus sont logés dans des chambres de deux personnes. Aucune chambre dortoir n’existe au CRA 2. Les chambres sont de 14 m2. Elles sont équipées chacune de deux lits single, d’une table et deux chaises, de tables de nuit (mobilier livré à la conception). Elles comprennent toutes une salle de douche partagée entre ces deux seules personnes qui est équipée de toilettes, d’une douche et d’un lavabo avec glace. Elles font l’objet d’un passage quotidien des agents de ménage. Les chambres sont dotées de fenêtres surmontées de grilles de protection mais donnant sur l’extérieur : cour ou patio, laissant passer la lumière naturelle. Pour preuve, les retenus les obstruent souvent en utilisant des draps ou autres tissus, dérangés qu’ils sont le matin par la lumière. Les chambres ne sont pas équipées de volets.

Les portes des chambres sont pleines. Les portes des salles de bain sont des portes battantes de type saloon, installées dès sa construction en janvier 2022. Elles ont le mérite d’éviter que les retenus ne se trouvent enfermés ou ne s’enferment dans cette pièce, permettant leur évacuation rapide et assurée en cas de sinistre grave (incendie …) Elles pourraient supporter une hauteur plus importante pour isoler davantage les retenus des regards éventuels de leur co-retenu.

Il est à noter que les chambres sont les lieux les plus intimes et les plus personnels des retenus. Elles ne sont pas sous vidéosurveillance, contrairement aux couloirs et autres parties communes partagées par les retenus, notamment pour assurer aux retenus de bénéficier d’espaces plus confidentiels et privés. Les chambres sont installées dans 7 blocs, pouvant recevoir au maximum 22 retenus, qui sont équipés d’une salle de détente et d’une cour extérieure, à laquelle les retenus ont accès globalement toute la journée, de 8h à 22h.

Les lieux de vie du CRA 2 sont ceux livrés également en janvier 2022 à l’ouverture du centre, aussi récents donc que les premiers. La ZAC (zone d’autonomie contrôlée) est un lieu central du CRA 2, incontournable dans la vie quotidienne des retenus, dans laquelle ceux-ci ont accès une heure par jour aux partenaires (OFII, Forum Réfugiés et service médical) et à la bagagerie. Elle accueille également une salle d’activité mise à disposition de l’association LA FOL qui propose des activités hebdomadaires aux retenus. Sa traversée permet enfin de rejoindre les lieux de visite (famille, avocats, consulat..).

Les réfectoires sont installés au cœur du bâtiment, au nombre de deux, et accueillent tous les retenus matin, midi et soir (petit déjeuner, déjeuner et dîner) selon des couloirs communs donnant l’accès à tous les blocs. Une blanchisserie permet aux retenus de pouvoir déposer (et récupérer) un jour sur deux le linge qu’ils souhaitent faire laver ».

Les contrôleurs prennent acte de ces éléments mais maintiennent les constats faits sur place au moment du contrôle.

  1. L’intégrité physique et psychologique des personnes retenues n’est pas garantie

L’organisation interne du CRA 2 est strictement minutée et cloisonnée par bloc de sorte à limiter les contacts entre les policiers et les personnes retenues et à éviter que les occupants d’un bloc croisent ceux d’un autre. Il en résulte que :

  • les fonctions de la police s’arrêtent aux portes des blocs où les personnes retenues sont soumises à la loi du plus fort ce qui met en danger l’intégrité physique et psychologique des intéressés. Le nombre d’incidents a d’ailleurs augmenté de façon exponentielle de 2021 à 2022 : de 52 dossiers au CRA 1 à 86 dossiers en 2022 au CRA 2 alors même qu’une sous déclaration des incidents semble être régulière.
  • les personnes retenues sont enfermées 22h sur 24 dans leur bloc, n’en sortant que le temps des repas et pendant le créneau horaire d’une heure alloué quotidiennement à chaque bloc pour accéder à la bagagerie et à la ZAC. Ainsi, chaque jour, les 16 à 19 occupants de chaque bloc au moment du contrôle se partagent ces 60 minutes pour se soigner, exercer leur droit au recours, acheter des produits de première nécessité, préparer leur retour dans leur pays d’origine et accéder à leurs effets personnels.

Le CRA 2 dispose de matériel de contention de psychiatrie qui est utilisé par les policiers pour attacher au lit les personnes mises à l’écart. La détention comme l’utilisation de matériel médical de contention par des policiers est totalement illégale et met en danger l’intégrité physique des personnes soumises à ce traitement inhumain et dégradant ainsi que la responsabilité de ceux qui se livrent à cet acte.

L’accès aux soins des personnes retenues n’est pas effectif. A la suite du retrait des soignants du centre hospitalier des hospices civils de Lyon, les soins sont délégués depuis le mois de janvier 2023 à la société d’interim Dokever. Celle-ci ne parvient à assurer que la présence d’une à deux infirmières chaque jour et d’un médecin trois demi-journées (régulièrement moins) par semaine.

Au moment du contrôle, 64 des 106 retenus présents au CRA 2 recevaient chaque jour un traitement par Lyrica®, médicament uniquement indiqué dans les douleurs neuropathiques et les crises épileptiques partielles, associé à du Diazepam®. Sur le plan épidémiologique, il est impossible que ces pathologies se retrouvent dans de telles proportions au sein d’une population jeune comme celle enfermée au CRA 2. Administrées sans nécessité médicale, ces substances sont susceptibles d’entraîner des atteintes graves à la santé des personnes concernées. Cette situation alimente par ailleurs un trafic de ces comprimés entre personnes retenues.

Enfin, pendant la visite, deux personnes retenues ont été frappées par deux policiers dans un bloc. Les contrôleurs ont visionné les images de vidéosurveillance qui ne révèlent aucune menace physique des retenus et informé le chef de centre par intérim de ces faits. Au départ des contrôleurs, aucune suite particulière n’avait été accordée à l’incident ni ne semblait envisagée.

  1. Le droit à l’information des personnes retenues est ineffectif

Les contrôleurs ont constaté que la notification des droits effectuée à l’arrivée d’une personne est très rapide et lacunaire. Le règlement intérieur n’est pas remis à la personne arrivante. Quelques pictogrammes en rétention permettent de s’orienter. Pour le reste, l’affichage est uniquement en langue française comme le document remis aux personnes retenues relatifs aux partenaires institutionnels.

Aucune information n’est donnée sur les visites des familles ni sur le fonctionnement général de l’établissement.

  1. Le droit à une vie sociale et au respect des biens est largement méconnu

Les points phone sont cassés et, en tout état de cause, ne garantissent pas la confidentialité des échanges. Les personnes retenues n’ont pas accès à un réseau Wifi (messagerie, téléphone). La durée réelle des visites des proches n’est pas de 30 minutes comme annoncée mais de 20, soit plus brève qu’en maison d’arrêt. Les familles ne peuvent apporter qu’une boisson et un paquet de gâteau sans qu’aucune explication ait été donnée à une telle restriction.

Aucun inventaire papier des biens du nouvel arrivant n’est dressé. Aucune information sur les objets interdits en rétention n’est affichée. En l’absence de tout placard, les retenus ne peuvent pas laisser leurs affaires en sécurité dans les chambres. Ceux qui s’y risquent se les font voler. Ces vols, fréquents, sont à l’origine de nombreux conflits, qui nourrissent les tensions.