Rapport de la deuxième visite du centre hospitalier de Niort (Deux-Sèvres)
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.
Synthèse
Six contrôleurs ont effectué une visite annoncée du centre hospitalier de Niort (département des Deux-Sèvres) du 28 février au 4 mars 2022.
Le CH de Niort est le plus important centre de soins et de consultations du département des Deux-Sèvres (375 000 habitants) ; il est implanté au cœur de la ville de Niort (59 059 habitants).
Le pôle de psychiatrie du CH s’organise en trois secteurs de psychiatrie adulte offrant dix unités d’hospitalisation à temps complet qui totalisent 139 lits. S’y ajoute un dispositif intersectoriel composé d’un centre d’accueil et de crise (CAC) de dix lits, de deux unités de pédopsychiatrie, d’une unité de psychogériatrie et d’un centre d’expertise sur l’autisme adulte (CEAA) de quinze lits.
Au moment de la visite des contrôleurs, l’unité Sud était en travaux pour rénovation.
Chaque secteur dispose de structures de soins ambulatoires telles que les centres médico-psychologiques (CMP), les centres d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP) et les hôpitaux de jour (HJ).
Si la pénurie nationale de psychiatres n’épargne pas le CH de Niort, l’absence de projet de pôle pour la psychiatrie peut également poser un problème d’attractivité pour le recrutement du personnel médical en ne permettant pas aux éventuels candidats de se projeter sur une prochaine étape professionnelle avec suffisamment de visibilité.
Au moment de la visite des contrôleurs, une unité de douze lits (Marais) était fermée faute d’effectifs soignants suffisants. Pour la même raison, plusieurs unités ont vu leur capacité initiale de vingt lits réduite à quinze. L’ensemble de ces fermetures représente une baisse de vingt-sept lits pour le pôle depuis la dernière visite du CGLPL, en 2011.
Les bâtiments du pôle de psychiatrie ne sont pas homogènes dans leur état et certains présentent des signes de vétusté et de dégradation avancés.
L’absence de projet de pôle entraîne des conséquences concrètes et délétères pour une prise en charge respectueuse des droits des patients et de leur dignité. En effet, cette carence compromet les possibilités d’une réflexion institutionnelle sur les pratiques. Celles-ci sont aujourd’hui trop hétérogènes et montrent une méconnaissance des droits des patients. Ainsi, la faible conscience du cadre juridique de la prise en charge des patients en soins sans consentement conduit à un enfermement attentatoire à leur liberté et à leurs droits. Cependant, dans ses observations portant sur le rapport provisoire, la directrice de la délégation départementale de l’agence régionale de santé indique que le projet médical de pôle est pratiquement finalisé. Il doit être présenté en comité médical d’établissement et par la suite au conseil de surveillance de l’établissement.
La grande variété des termes utilisés pour désigner les lieux d’isolement – espace d’hypostimulation, chambre de soin intensif, chambre modulable, chambre d’apaisement, studio d’hypostimulation, chambre sécurisée, espace retrait-calme – traduit la diversité des approches et des pratiques et l’absence d’une réflexion collective en amont. De plus, les enfermements en chambre ordinaire, interdits par la loi, sont pratiqués et ne sont pas tous enregistrés comme un isolement. Enfin, que ce soit en chambre ordinaire ou en chambre d’isolement, des patients en soins libres sont enfermés et leur statut d’hospitalisation n’est pas modifié pour autant.
Le registre d’isolement n’est pas fiable car constitué par une extraction des données enregistrées dans le DPI. Or ces données ne correspondent pas toujours à la réalité, faute d’être contrôlées en interne. Des fins d’isolement ne sont pas enregistrées, il est aussi possible de renouveler une décision sans mesure initiale préalable, des renouvellements de décision d’isolement sont effectués par l’interne des urgences sans que le patient soit examiné par un médecin senior, même pas toujours joint par téléphone. Ces irrégularités traduisent la faiblesse de la réflexion collective sur le recours à l’isolement et la méconnaissance de son cadre légal. Une réflexion est portée par quelque individus motivés mais qui ne trouvent qu’un très faible appui institutionnel.
