Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.
Synthèse
Sept contrôleurs ont effectué une visite du centre hospitalier spécialisé Pierre Lôo de la Charité-sur-Loire (Nièvre) du 10 au 14 janvier 2022. Il s’agissait d’un second contrôle, le premier ayant été effectué en 2010.
Le rapport provisoire rédigé à l’issue de cette visite a été adressé le 21 juin 2022 à la directrice de l’établissement, à l’agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté, au préfet de la Nièvre ainsi qu’au président du tribunal judicaire de Nevers et au procureur de la République près ce tribunal. Les deux premiers destinataires ont communiqué leurs observations sur le rapport provisoire, lesquelles ont été intégrées dans le présent rapport de visite ainsi que les éléments des nombreux documents fournis à leur appui. Le préfet de la Nièvre a fait savoir que ce rapport n’appelait pas d’observation de sa part.
Le groupement hospitalier de territoire (GHT) de la Nièvre, réunit tous les établissements de santé du département autour du centre hospitalier de l’agglomération de Nevers (CHAN), site de référence. Parmi ceux-là, le CHSPL assure seul l’offre publique de soins en santé mentale et la prise en charge des patients admis en soins sans consentement pour les trois secteurs psychiatriques du département. La direction du CHSPL est assurée par un directeur délégué par celui du CHAN. Concrètement, le poste est occupé depuis décembre 2021 après deux ans de gestion assurée par des intérimaires. L’établissement dispose de 155 lits d’hospitalisation complète pour adultes répartis dans sept unités et organise un dispositif de prise en charge ambulatoire (médicopsychologiques, hôpitaux de jour et centres d’activités thérapeutiques à temps partiel) qui maille finement l’ensemble du territoire. Lors de la visite, deux unités d’admission, celles des secteurs Sud et de Nevers, étaient installées sur le site du Pré-Poitiers, à proximité du CHAN, les cinq autres ainsi que les bâtiments administratifs et techniques sont réunis sur le site historique de La Charité-sur-Loire situé à une trentaine de kilomètres au nord de Nevers.
La clinique du Château du Tremblay, propriété du groupe Ramsay-Générale de santé, complète cette offre de soins avec 93 lits destinés à des patients en soins libres, dont quinze pour des mineurs, la prise en charge ambulatoire de ces derniers restant gérée par le CHAN. L’ARS a prévu que 15 de ces lits pourraient accueillir des patients en soins sans consentement.
Les moyens du CHSPL et l’implication de ses professionnels lui permettent d’offrir des conditions d’hébergement dignes et confortables et de dispenser des soins de qualité.
Toutes les chambres sont individuelles avec une salle d’eau attenante, le mobilier est agréable et adapté aux pathologies, notamment en gérontopsychiatrie ; les locaux collectifs sont nombreux et équipés de matériels permettant des activités thérapeutiques très diversifiées dont la mise en œuvre reste toutefois dépendante de la disponibilité des soignants de chaque unité à défaut d’équipe spécifique suffisante. Les bâtiments du site de La Charité-sur-Loire sont dispersés dans un vaste parc arboré, étagés sur une colline dominant la Loire. L’ensemble des locaux est bien entretenu y compris ceux des unités du site du Pré-Poitiers pourtant destinées à être rapatriées à La Charité-sur-Loire.
Si l’effectif théorique de personnel paramédical est insuffisant, les postes sont pourvus et les agents bénéficient tous d’une formation certifiante en psychiatrie.
Malgré la pénurie préoccupante de psychiatres, à laquelle le CHSPL n’échappe pas plus que les autres EPSM du territoire, les patients ont facilement accès à leur médecin référent. La permanence des soins psychiatriques est assurée grâce au professionnalisme et aux bonnes volontés : les médecins affectés à chaque secteur partagent leur service entre les structures extrahospitalières et les unités, y revenant s’il le faut après leurs consultations ambulatoires, assurant ainsi la présence d’un psychiatre chaque jour dans chaque unité.
Il n’en était pas de même pour la prise en charge somatique lors de la visite, faute de praticien généraliste en poste, ce qui a été corrigé depuis.
Une démarche d’implication du patient dans son parcours de soins est engagée, de façon plus ou moins intense ou formalisée selon les unités. Elle se traduit par l’élaboration d’un projet de soins, toutefois jamais rédigé, ou le possible recueil de directives anticipées pour sa prise en charge.
Enfin, sous l’impulsion du pharmacien de l’établissement, des actions d’éducation thérapeutiques, individuelles et collectives, aux thèmes variés − effets des traitements, équilibre nutritionnel, gestion de la douleur, etc. − sont largement développées à l’attention tant des patients hospitalisés que de ceux pris en charge en ambulatoire. En pratique, outre les rencontres des patients avec le pharmacien, des ateliers collectifs sont animés par des agents formés : infirmiers, psychologues, assistants de service social ou cadres.
