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Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire du Havre (Seine-Maritime)

Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire du Havre (Seine-Maritime)

Observations du ministère de la justice – Centre pénitentiaire du Havre (2e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. 

 

Synthèse

Sept contrôleurs, accompagnés d’un stagiaire, ont effectué un contrôle inopiné du centre pénitentiaire du Havre (Seine-Maritime) (CPH), du 9 au 13 et du 16 au 18 janvier 2023. Cette mission constituait une deuxième visite faisant suite à un précédent contrôle réalisé en juillet 2011.

Le rapport relatif à cette visite a fait l’objet d’échanges contradictoires avec la cheffe d’établissement du CPH et le directeur général du groupe hospitalier du Havre, dont les observations ont été prise en compte, ainsi qu’avec le président du tribunal judiciaire du Havre, le procureur de la République près ce tribunal et leu directeur général de l’agence régionale de santé de Normandie qui n’ont pas fait valoir d’observation.

Ouvert en 2010, à une quinzaine de kilomètres du centre-ville du Havre, le CPH, issu du « programme 13 200 places », a été construit en partenariat public-privé. Il fonctionne en gestion déléguée avec deux partenaires principaux : Thémis pour la maintenance des locaux et Gepsa pour les services à la personne.

D’une capacité théorique de 690 places, l’établissement comprend un quartier maison d’arrêt (QMA) de 209 places ; deux quartiers centre de détention (QCD) de 391 places théoriques ramenées à 377 places en réel, la direction se refusant à doubler les cellules initialement prévues pour deux ; un quartier mineur (QM) de 15 places, réduites à 13 pour le même motif ; un quartier de semi-liberté (QSL) de 45 places ; un quartier arrivants de 30 places ; un quartier d’isolement (QI) de 12 places et un quartier disciplinaire (QD) de 14 places.

L’établissement hébergeait, au premier jour de la visite, 672 hommes dont 294 au QMA, soit un taux d’occupation de 141 % à la MA. Le QCD hébergeait 366 personnes, soit un taux d’occupation de 94 % (respectivement 93 % et 94 %). Rapportés à la capacité réelle du QCD, c’est-à-dire hors cellules doubles, les taux d’occupation montaient toutefois à 96 % au CD1 et 98 % au CD2 (97 % sur l’ensemble du QCD), limitant les marges de manœuvre dans la gestion de la détention. Le QM (4 jeunes, 27 % de taux d’occupation) et le QSL (8 détenus, 18 % de taux d’occupation) étaient chroniquement sous-occupés. Si aucun matelas au sol n’était déploré, l’encellulement individuel est quasi-impossible en QMA (sauf motifs comportementaux) ; il est, en revanche, assuré à tous dans les deux CD.

Les bâtiments sont modernes et globalement bien entretenus. Les cellules sont, dans l’ensemble, en bon état et toutes équipées de sanitaires et de douches avec séparation respectant l’intimité, offrant des conditions d’hébergement de bonne qualité si ce n’est la température excessivement basse relevée dans certaines cellules.

La prise en charge des personnes détenues est altérée par un déficit en agents d’encadrement, un sous-effectif chronique en surveillants et un absentéisme fort, notamment dans les brigades de roulement, que ne peut compenser le recours massif aux heures supplémentaires. Des postes sont ainsi quotidiennement non pourvus, réduisant la présence de surveillants dans les coursives au contact direct des détenus et limitant l’accès à certaines activités. Plus grave, les manquements déontologiques de certains surveillants et gradés constituent une réalité avérée et connue de la direction qui doit poursuivre le travail conduit, en lien avec les autorités judiciaires, pour établir, poursuivre et punir les comportements inappropriés de ces agents, peu nombreux mais clairement identifiés.

Pour autant, la parfaite connaissance de la population pénale et la fluidité des relations entre les différents services intervenants ont été positivement soulignées.

Le QMA est, classiquement, en régime de détention « porte fermée ». L’instauration d’une promenade unique n’a pas été accompagnée d’une réorganisation du reste de la détention (rendez-vous médicaux, parloirs, audiences, enseignement, sport, bibliothèque, activités, etc.), contraignant les personnes détenues au QMA à faire des choix et à rester plus de 24 heures sans possibilité d’accéder à l’air libre.

Deux régimes de détention sont applicables au QCD : un régime « contrôlé », en porte fermée, qui concerne près de 30 % des personnes détenues du QCD, et un régime « commun », en porte ouverte. Ce régime est toutefois apparu comme restrictif, la liberté de circulation se limitant à la seule aile d’hébergement, avec des temps de promenade minimalistes depuis la crise sanitaire et un accès aux activités, tant dans le bâtiment que dans le reste de l’établissement, limité par des créneaux déterminés et lors de mouvements organisés. Il serait nécessaire d’engager une réflexion vers une plus grande autonomisation des personnes condamnées, en permettant une liberté de circulation allant au-delà de l’aile d’affectation et un accès plus large aux cours de promenade, en conformité avec l’esprit d’un centre de détention.

Le quartier pour mineurs offre des conditions de détention et de prise en charge de bonne qualité en dépit d’un temps de promenade inadapté. Le quartier de semi-liberté est sous-utilisé.

Chez les majeurs, la prise en charge des besoins du quotidien est satisfaisante mais une réorganisation – envisagée lors de la visite – des cantines s’impose. Le circuit et la traçabilité des requêtes doivent aussi être améliorés. Les possibilités de pratiquer un sport et de suivre un enseignement sont nombreuses, contrairement aux activités socio-culturelles qui ne concernent qu’un nombre très réduit de détenus et nécessiteraient d’être davantage investies.

Le maintien des liens familiaux bénéficie d’un octroi rapide des permis de visite et d’un usage intensif des unités de vie familiale. Il est toutefois compliqué par un retard inacceptable dans le traitement des demandes d’enregistrement des numéros de téléphone, par les difficultés rencontrées pour la réservation des parloirs et par des contraintes inutilement maintenues depuis la crise sanitaire dans l’organisation des visites.

L’accès aux soins est globalement de qualité au sein de l’unité sanitaire, pour les soins généraux, spécialisés ou psychiatriques. En revanche, une perte de chance est déplorée dès lors qu’une consultation extérieure ou une hospitalisation s’impose, du fait de la limitation des possibilités d’extraction et des modalités de celles-ci, susceptibles de porter atteinte à la dignité et au secret médical.

Une des principales problématiques de l’établissement porte sur l’offre de travail aux ateliers, très insuffisante au regard de la population hébergée, et d’une offre de formations professionnelles discriminante pour les personnes sans titre de séjour, dont le renouvellement est très difficile en détention.

Par ailleurs, alors que les enjeux de sécurité ne sont pas apparus comme prégnants au vu de l’ambiance en détention et des incidents recensés, il est déploré une pratique totalement exorbitante de la mise en prévention au quartier disciplinaire, un manque de réflexion sur l’usage des moyens de contrainte et une politique disciplinaire peu lisible.

Enfin, il est déploré l’absence de structure spécifique ou d’actions pour préparer à la sortie les personnes détenues en fin de peine.

L’ouverture d’esprit de la direction de l’établissement comme des interlocuteurs rencontrés et la qualité des réponses au rapport provisoire démontrent une certaine attention portée aux présentes recommandations.