Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de visite de la zone d’attente temporaire d’Hyères (Var)

Rapport de visite de la zone d’attente temporaire d’Hyères (Var)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de l’intérieur et de la justice auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

A la suite de la décision gouvernementale d’accueillir en France les migrants secourus par l’Ocean Viking, le préfet du Var a créé une zone d’attente temporaire pour la période du 10 novembre au 6 décembre 2022. Ce lieu de privation de liberté a été visité de manière inopinée par une équipe de contrôleurs du CGLPL les 15 et 16 novembre 2022. Un rapport provisoire a été adressé au préfet du Var, à la Présidente du tribunal administratif de Toulon et aux chefs de juridiction du tribunal judiciaire de cette ville. Leurs observations en retour sont prises en compte dans le présent rapport.

A la date de la visite, la zone d’attente était encore occupée par l’ensemble des personnes étrangères placées à l’origine, soit 188 personnes adultes des deux sexes et les enfants les accompagnant. Les 44 mineurs non accompagnés avaient précédemment été confiés aux services de l’aide sociale à l’enfance ; 2 adultes étaient hospitalisés.

Ces réfugiés ont bénéficié de conditions d’accueil tout à fait satisfaisantes dans les locaux d’un centre de vacances appartenant au comité d’entreprise d’EDF. Malgré une relative exiguïté, leur vie s’est organisée dans le calme, en l’absence de toute mesure de contrainte. La logistique assurée par la protection civile et les organisations non gouvernementales a répondu à l’ensemble de leurs besoins. La priorité évidente donnée au volet humanitaire de cette opération a porté ses fruits.

Vingt ans auparavant, dans le même département, l’accueil d’un navire avec plus de 900 personnes à son bord avait été organisé sous la forme d’une zone d’attente, mais l’Etat avait très vite renoncé à ce statut pour accueillir les migrants en qualité de demandeurs d’asile sur le territoire. En 2022, le choix a été fait de s’en tenir au statut de la zone d’attente, malgré les très lourdes contraintes administratives et juridiques qui l’accompagnent. Les moyens nécessaires pour gérer ces contraintes n’ont cependant pas été mobilisés.

Les services de la police aux frontières, chargés de l’information des personnes et de la gestion administrative de leur statut, ont été constitués de policiers qui n’avaient pas tous connaissance du régime juridique des zones d’attente ; les moyens d’anticiper les diverses étapes procédurales, administratives et judiciaires, n’ont pas été mis en place ; la juridiction judiciaire, de taille moyenne, n’a pas pu gérer le flux contentieux dans le temps très court que lui laisse la loi ; la police aux frontières, ignorant les décisions prises par la justice, a peiné à orienter les migrants et tardé à notifier les décisions administratives de refus d’admission au titre de l’asile ;  la justice judiciaire et  la justice administrative, non coordonnées, se sont télescopées au motif qu’il s’agit de procédures distinctes et sans considération pour le fait qu’elles concernent les mêmes personnes.

Le choix d’un cadre juridique trop contraignant dans un contexte objectivement difficile, alourdi par l’insuffisance criante de la traduction, a fragilisé la gestion des dossiers et déstabilisé plus encore les étrangers maintenus.

Dès lors, des libérations inattendues ont été massivement prononcées par la juridiction judiciaire, ce qui aurait pu avoir pour effet de jeter à la rue des personnes démunies. Grâce à la qualité et à la robustesse de l’organisation humanitaire, il n’en a rien été.

Une semaine après la visite du CGLPL, deux personnes avaient été reconduites, deux autres restaient sur le site avant d’être transférées dans une autre zone d’attente, puis reconduites. Toutes les autres avaient été admises en qualité de demandeuses d’asile. La zone d’attente a été officiellement fermée par un arrêté du préfet du Var du 24 novembre.

Cette gesticulation juridico-administrative désordonnée a fini donc huit jours plus tard comme elle aurait dû commencer, par la prise en charge de demandeurs d’asile sur le territoire français ; le recours au cadre juridique inapproprié de la zone d’attente n’aura été qu’une source de confusion.