Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la deuxième visite de l’établissement public de santé mentale de Vendée – Centre hospitalier Georges Mazurelle à La Roche-sur-Yon (Vendée)

Le CGLPL a réalisé une de l’établissement public de santé mentale de La Roche-sur-Yon (Vendée) du 27 juin au 6 juillet 2022. Au regard des constats effectués sur place, la Contrôleure générale avait considéré établie une violation grave des droits fondamentaux des personnes hospitalisées et publié au Journal Officiel du 27 octobre 2022 des recommandations en urgence, sans attendre la finalisation du rapport de visite, conformément à l’article 9 de la loi du 30 octobre 2007.

Rapport de deuxième visite de l’établissement public de santé mentale de Vendée à La Roche-sur-Yon (Vendée)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la santé et de la justice auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Six contrôleurs ont effectué une visite annoncée de l’établissement public de santé mentale (EPSM) de Vendée – centre hospitalier Georges Mazurelle – du 27 juin au 6 juillet 2022.

La visite de l’établissement ayant donné lieu au constat d’un nombre important de dysfonctionnements graves portant atteinte à la dignité des patients et à leurs droits fondamentaux, l’EPSM de Vendée a fait l’objet de recommandations en urgence – adressées au ministre des Solidarités et de la Santé ainsi qu’au ministre de la Justice – et publiées au Journal Officiel du 27 octobre 2022.

Le rapport provisoire présentant l’ensemble des constats a été adressé le 3 avril 2023 au directeur de l’EPSM, au directeur général de l’ARS des Pays-de-la-Loire, à la présidente du tribunal judiciaire de La-Roche-Sur-Yon et à la procureure de la République près ce tribunal ainsi qu’au préfet de Vendée. Ce dernier n’a pas répondu à l’envoi du CGLPL. Les chefs de juridiction ont précisé ne pas avoir d’observation à formuler. Le directeur régional de l’ARS fait état de la mise en place d’un comité de suivi de l’établissement, à l’issue de la publication des recommandations en urgence, et joint à son courrier le plan d’action détaillé élaboré par l’hôpital. L’essentiel des observations relatives aux recommandations ou aux erreurs factuelles, adressées par la direction de l’EPSM, ont été intégrées dans le présent rapport de définitif.

Cet établissement prend en charge les patients de quatre des cinq secteurs de psychiatrie générale adulte du département et couvre l’intégralité du département en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Il dispose de 154 lits d’hospitalisation à temps complet répartis dans douze unités, dont quatre accueillant des enfants et adolescents.

Ses moyens matériels sont confortables. Il dispose d’un patrimoine immobilier important et suffisant. Les bâtiments, de qualité, sont répartis dans un vaste parc arboré et paysagé, l’ensemble bien entretenu. Sa situation financière lui permet de soutenir une politique de gros travaux pour l’amélioration des conditions d’hébergement, qui malheureusement, n’a pas encore touché les unités où les patients les plus dépendants séjournent depuis longtemps. Cette aisance lui permet également de financer sans difficulté des formations pour les professionnels, des activités pour les patients et surtout, d’offrir des conditions matérielles exceptionnellement attractives pour attirer des médecins.

Ces dispositions favorables devraient garantir aux patients une prise en charge de qualité, tel n’est pourtant pas le cas principalement sous deux aspects. Le premier, sur lequel l’EPSM n’a que des moyens d’action limités, tient à la posture et à l’implication médicale ; le second, totalement imputable à l’établissement, tient à l’appréhension des droits du patient, méconnus voire bafoués à de nombreux égards.

L’établissement n’échappe pas à la pénurie médicale et paramédicale, 32 % des ETP de psychiatres ne sont pas pourvus et une quarantaine de postes de soignants sont vacants au moment de la visite. Des dissensions dans le corps médical, liées à la personnalité de certains praticiens et à leurs différences de pratiques professionnelles engendrent des difficultés de communication et de collaboration au sein et entre les pôles de soins dont certaines ont contribué au départ et à la mutation de médecins et de soignants. Les médecins sont peu présents dans les unités ; certains ne voient les patients que de façon expéditive, au cours d’entretiens qui durent moins de 5 minutes. Nombre d’équipes soignantes se sentent insuffisamment étayées voire abandonnées.

Le cadre juridique des soins sans consentement n’est pas respecté. De nombreuses décisions relevant du directeur sont prises tardivement et sont antidatées. Les termes des certificats médicaux mensuels sur lesquels s’appuient les décisions de privation de liberté sont bien souvent de pures et simples recopies – parfois sur de très longues périodes – des libellés des précédents. Il arrive même, dans certaines unités, que les certificats médicaux rédigés en vue de la prolongation mensuelle soient établis sans que le médecin ait rencontré le patient. Enfin, l’accès des patients au juge des libertés et de la détention n’est pas garanti ; les certificats médicaux, non motivés, attestant de l’incompatibilité de l’état du patient avec sa présentation devant le juge JLD sont légion.

L’information due aux patients en soins sans consentement leur est très incomplètement et tardivement dispensée. Les personnes en soins sans consentement ne reçoivent aucune information claire concernant les règles de vie ni aucun document énonçant leurs droits et les coordonnées des autorités susceptibles d’être saisies pour les faire valoir.

Les patients ne peuvent aller et venir librement. Les portes de cinq des douze unités d’hospitalisation sont fermées alors que toutes accueillent indifféremment des patients admis en soins libres et en soins sans consentement. Même dans les unités ouvertes, la liberté d’aller et venir n’est pas davantage garantie, puisque des restrictions ou interdictions sont imposées aux patients, quel que soit leur statut d’hospitalisation.

L’intégrité physique des patients et le respect de leur vie privée ne sont pas garantis. Dans certaines unités, les patients ne peuvent pas fermer à clé leur chambre ni leur espace sanitaire, y compris dans les chambres doubles. La sécurité des patients placés à l’isolement ou sous contention n’est pas assurée en cas d’incendie et aucun bouton d’appel n’est accessible aux patients attachés.

Les pratiques d’isolement et de contention, décisions de dernier recours encadrées strictement par la loi, sont mises en œuvre dans toutes les unités, en chambre d’isolement ou en chambre hospitalière, pour des patients majeurs ou mineurs, en soins sans consentement ou en soins libres ; parfois, sans décision médicale initiale, sans évaluation médicale régulière et sans contrôle effectif du juge des libertés et de la détention qui, au mépris de la loi, n’est jamais informé ni saisi des décisions d’isolement lorsqu’elles concernent des patients en soins libres, dont les mineurs.

Enfin, la prise en charge des patients au sein de la fédération de gérontopsychiatrie est délaissée par les médecins et repose essentiellement sur les équipes soignantes. Les conditions d’hébergement sont inadaptées aux patients âgés et dépendants, et les atteintes aux droits fondamentaux y sont plus nombreuses encore que dans les autres unités d’hospitalisation de l’établissement.

Néanmoins, les observations au rapport provisoire, apportées par l’ARS des Pays-de-la-Loire et la direction de l’établissement, montrent qu’un certain nombre de recommandations émises par le CGLPL ont d’ores et déjà été prises en compte et que la situation – au regard des droits fondamentaux des patients – est en voie d’amélioration.