Rapport de la troisième visite du centre de détention de Bédenac (Charente-Maritime)
Observations du ministère de la justice – Centre de détention de Bédenac (3e visite)
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations.
Synthèse
Le présent contrôle visait à apprécier le suivi des recommandations en urgence formulées en 2021 relatives au non-respect de la dignité et du droit d’accès à la santé et la sécurité des personnes détenues au sein de l’unité de soutien ou d’autonomie (USA) du centre de détention (CD) de Bédenac, adressées au ministre des Solidarités et de la Santé, au garde des Sceaux, ministre de la Justice et au ministre de l’Intérieur le 16 avril 2021.
Un rapport provisoire a été adressé le 9 mars 2023 au chef d’établissement du CD de Bédenac, au président du tribunal judiciaire de Saintes, au procureur de la République près ce tribunal, au directeur du centre hospitalier de Jonzac et au directeur général de l’agence régionale de santé « Nouvelle-Aquitaine ». La cheffe d’établissement par intérim du CD de Bédenac a fait valoir ses observations dans un courrier du 17 mars 2023, le président du tribunal judiciaire de Saintes et le procureur de la République près ce tribunal dans un courrier commun du 30 mars 2023. Les observations reçues sont prises en compte dans le présent rapport. Les autres destinataires du rapport provisoire n’ont pas présenté d’observations.
Beaucoup d’améliorations ont été apportées, mais certaines évolutions restent nécessaires.
Les personnes dépendantes qui étaient maintenues en détention au mépris de leur dignité en 2021 ont bénéficié d’une prise en compte par les institutions. Plusieurs ont bénéficié d’une suspension de peine pour raison médicale, d’autres ont terminé leur peine. Sur les dix-neuf détenus présents en 2021, seuls cinq le sont encore en janvier 2023. Néanmoins, ce constat est à nuancer car trois personnes sont décédées dans les semaines suivant le contrôle du CGLPL en 2021.
La population accueillie n’est désormais plus la même puisque l’établissement a mis en place un seuil de handicap et dépendance (GIR 4) au-delà duquel la prise en charge n’est pas adaptée au CD de Bédenac, ce qui constitue une bonne pratique. Il en découle que les handicaps et dépendances sont nettement plus concentrés sur les troubles locomoteurs, à l’exception de deux situations. Au moment du contrôle, toutes les personnes pour lesquelles un certificat médical de besoin d’aide à la personne a été établi y ont désormais effectivement accès. Les effectifs en charge des soins infirmiers ont été augmentés avec le passage de trois à quatre équivalents temps plein d’infirmiers diplômés d’Etat, l’accès au médecin est garanti et un psychiatre, un chirurgien-dentiste, un kinésithérapeute et un podologue se déplacent à l’USA.
S’agissant des conditions de prise en charge, les locaux ont été en partie adaptés. En effet, si les portes de deux cellules ont été élargies pour permettre le passage d’un lit médicalisé, aucune barre d’appui n’a été apposée et le dispositif d’appel n’a pas été modifié. La surveillance à l’« unité de soutien et d’autonomie » a été renforcée (présence, en plus du surveillant, d’un officier) mais le nombre de surveillants affectés aux escortes n’est toujours pas adapté aux besoins des extractions médicales en raison de postes vacants. Cette situation risque de s’aggraver dans les prochains mois compte tenu des départs prévus qui sont importants, ce qui présage d’une situation très difficile en termes de ressources humaines. Des activités diverses et adaptées sont proposées mais les détenus n’ont toujours pas accès à la zone d’activité du bâtiment de détention (accès qui était possible avant le Covid).
Enfin, l’action du SPIP pâtit fortement du manque de solutions en aval dues en majorité au refus des EHPAD d’accueillir les personnes détenues. A ce titre, il est primordial que des partenariats soient noués afin d’aider à dépasser les difficultés. Enfin, si les autorités judiciaires font preuve d’une réactivité accrue, aucune modification n’est intervenue dans la tenue des audiences du tribunal de l’application des peines. Elles restent conduites de manière systématique par visioconférence, modalité totalement inadaptée aux enjeux de l’audience et à un public particulièrement fragilisé pour lequel l’échange direct avec les juges est indispensable.
En conclusion, ces constats globalement positifs sur le suivi des recommandations en urgence sont à nuancer car des difficultés risquent d’intervenir à court ou moyen terme dans le cadre du vieillissement des détenus (et potentiellement de la dégradation de leur état de santé) actuellement présents pour lesquels les peines à purger restent importantes. Dans ce cadre, une réflexion nationale sur la prise en charge de ces publics est indispensable pour envisager le devenir des détenus vieillissants et souffrant de handicaps et dépendances importants, pour lesquels aucune solution ne permet aujourd’hui le respect de leur dignité et de leurs droits fondamentaux.