La procédure d’admission en soins sans consentement manque de rigueur dans l’élaboration des décisions et dans leur application, ce au détriment du respect des droits des patients.
En premier lieu, cette faiblesse touche plusieurs étapes de la procédure d’admission : le passage par les services d’urgence des hôpitaux généraux du département conduit ceux-ci à recourir largement à la procédure prévue en cas de péril imminent. La proportion importante de recours à cette procédure, en principe exceptionnelle, moins protectrice des droits des patients, appelle un contrôle plus rigoureux de la motivation d’un péril ou de son imminence, lesquels doivent être précisément circonstanciés dans le certificat d’admission. La délégation de signature des décisions d’admission en hospitalisation en soins sans consentement est donnée aux agents chargés de l’instruction des dossiers ou de l’élaboration des documents administratifs et qui n’appartiennent pas à l’équipe de direction. Ces décisions ne sont pas signées dès leur mise en œuvre, notamment lorsque celle-ci intervient au cours d’un week-end ou d’un jour férié, elles sont alors antidatées et, ipso facto, illégales.
L’information des patients en soins sans consentement sur leur statut et leurs droits est mal assurée : si la décision de la mesure leur est remise, ni le certificat médical d’admission, ni les suivants ne leur sont transmis, alors que le premier fonde la décision d’admission et que ses termes ne sont repris ni dans la décision du directeur, ni dans les arrêtés municipaux ou préfectoraux qui, tous, se bornent à le viser. Leurs droits ne sont notifiés qu’aux patients admis sur décision du préfet.
Des restrictions sont apportées aux les libertés des patients − usage du tabac, liberté d’aller et venir, communications téléphoniques − sans que le statut d’admission ne le justifie ni l’état clinique puisque ces restrictions ne sont pas individualisées et révisées en fonction de l’évolution du patient. Ainsi des unités sont fermées, même les patients en soins libres ne pouvant en sortir que si un soignant est disponible pour ouvrir la porte. Ces pratiques, qui ne sont pas réinterrogées par les équipes, ne sont pas identiques dans toutes les unités ; au demeurant les règles de vie ne sont pas affichées, les patients en sont seulement informés verbalement à leur admission. Ces disparités sont une des conséquences d’une absence de réflexion institutionnelle sur les droits des patients.
Les pratiques d’isolement et de contention souffrent d’un même déficit de réflexion collective sur le respect de la dignité et des droits des patients.
Les chambres d’isolement offrent des conditions de confort matériel correctes mais l’aménagement de certaines d’entre elles est attentatoire à la dignité des occupants et des dispositifs et pratiques méconnaissent le bien-être de celui-ci : les chambres sont placées sous vidéosurveillance ne laissant aucune intimité au patient, de même des fenestrons donnent vue sur les toilettes ; la porte d’accès à la salle d’eau peut être verrouillée, empêchant tout accès aux toilettes ; certaines chambres sont dépourvues d’horloge et de dispositif d’appel.
La décision d’isolement n’est pas toujours prise par un psychiatre, notamment lorsqu’elle intervient en dehors des heures ouvrables, elle est en général validée par un sénior par téléphone. Le statut des patients admis en soins libres et qui font l’objet d’une mesure d’isolement n’est pas toujours modifié rapidement.
Le nombre des mesures d’isolement et de contention n’apparaît pas exagéré sur l’ensemble de l’établissement mais celles-ci se concentrent sur les unités des patients « chroniques » où l’on constate pour la file active totale des taux de 66 % d’isolement et de 30 % de contention. Dans les unités, il n’est pas ressorti de réelle réflexion collective sur le sujet. Le registre d’isolement et de contention, malgré son intérêt, n’est pas mis à profit pour évaluer les pratiques professionnelles, notamment en ce qui concerne la prévention ou la mise en œuvre de techniques de désescalade.
Sous l’impulsion de l’agence régionale de santé, un travail collectif à l’échelle du département est en cours sur le sujet. Il serait souhaitable qu’il soit relayé par une démarche institutionnelle plus soutenue dans l’établissement pour ne pas laisser persister la segmentation de la réflexion, limitée à l’échelle de chaque unité qui a été constatée lors de la visite.
Il doit être relevé positivement qu’il ressort de la procédure contradictoire conduite après le passage des contrôleurs qu’une partie des recommandations formulées lors de la réunion de fin de visite ou dans le rapport provisoire ont reçu un début de mise en œuvre, notamment dans le cadre de l’élaboration du projet d’établissement.