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Rapport de la troisième visite du centre pénitentiaire pour femmes de Rennes (Ille-et-Vilaine)

Rapport de la troisième visite du centre pénitentiaire pour femmes de Rennes (Ille-et-Vilaine)

Observations du ministère de la justice – centre pénitentiaire pour femmes de Rennes (3e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. 

 

Synthèse

Neuf contrôleurs ont effectué un contrôle du centre pénitentiaire pour femmes (CPF) de Rennes (Ille-et-Vilaine), du 2 au 10 novembre 2021. Cette mission constituait une troisième visite faisant suite à un premier contrôle réalisé en 2010 et un deuxième en 2015.

Le rapport provisoire de visite a été adressé le 3 juin 2022 à la directrice de l’établissement, à la directrice du centre hospitalier universitaire de Rennes, au directeur du centre hospitalier spécialisé Guillaume Régnier, au président du tribunal judiciaire de Rennes et au procureur de la République près ce tribunal, ainsi qu’à l’agence régionale de santé de Bretagne. À l’exception de cette dernière, tous les destinataires ont fait parvenir en retour des observations qui ont été intégrées dans le présent rapport de visite.

La capacité du CPF a baissé depuis 2015, de 292 places à 266, ce principalement en conséquence de l’aménagement d’un quartier pour personnes radicalisées (QPR) qui a ouvert au mois de septembre 2021. Les principales modifications ont porté sur la maison d’arrêt (MA) qui a perdu 29 places dont les 5 places de la nurserie qui y était située et les six cellules réservées en 2015 aux mineures, réduites à deux. Le nombre de place en centre de détention (CD) (231 dont 14 en quartier d’accueil) est resté inchangé.

Au 2 novembre 2021, 175 personnes étaient hébergées au CD – dont le quartier des arrivantes (QA) était vide – et 22 majeures à la MA, soit un taux d’occupation de celle-ci de 110%. Les quatre places de semi-liberté étaient toutes occupées.

Les conditions matérielles d’hébergement ont peu changé depuis les précédentes visites.

Le CPF de Rennes est la seule prison édifiée – à la fin du 19ème siècle – pour des femmes. Les locaux du CD, qui n’ont jamais été rénovés, offrent des conditions de détention très inconfortables, indignes en raison de leur exiguïté et d’un accès inapproprié à l’hygiène faute de salle d’eau individuelle et de lave-linge collectif. Cette situation est toutefois compensée par des salles et cuisines collectives vastes pour chaque division, lesquelles peuvent comporter quinze à dix-neuf cellules.

La situation de la MA est identique, les seuls travaux importants qui y ont été réalisés depuis la dernière visite ont porté sur l’aménagement du QPR dont les cellules comportent une douche. Les autres cellules, plus vastes qu’au CD, sont prévues pour deux personnes mais peuvent en accueillir trois, avec un matelas au sol ; elles sont dépourvues de douche et leur WC n’est isolé que par une simple demi-cloison et, parfois, par une demi-porte, ne préservant aucune intimité.

Le quartier de semi-liberté, qui est inchangé, par son emplacement, son aménagement et son mode de fonctionnement, ne respecte pas plus la dignité des occupantes et n’offre pas de conditions de prise en charge favorables à la réinsertion sociale et professionnelle des semi-libres.

La bonne qualité des autres locaux et espaces collectifs – gymnase, médiathèque, cours de promenade – est, fort heureusement, également inchangée.

Le fonctionnement général du CPF est, dans l’ensemble, respectueux des droits et de la dignité des personnes détenues ainsi que de la spécificité de sa population pénale.

Les conditions matérielles et humaines dans lesquelles les personnes détenues sont accueillies au CD facilitent leur arrivée et leur installation et instaure une relation de confiance et de respect. Le programme des deux semaines passées au sein du QA est dense et permet d’avoir toutes les informations utiles et de rencontrer tous les intervenants avec des réunions collectives sur tous les sujets. En revanche, l’accompagnement des arrivantes est très insuffisant au sein de la MA, qui accueille des femmes n’ayant souvent jamais connu la détention, lesquelles se retrouvent très largement livrées à elles-mêmes, ne bénéficiant d’aucun programme d’accueil. Le quartier spécifique de la MA est réduit à trois cellules parfois doublées selon l’effectif présent en MA ; la durée du séjour y est variable, bien que la direction s’efforce de transférer au plus vite au CD les personnes qui peuvent l’être.

Les détenues, y compris celles de la MA, ont accès au travail ou à la formation professionnelle, le nombre de postes en atelier ou au service général est suffisant pour satisfaire toutes les demandes. Le niveau des rémunérations respecte au moins le tarif minimum légal. L’offre de formation professionnelle est diversifiée et s’écarte des stéréotypes concernant le travail des femmes.

Les activités socioculturelles sont nombreuses, conduites à des horaires permettant la participation des travailleuses, avec de nombreux intervenants extérieurs qui s’impliquent dans la vie du lieu et y sont bienvenus.

Le recours aux moyens de contrainte et l’usage de la force sont exceptionnels. Les fouilles sont tracées, les fouilles par palpation rares sauf au QPR où elles sont systématiques ; toutes les entrantes ne font pas l’objet de fouille intégrale si elles viennent d’un autre établissement.

