Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.
Synthèse
Une équipe du CGLPL constituée de cinq contrôleurs a effectué une deuxième visite du site Romain Rolland de Saint-Denis relevant de l’établissement public de santé Séquano-Dionysien de Ville-Evrard (EPSVE) et de son antenne d’urgences psychiatriques au sein du service d’accueil des urgences du centre hospitalier (CH) Delafontaine à Saint-Denis, du 9 au 13 janvier 2023. La première visite, ancienne, date du mois de février 2012. Le présent rapport provisoire est adressé à la cheffe de l’établissement, au préfet du département de Seine-Saint-Denis, à l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France, au président du tribunal judiciaire (TJ) de Bobigny, ainsi qu’au procureur de la République près ce tribunal, pour une période de réponse contradictoire de quatre semaines.
Le site, relocalisé en 1999 depuis celui, historique, de Neuilly-sur-Marne, au sein du tissu urbain dense de la ville de Saint-Denis face au CH Delafontaine, est accessible en voiture comme en transport en commun. Son architecture contemporaine présente un bâtiment comprenant trois niveaux en forme de L ceignant un jardin arboré, et un parking d’une capacité très insuffisante. Le site est doté d’une capacité totale de cinquante-neuf lits, destinés à la prise en charge de l’ensemble des pathologies psychiatriques de personnes résidant dans huit des quarante communes du département. La population desservie par l’établissement se distingue notamment par sa diversité, sa densité, et sa pauvreté monétaire.
Le projet de restructuration de l’EPSVE, prévu entre 2023 et 2030, comprend une rénovation du site Romain Rolland de Saint-Denis, pour l’amélioration des conditions d’accueil et de prise en charge des patients, et la création du centre renforcé d’urgences psychiatriques au sein du service d’accueil des urgences du CH Delafontaine. Il pourrait répondre insuffisamment aux enjeux, en l’absence d’un recrutement adéquat pour le fonctionnement des unités de soins, d’une réorganisation fonctionnelle des pôles, et du développement d’une prise en charge spécifique des patients hospitalisés au long cours et de solutions d’aval efficaces pour favoriser leur sortie.
Dans l’attente de la réalisation de ce projet, les constats du CGLPL démontrent que des atteintes spécifiques de l’exercice des droits fondamentaux des patients hospitalisés en soins sans consentement sur le site Romain Rolland demeurent, certaines comparables à celles observées sur celui de Neuilly-sur-Marne, dans un contexte de tension capacitaire continue.
La dotation populationnelle en lits insuffisante et les difficultés de recrutement du personnel médical comme paramédical permettent difficilement à l’établissement l’exercice serein de ses missions et un accès adapté des patients aux soins, et ce malgré une utilisation du budget qui les priorise. L’indignité des conditions de leur attente dans le service d’accueil des urgences du CH Delafontaine est inacceptable. L’hospitalisation de mineurs dans les unités pour adultes, sans spécificité de prise en charge, requiert des solutions organisationnelles pour y mettre un terme.
Les patients jouissent d’une liberté de circulation soutenue par les soignants au sein du site, mais l’accès à l’extérieur surveillé par des agents d’accueil, nécessite le passage de deux portes fermées pour tous, y compris ceux hospitalisés en soins libres. Les restrictions dans la vie quotidienne sont mesurées et individualisées mais les espaces d’accueil des familles font notablement défaut.
Les constats sont identiques à ceux effectués lors de la visite du site principal de Neuilly-sur-Marne, concernant l’évolution des pratiques d’isolement et de contention, et leur traçabilité, insuffisamment inscrites dans le cadre de l’évolution des dispositions législatives, au motif notamment du défaut d’une formation adaptée, régulièrement dispensée et destinée à l’ensemble du personnel soignant. L’existence de chambres d’isolement nombreuses et indignes et l’absence de salons d’apaisement reflètent la mise en œuvre d’une politique faible d’alternatives à ces pratiques. Le défaut d’un professionnel responsable du département d’information médicale requiert un recrutement urgent, s’agissant notamment d’un recueil pertinent et statistiquement exploitable des données concernant l’activité liée aux soins sans consentement et aux pratiques d’isolement et de contention.
Les procédures d’information des patients et de notification des décisions sont insuffisantes, s’agissant des modalités d’hospitalisation en soins sans consentement et de leurs voies de recours, recours notamment impossible auprès de la commission départementale des soins psychiatriques, inexistante.
Les soignants, impliqués dans leurs missions respectives, assurent avec pertinence la qualité des soins psychiatriques dispensés, que leur permettent les contraintes permanentes d’effectifs et de disponibilité des lits. L’accès aux prises en charge spécifiques de réhabilitation psychosociale, hétérogène entre les pôles et balbutiant, souffre de l’éloignement de l’unité spécifique, sise sur le site de Neuilly-sur-Marne. S’agissant des outils d’appui à la qualité de l’alliance thérapeutique, les personnes de confiance sont désignées, contactées par les médecins et associées au projet de soin en cas de besoin mais l’utilisation des directives anticipées en psychiatrie n’est pas mise en œuvre et aucun médiateur de santé pair n’intervient sur le site. Le pôle de soins somatiques assure une réponse adaptée aux besoins mais le comité « SIDA sexualité prévention » ne garantit pas une prise en compte de la santé sexuelle aussi étayée que sur le site de Neuilly-sur-Marne.
Le CGLPL incite l’ensemble des équipes soignantes du site Romain Rolland de Saint-Denis à maintenir la qualité des soins dispensés et sollicite l’établissement pour une adaptation pertinente de son projet de restructuration, vers une logique d’amélioration des parcours de soins, individualisés et respectueux des droits fondamentaux des patients.