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Rapport de la deuxième visite du centre hospitalier Charles Perrens à Bordeaux (Gironde)

Rapport de la deuxième visite du centre hospitalier Charles Perrens à Bordeaux (Gironde)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Neuf contrôleurs ont effectué une visite du centre hospitalier Charles Perrens de Bordeaux (département de la Gironde) du 1er au 10 août 2022. L’établissement est en charge des soins sur neuf secteurs de psychiatrie adulte, des urgences sur un territoire plus vaste et également de la responsabilité universitaire des chaires de psychiatrie et pédopsychiatrie.

Un rapport provisoire a été adressé au directeur général de l’établissement, au préfet du département, au président du tribunal judiciaire, au procureur de la République près ledit tribunal et au directeur général de l’agence régionale de santé. Seul le directeur de l’établissement a formulé des observations qui sont intégrées au présent rapport.

Le contrôle a porté sur douze unités de psychiatrie pour adultes, l’unité pour adolescents et le service des urgences psychiatriques. Il s’est déroulé dans un climat serein, constructif et transparent. Le rapport provisoire adressé à l’établissement a fait l’objet d’une sérieuse prise en compte et de nombreux points ont été améliorés dès la fin du contrôle.

Les constats principaux ont porté :

1 – Sur l’accès aux soins en général

1.1 Concernant l’organisation de l’accès aux soins à l’échelle de l’établissement

Tout d’abord, la filière de psychiatrie est structurellement saturée avec une insuffisance de lits d’hospitalisation complète. La gestion de la suroccupation permanente des lits occasionne des atteintes aux droits fondamentaux et à la dignité comme les mouvements de patients en pleine nuit, l’hospitalisation en chambre d’isolement (CI) sans chambre d’hospitalisation disponible, le placement en CI sans garder la chambre d’hospitalisation du malade, et la création non officielle de 22 lits supplémentaires, sans création des postes de personnel nécessaires pour les gérer. Toujours en lien avec la suroccupation, des chambres sont doublées, parfois même triplées sans paravent permettant le respect de l’intimité ; enfin, des patients sont en permanence hospitalisés et pris en charge en hors secteurs avec des médecins et soignants qu’ils ne connaissent pas.

La saturation de la filière est retrouvée tant en psychiatrie adulte qu’en pédopsychiatrie et se remarque également au sein du service d’urgence psychiatrique qui constitue une offre de soins pertinente. Il permet l’accueil des patients 24h/24 avec un panel de dispositifs assurant la prise en charge, parfois dès le domicile, de la crise et de la pré-crise, avec un psychiatre régulateur disponible au téléphone 24h/24, et des perspectives innovantes comme la présence d’infirmier de psychiatrie au centre 15 ainsi que le développement de partenariat avec les forces de l’ordre autour du dispositif Pegase.

La deuxième problématique majeure concerne la faible dotation en personnel soignant affecté dans les services d’hospitalisation complète pour adulte, avec une moyenne de soignants présents auprès des patients de 3,5 pour 25 lits. Le contrôle de 2013 avait déjà relevé le manque d’effectifs au regard de la population couverte. Par ailleurs, la maquette organisationnelle de fonctionnement normal prévoit des effectifs qui sont, ailleurs, ceux dit de sécurité en cas de grève, ne permettant qu’un exercice en mode dégradé. Cela impacte les droits des patients dans la mesure où, dans presque toutes les unités, les soignants ne développent pas d’activités thérapeutiques et occupationnelles, n’organisent pas les préparations à la sortie par des sorties accompagnées, alors même que ces éléments doivent intégrer pleinement le projet de soin individuel du patient dans une prise en charge globale. De la même façon, ces effectifs ne permettent pas l’organisation de la surveillance humanisée des patients en crises d’hétéro ou auto-agressivité. Pour autant, les contrôleurs observent des efforts développés sur la formation des agents vis-à-vis de la prévention des violences.

1.2. Sur l’organisation de l’accès aux soins au quotidien dans les services

L’accès aux soins de psychiatrie est assuré. Les médecins sont présents dans les services, examinent régulièrement les patients et animent des réunions cliniques. Des projets médico-soignants de pôle conceptualisent les missions à remplir auprès des patients. L’établissement s’est investi dans la formation d’infirmières de pratique avancée (IPA) et seule l’absence de médiateur pair est regrettée. Les pharmaciens et médecins somaticiens participent fréquemment aux réunions cliniques, ce qui permet une bonne pluridisciplinarité de la prise en charge et une meilleure sécurité des soins. Par ailleurs, il n’y a plus de réunion soignants-soignés dans beaucoup de services.

L’accès aux soins somatiques et à toutes les autres spécialités est assuré. L’éducation thérapeutique et l’éducation à la santé sont bien développées ; on note également un accès à la conciliation médicamenteuse et aux entretiens pharmaceutiques, y compris en centre médico-psychologique (CMP).

La recherche du consentement dans les soins, en revanche, devra être améliorée. Il n’y a pas de recueil formel et systématique de la volonté du patient quant à la confidentialité de son hospitalisation, ou encore de sa volonté d’informer un proche s’il venait à être isolé, à l’exception d’une unité, Carreire 6, qui a mis en place un outil à généraliser. Les observations du patient ne sont jamais mentionnées sur le certificat ; les activités thérapeutiques y compris les activités physiques adaptées ne sont que rarement intégrées dans le projet de soins. La personne de confiance est certes souvent désignée mais elle ne vient pas signer son accord et n’est que rarement associée au soin. Les directives anticipées en psychiatrie ne sont pas encore en place même si les contrôleurs ont noté les réflexions et projets en cours. Enfin, des prescriptions d’injections « si refus de traitement », en « si besoin » sont encore observées au sein de l’établissement.

