Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministre de la santé en charge de la prévention de Polynésie française auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.
Synthèse
Quatre contrôleurs ont effectué une visite annoncée du département de psychiatrie du centre hospitalier de Polynésie française (CHPF) à Pirae du 25 au 29 avril 2022. Cette mission constituait la deuxième visite après un premier contrôle réalisé en décembre 2012.
Dans le cadre de la procédure contradictoire, un rapport provisoire a été adressé à la directrice générale du CHPF, au ministre de la Santé de Polynésie française, à la direction des solidarités, de la famille et de l’égalité, au Haut-Commissaire de la République, à la présidente et au procureur de la République près le tribunal de première instance de Papeete. La direction de l’établissement a émis des observations et produit des éléments de preuve, par courriel ; ces observations particulièrement étayées ont été intégrées dans le présent rapport.
Les soins psychiatriques pour l’ensemble de la Polynésie française sont assurés par le département de psychiatrie du CHPF. Ce dernier, doté d’un projet d’établissement 2017-2022, est le seul centre hospitalier de Polynésie française, composé de sept départements (huit disciplines).
Le département de psychiatrie a le quasi-monopole des soins spécialisés ; moins d’une quinzaine de médecins psychiatres exercent en libéral. Au moment du contrôle, il se trouve en pleine mutation, reprenant les projets amorcés avant la crise sanitaire notamment le tournant de l’ambulatoire. La nouvelle dynamique est marquée depuis l’arrivée d’un nouveau chef du département début 2020.
Par ailleurs, une fluidité des échanges est constatée entre la direction et le département de psychiatrie, qui est intégré au CH. La direction soutient et porte les projets de ce département, contrairement aux constats dressés en 2012.
La composition des équipes pluridisciplinaires, notamment l’intervention d’une assistante de service social, de psychologues, d’ergothérapeutes, est saluée sur le principe avec, depuis la mission de contrôle, un renforcement de l’équipe d’ergothérapeutes afin d’intégrer les activités thérapeutiques dans le projet individualisé du patient.
Au quotidien, les équipes au sens large sont investies auprès des patients. Les soignants sont accessibles, ils répondent aux sollicitations des patients, qui peuvent être continues. Les médecins sont accessibles pour les équipes et les patients malgré le sous-effectif au moment du contrôle (trois postes vacants de médecins psychiatres) qui devait être résorbé d’ici le mois de septembre 2022.
Le département dispose de cinquante-cinq lits d’hospitalisation et de douze chambres d’isolement (dont trois « cellules »). Néanmoins, il compte l’ensemble des chambres comme des chambres d’hospitalisation ce qui tronque le calcul du taux d’occupation qui a néanmoins diminué depuis la première visite. Le taux d’occupation réel, calculé sur la base de 57 lits, était ainsi de 114 % au moment du contrôle.
Il est composé de quatre unités d’hospitalisation complète :
– l’unité fermée Tokani composée d’une partie dite « unité fermée », de vingt lits et deux CI, et une partie dite « unité de surveillance intensive » (USI), comportant cinq chambres d’isolement et les trois « cellules » considérées comme indignes lors du premier contrôle et qui étaient toujours utilisées (les matelas ne se trouvaient plus au sol mais sur des lits scellés) ;
– les unités Manini (fermée), Kaveka et Apape (semi ouvertes) (37 lits dont deux CI à Manini). Lors du premier contrôle l’unité fermée Manini n’accueillaient que des femmes mais à la faveur de la crise sanitaire le médecin chef de pôle a réintroduit la mixité dans l’ensemble des unités.
Des axes d’amélioration sont attendus dans la prise en charge quotidienne des patients sur les principales thématiques suivantes : qualité de l’offre d’hébergement, individualisation des restrictions à la liberté d’aller et venir et dans la vie quotidienne, information des patients sur leurs droits, réduction des mesures d’isolement et contention sur la base d’un registre exploitable et exploité. La modernisation et l’instauration de systèmes d’information en voie d’achèvement facilitera les évolutions à venir.
Par ailleurs, les projets de sortie des patients en soins sans consentements se heurtent à une offre sociale et médico-sociale insuffisante. De plus, les structures d’accueil existantes, notamment les familles d’accueil, doivent être formées, agréées et contrôlées.
Le projet de pôle de santé mentale, s’inscrivant dans le plan de santé mentale, est l’occasion d’une refonte du projet de service et de l’élaboration d’un projet médico-soignant ambitieux. En effet, au moment de la visite, des travaux étaient en cours pour créer, sur l’emprise du CHFP, un pôle de santé mentale dont les contours administratifs n’étaient pas encore définis. Depuis la mission de contrôle, le ministre de la Santé a opté en faveur de la création d’un établissement distinct du CHPF regroupant l’ensemble des services de psychiatrie et assimilés polynésiens. Le calendrier proposé s’étend au-delà de la mise en service du « pôle de santé mentale » aujourd’hui envisagée en 2024, le transfert de l’activité de psychiatrie adulte lui étant postérieur. Le pôle devrait permettre de déployer à terme l’essentiel des projets d’amélioration des prises en charge portés par le plan de santé mentale en cours de finalisation.
Engagé dans une démarche d’amélioration des conditions de prise en charge des patients et de respect de leurs droits fondamentaux, le CHPF a d’ores et déjà pris en compte plusieurs recommandations émises à l’issue de la visite, d’autres sont en cours et certaines le seront dans le cadre du pôle de santé mentale.