Rapport de la quatrième visite du centre de rétention administrative de Metz-Queuleu (Moselle)
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de l’intérieur et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.
Synthèse
Le CRA de Metz-Queuleu, situé à 4,2 kilomètres de la gare SNCF de Metz-Ville, est mitoyen du centre pénitentiaire. D’une capacité de 98 places, dont 14 réservées aux femmes et 14 aux familles, ce lieu de privation de liberté a été visité par le CGLPL une première fois en 2008 (anciens locaux). Depuis la réception, des nouveaux locaux en 2009, il a été contrôlé en 2010 et en 2017. Cette visite inopinée est donc le 4ème contrôle effectué par le CGLPL dans cet établissement, elle a donné lieu au constat d’un nombre important de dysfonctionnements graves, ce qui a mené le CGLPL à formuler des recommandations publiées au Journal officiel du 22 juin 2023.
A l’issue du contrôle effectué en 2017, quatre points avaient été relevés :
- la très forte augmentation du nombre de personnes retenues, qui se manifestait essentiellement par la hausse du nombre de familles et de mineurs placés en rétention ;
- l’état de saleté déplorable des bâtiments d’hébergement, des cours intérieures et des abords extérieurs ;
- l’absence de soins psychologiques et psychiatriques ;
- la sortie du CRA marquée par l’absence de formalisation des règles relatives aux conditions d’information de la personne retenue sur son départ et sur sa sortie qui peut survenir en dehors des heures de desserte par les transports en commun du site.
Ces constats sont toujours d’actualité, aucune mesure correctrice n’ayant été manifestement prise, et les conditions de prise en charge des personnes retenues se sont encore dégradées.
Par courrier du 17 janvier 2023, la Contrôleure générale a fait part au ministre de la Justice et au ministre de la Santé de ses vives inquiétudes quant à la prise en charge gravement attentatoire aux droits fondamentaux des personnes transgenres retenues au CRA et aux difficultés qu’elles rencontrent pour faire effectivement valoir leurs droits devant la cour d’appel de Metz, et appeler leur attention sur l’avis du CGLPL du 25 mai 2021 relatif à la prise en charge de ces personnes dans les lieux de privation de liberté. Cet avis contient des recommandations qui devraient conduire à modifier les pratiques constatées par les contrôleurs lors de cette visite. Ces pratiques tiennent notamment à l’enfermement des femmes transgenres dans une chambre de la zone « familles » sans contact possible avec les autres femmes retenues, ni accès à l’air libre ni possibilité d’appeler les policiers en cas de besoin.
Le deuxième point d’inquiétude, inchangé depuis 2017, est relatif à l’enfermement des mineurs. Le CGLPL recommande de ne pas enfermer les familles avec des enfants mineurs dans l’attente de leur éloignement. D’après les chiffres recueillis, 68 mineurs ont pourtant été placés avec leur famille au CRA en 2022. En 2021 et 2022, quatre familles avec des enfants mineurs sont restées retenues 8, 12, 27 et 11 jours. Dans le dernier cas, la famille avec deux enfants nés en 2017 et 2018 n’a été libérée qu’après dix jours de rétention à la suite d’une mesure provisoire décidée par la Cour européenne des droits de l’Homme (article 39 du règlement de la Cour).
Depuis la visite de 2017, la configuration des locaux a été peu modifiée et le constat de leur dégradation et de la saleté de la zone de rétention reste inchangé. L’information délivrée par l’administration aux personnes retenues sur la mesure d’éloignement et leurs droits est sommaire et incomplète. Elle ne leur permet pas de comprendre le fonctionnement général du CRA ni l’ensemble des voies de recours qui leur sont ouvertes. Par ailleurs, les horaires de la bagagerie n’étant pas clairement établis, les personnes retenues accèdent difficilement à leurs effets personnels qu’elles ne peuvent pas conserver de façon sûre dans leurs chambres, en l’absence de placards fermant à clef et de verrous de confort. Les communications avec l’extérieur sont contrariées : les points phone sont tous cassés, aucun stylo ne peut être emporté en zone de rétention et les plages horaires d’accès au téléphone personnel stocké à la bagagerie n’ont pas pu être déterminées avec précision par les contrôleurs.
L’accès aux soins des personnes retenues est garanti sauf en ce qui concerne les soins psychologiques et psychiatriques, alors même que le CGLPL avait fait une recommandation en ce sens à l’issue de la visite de 2017.
Les contrôleurs ont constaté que les conditions dans lesquelles les personnes retenues sont entendues dans le cadre de l’examen par la cour d’appel de Metz de leurs recours contre les décisions du juge des libertés et de la détention (JLD) ne garantissent pas le respect de leurs droits fondamentaux.
Enfin, comme en 2017, le CGLPL constate que les personnes retenues ne sont pas clairement informées des déplacements, libérations ou éloignements les concernant. En cas d’éloignement, elles ne sont pas en mesure de solder l’ensemble de leurs intérêts en France. En cas de libération après 22h, elles n’ont plus accès aux transports en commun et aucune solution d’hébergement n’est proposée à celles qui sont isolées.
Un rapport provisoire a été adressé le 31 mars 2023 au chef d’établissement, au président et au procureur du tribunal judiciaire de Metz. Aucune observation n’a été formulée en retour durant la phase contradictoire d’un mois.
Le CGLPL a formulé des recommandations en urgence publiées au Journal officiel le 22 juin 2023 relatives aux centres de rétention administrative de Lyon 2 (Rhône), du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), de Metz (Moselle) et de Sète (Hérault).