La procédure disciplinaire est conduite avec vigilance s’agissant du respect des droits de la défense. Le recours à la médiation est développé.

L’exercice des droits de la défense est garanti par un greffe qui s’y montre particulièrement attentif : notifications confidentielles avec explications par la greffière ; souci de permettre les recours en temps utiles. La qualité du fonctionnement du greffe et l’implication efficace de ses greffières est à souligner. L’accès aux droits sociaux est pleinement assuré.

L’offre de produits en cantine est large, correspond aux besoins d’une population féminine et prend en compte les demandes formulées, notamment dans le cadre du dispositif d’expression collective dynamique, qui permet une véritable expression et ne se limite pas à de la communication descendante mais dont il est regrettable qu’il n’inclue pas les détenues de la MA.

Le maintien des liens familiaux, souvent délités pour une population purgeant des peines relativement longues, est facilité : fluidité de l’obtention de permis de visite, jours et horaires de parloirs larges, grande souplesse dans la prise de rendez-vous et l’octroi de parloirs prolongés, existence d’unités de vie familiale. Les conditions matérielles des visites sont de qualité, y compris pour l’accueil des enfants.

La prise en charge somatique est correctement assurée par des effectifs suffisants, dans des locaux adaptés, et avec une organisation fonctionnelle qui s’appuie sur le plateau technique du centre hospitalier universitaire (CHU). En revanche, les soins psychiatriques souffrent de plusieurs faiblesses constatées lors des précédentes visites et demeurées incorrigées : une insuffisance de médecin psychiatre ; une prise en charge quasi uniquement en consultation, l’absence d’activités groupales faute de locaux et de personnel ; un fonctionnement autarcique historique qui pose problème s’agissant de la prise en charge des personnes vulnérables ou suicidaires et du partage d’information les concernant, sans préjudice du respect du secret professionnel.

Les conditions de fonctionnement du quartier de prise en charge de la radicalisation portent des atteintes exagérées aux droits des personnes qui y sont affectées.

Lors de la visite, six personnes étaient affectées au QPR depuis septembre 2021. Lorsque les locaux, en cours de réalisation, seront achevés, l’effectif devrait atteindre dix-neuf personnes en décembre 2021, puis vingt-neuf en 2023.

Les conditions de fonctionnement du QPR méritent d’être questionnées sous trois aspects.

En premier lieu, les personnes y sont affectées sans évaluation préalable du niveau de leur « radicalisation ». Certaines détenues qui étaient en CD – dont deux au CPF – parfois depuis plusieurs années sans que leur comportement ne présente de difficulté et qui éventuellement sont déjà « déradicalisées », y sont affectées. La motivation juridique de ces affectations par la direction de l’administration pénitentiaire manque souvent de substance ou de cohérence, ainsi celle qui invoque « la proximité de la détenue avec des détenues incarcérés pour des faits de terrorisme », alors qu’au sein d’un QPR, l’intéressée sera justement en présence de détenues condamnées pour des faits de terrorisme.

En deuxième lieu, le contenu de la prise en charge n’est pas en adéquation avec l’objectif de l’enfermement dans ce type de quartier. Les 30 heures d’activités prévues ne sont pas conduites pour chacune, une seule heure de sport par semaine est possible au gymnase, dans l’attente de la réalisation d’une salle de sport au sein du QPR. Surtout, les détenues n’ont plus accès au travail ni à la formation professionnelle à l’exception de celle qui occupe le poste d’auxiliaire une heure par jour. Or, toutes les détenues travaillaient avant leur affectation et sont désormais privées de revenus.

En troisième lieu, il a été constaté que les mesures de sécurité sont disproportionnées au regard du parcours pénitentiaire qui a précédé l’affection : toutes les ouvertures de cellule mobilisent deux surveillantes, une fouille par palpation est pratiquée à chaque mouvement hors de la cellule, toutes les détenues sont accompagnées par deux surveillantes et un gradé au parloir ; une surveillante du QPR doit toujours rester avec la détenue lorsqu’elle est en dehors du QPR ; tous les mouvements sont bloqués lors du déplacement d’une détenue du QPR au sein de la détention, alors que certaines d’entre elles circulaient librement avant d’être affectées dans ce quartier. Les détenues sont observées, écoutées au téléphone par les surveillantes du QPR, toutes les conversations sont enregistrées. Ce dispositif constitue une atteinte grave à l’intimité, au droit au respect de la vie privée et familiale et au secret des correspondances.

Ces conditions de vie ajoutées à l’absence de garantie de retourner vers leur affectation précédente après cette période de « déradicalisation » pèsent négativement sur l’adhésion potentielle des intéressées à la démarche. Les frustrations générées par la prise en charge proposée au QPR risquent d’être contre-productives, nourrissant des mécontentements d’autant plus vifs que ces détenues ont connu une première période de détention effectuée dans les conditions de droit commun sans avoir présenté de difficulté particulière.

Il faut relever la réactivité de la direction de l’établissement qui a pris en compte une bonne partie des observations formulées par les contrôleurs lors de la réunion de fin de visite et a apporté rapidement les améliorations qui pouvaient être directement mises en œuvre.