Pourtant, le recours à l’isolement est important : alors que les données qui ont été communiquées minimisent les décisions, en raison d’un sous-enregistrement, il apparaît que 16 % de la file active des patients hospitalisés connaissent au moins une mesure d’isolement pendant le séjour et ce taux atteint 56 % des patients en soins sans consentement, pourcentage bien supérieur à la moyenne nationale.
S’ajoute à cela des conditions matérielles dans certaines chambres d’isolement qui sont indignes : absence de WC, absence de point d’eau, vétusté des murs, des sols et des équipements afférents. Enfin, la pratique consistant à mettre à nu un patient en chambre d’isolement est une atteinte grave à sa dignité.
Les pratiques de contentions semblent rares mais mal tracées pour la plupart. Les contentions constatées pendant la visite ne sont pas enregistrées dans tous les services où elles ont été observées.
Concernant la prise en charge somatique, si les moyens sont là, un problème d’accès aux soins somatiques sur certaines unités a été relevé.
S’agissant de la liberté d’aller et venir, les restrictions sont nombreuses et ne sont pas individualisées, allant même jusqu’à s’appliquer parfois à des visiteurs enfermés avec un patient pendant leur visite. Les restrictions de la vie quotidienne sont elles aussi nombreuses et ne sont pas non plus individualisées, que ce soit dans les unités dites ouvertes ou dans les unités fermées.
Le mode de fonctionnement ne laisse la place à aucune réflexion institutionnelle ou pluridisciplinaire sur ces restrictions. Elles ne sont pas toujours motivées par l’état clinique des patients mais relèvent le plus souvent d’une organisation de service que même les soignants ne remettent pas en question.
Les conditions hôtelières sont très inégales, allant de l’hébergement dans des chambres correctement équipées à certaines qui sont vétustes voire indignes. Même si l’entretien effectué rigoureusement garantit encore un niveau d’hygiène adapté, cela ne saurait masquer l’urgence des travaux de rénovation à entreprendre, qui devront aller au-delà d’un aspect cosmétique.
S’agissant de l’information du patient, la production des décisions et la notification des droits sont organisées mais les documents nécessaires à la présentation au JLD tardent à être adressés au bureau des entrées et, par conséquent, au JLD. Hormis l’absence de signalétique, les audiences du JLD sont bien organisées et se déroulent dans de bonnes conditions, le principe actuel de deux audiences par semaine a été relevé favorablement et doit être maintenu dans l’intérêt des patients.
S’agissant du contrôle du respect des droits des patients, le CGLPL avait déjà relevé lors de son contrôle en 2011 que la CDSP ne fonctionnait pas au complet. Elle ne fonctionne plus du tout depuis 2019. Sa production est lacunaire et sa dernière visite remonte à septembre 2013. Selon les observations reçues relatives au rapport provisoire, des démarches seraient en cours pour la réactiver.
Un grand nombre des dysfonctionnements relevés pourraient trouver leur résolution dans l’élaboration d’un projet de pôle associant l’ensemble des acteurs de la prise en charge autour d’objectifs définis collectivement, afin que le patient, sujet de droit, se trouve au centre des préoccupations et de la réflexion institutionnelle requise sur les pratiques en psychiatrie.
Enfin certaines unités sont devenues par la force des choses des lieux de vie, avec des séjours de plusieurs années pour certains patients, en rapport avec le manque de structures d’aval médico-sociales tel qu’observé sur l’ensemble du territoire.
L’accueil réservé aux contrôleurs pendant leur mission par l’ensemble des personnels soignants ou administratifs est de nature à laisser entrevoir une dynamique positive pour s’emparer des constats formulés dans ce rapport afin d’insuffler une conception renouvelée et respectueuse des droits pour la prise en charge des patients en soins sans consentement. Les réponses à toutes les recommandations du rapport provisoire, figurant en intégralité en annexe à ce rapport définitif, témoignent d’une volonté et d’une détermination de l’établissement à s’emparer de ces constats pour faire évoluer favorablement la prise en charge des patients en soins sans consentement.