2 – Sur la prise en compte du patient sujet de droit

Si la liberté d’aller et venir est une préoccupation inscrite dans le projet d’établissement, le nombre d’unités ouvertes reste cependant inférieur au nombre d’unités fermées (8 sur 14), y compris en pédopsychiatrie. De plus, des personnes en soins libres se trouvent dans des unités fermées, même s’ils peuvent demander que la porte leur soit ouverte. Enfin, trois unités ont des secteurs fermables sans que des soignants y soient présents en permanence. Les personnes y sont ainsi enfermées entre elles avec un couloir, un petit patio et un salon de télévision.

Ces fermetures d’unité freinent l’accès aux activités et à la réhabilitation, d’autant que certains médecins méconnaissent les possibilités mises en place par l’établissement.

Concernant l’isolement et l’usage de la contention, l’établissement les prend en compte institutionnellement au sein de son projet d’établissement. Les formations sur l’enfermement, le droit des patients, l’isolement et la contention sont nombreuses et régulièrement proposées. Toutefois, dans le quotidien, la pratique recèle de nombreux paradoxes.

En effet, les chambres d’isolement ne comportent pas l’ensemble des aménagements souhaitables, même s’il est noté que l’établissement dispose d’un nombre important d’espaces d’apaisement (huit). L’établissement compte, par ailleurs, sept chambres « fermables », disposant d’un lit scellé au sol mais qui sont des chambres d’hospitalisation.

La pratique d’isolement est marquée par une traçabilité exhaustive des mesures, qui ne débouche malheureusement sur aucune analyse opérationnelle du registre. Sur 5 269 patients hospitalisés dans les services contrôlés en 2021, 574 ont eu au moins une phase d’isolement soit 9,17 % et 333 patients ont eu au moins une contention associée à l’isolement (soit 6,3 %). Toutefois, ces chiffres sont très variables selon les unités et les pôles. Les durées moyennes d’isolement sont quant à elles presque partout supérieures à 48 heures, allant de 50 heures à 114 heures (soit presque 5 jours) selon les unités. L’isolement des mineurs est trop important.

Les médecins n’interprétant pas tous de la même façon la notion d’espace dédié et hors espace dédié, il n’a pas été possible de connaitre la part d’utilisation des chambres dites sécurisées. 18 % des mesures sont initiées en soins libres et le statut du patient est toujours rapidement modifié en SSC. La rencontre avec plusieurs patients en CI et la lecture de certaines motivations médicales d’enfermement (comme le risque de fugue par exemple) montrent que la pratique d’isolement n’est pas encore, pour tous les patients, une pratique de dernier recours. De plus, l’utilisation des espaces d’apaisement n’est pas le même en fonction des unités et du positionnement de cet espace ; certains soignants l’utilisent en soin de pré-crise, d’autres en alternative à l’isolement lors des crises ; il n’y a aucune traçabilité de l’utilisation de ces espaces sur un outil informatique spécifique, qui permettrait une activité de recherche sur la réduction induite de l’isolement.

L’information orale et écrite des patients en SSC est investie par l’établissement, que ce soit à travers des livrets d’accueil pratiquement donnés partout et disponibles en plusieurs langues. Les règles de vie sont souvent affichées mais parfois obsolètes et à actualiser. Les pratiques de notification des droits du patient ainsi que de signature des décisions du directeur, qui présentaient des irrégularités, ont été corrigées.

Le contrôle de la CDSP est inexistant depuis plus de trois ans. En revanche, l’établissement accorde une place appréciée aux usagers et à leurs représentants et projette la création d’une maison des usagers.

Les restrictions de la vie quotidienne sont assez limitées, par exemple vis-à-vis du téléphone, même si le cordon de recharge reste retiré pour tous. En revanche, les règles de certaines unités fermées ou parties fermées d’unités ouvertes, interdisent tout aux patients que ce soit leur tabac, leur briquet ou leur téléphone, y compris chez les mineurs pour le téléphone.

Enfin, une pratique de surveillance à vue des patients la nuit est systématisée et interroge sur le respect de l’intimité des personnes et le réveil occasionné par le bruit des verrous de confort lorsqu’ils existent.

Ces questions pourront utilement être débattues par le comité d’éthique qui est très dynamique.

3 – Sur les conditions matérielles de prise en charge ayant un impact sur le respect des droits fondamentaux ou de la dignité

Les contrôleurs notent la modernisation continue des locaux d’hébergement avec de nombreux bâtiments offrant des conditions hospitalières propices aux soins de psychiatrie comme, par exemple, des chambres individuelles avec toilettes et douche ; il reste néanmoins quelques services dont les locaux sont inadaptés, dans lesquels des chambres n’ont ni douche ni WC, où il n’y a pas de salle d’activité opérationnelle. Certes, le schéma directeur immobilier prévoit la rénovation totale de trois unités mais dans une perspective étalée sur encore quelques années.

L’hygiène est bien prise en compte et des serviettes sont systématiquement mises à disposition à l’admission ; en revanche, il n’y a pas de machines à laver dans les services et le lavomatique accuse des délais d’une semaine pour laver ses vêtements. Par ailleurs, il n’y a plus de coiffeur intervenant au sein de l’établissement.

Pour la protection des biens du patient comme le respect de leur intégrité physique, il sera recommandé la généralisation des verrous de confort.