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Rapport de visite du pôle de psychiatrie du centre hospitalier sud-francilien à Corbeil-Essonnes (Essonne)

Rapport de visite du pôle de psychiatrie du centre hospitalier sud-francilien de Corbeil-Essonnes (Essonne)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Six contrôleurs ont effectué une première visite du pôle de psychiatrie du centre hospitalier sud francilien (CHSF) de Corbeil-Essonnes du 3 au 7 mai 2021. A l’issue, un rapport provisoire a été adressé au directeur du CHSF, à l’agence régionale de santé d’Ile de France ainsi qu’aux autorités judiciaires et administratives du département. Seul le directeur de l’établissement a fait valoir en retour des observations intégrées dans le présent rapport définitif.

Le CHSF, établissement public de santé, ouvert en 2012, est issu de la fusion de l’hôpital Louise Michel d’Evry-Courcouronnes et de l’hôpital Gilles de Corbeil de Corbeil-Essonnes. Il est l’hôpital de référence pour le Sud de la région Ile de France. La patientèle est essentiellement originaire du département de l’Essonne (70 %). Il couvre un bassin aux ressources socio-économiques modestes.

La direction est commune avec le centre hospitalier d’Arpajon (CHA), situé au centre du même département et qui ne dispose pas de pôle de psychiatrie.

Par ailleurs, il partage l’offre de psychiatrie dans le département avec l’établissement public spécialisé en santé mentale (EPSSM) Barthélemy Durand, situé à Etampes, compétent pour les deux tiers du département, le groupe hospitalier Nord Essonne (GHNE) qui couvre trois secteurs de psychiatrie, le Centre Hospitalier Manhès, établissement de santé privé d’Intérêt collectif (ESPIC) situé à Fleury-Mérogis doté d’un service de psychiatrie (trente lits), outre quatre cliniques privées appartenant au groupe Clinéa et accueillant des patients en soins libres.

L’intégration progressive, achevée en 2016, d’un pôle de psychiatrie au sein du bâtiment principal du CHSF n’a pas été évidente et s’est heurtée à d’importantes réticences, qui marquent encore le fonctionnement du pôle. En effet, chaque secteur fonctionnait en autonomie ; seules leurs unités d’hospitalisation à temps plein ont été intégrées ; les autres structures sont restées implantées localement. La décision a été guidée par l’idée d’une prise en charge globale du patient, psychiatrique et somatique.

L’établissement est doté de 1094 lits et places (MCO, psychiatrie, SSR) dont 130 lits de psychiatrie répartis au sein de cinq unités d’hospitalisation complète (vingt lits d’hospitalisation et deux chambres d’isolement chacune) et d’une unité de psychiatrie et de liaison intersectorielle (UPLI) (dix lits et deux chambres d’isolement) qui ont fait l’objet de la visite ; outre une unité post cure située à Yerres (vingt lits). Les cinq unités d’hospitalisation complète accueillant des soins sans consentement – qui représentent en moyenne 40% de la file active – correspondent à quatre secteurs de psychiatrie. La visite a également concerné le service des urgences du CHSF.

Le contrôle s’est déroulé dans de très bonnes conditions. Les équipes, particulièrement investies auprès des patients, interrogent volontiers leurs pratiques.

Le pôle de psychiatrie du CHSF couvre la partie Nord-Est du département de l’Essonne. Les patients cumulent les difficultés suivantes : isolement, précarité, difficultés administratives. Deux assistant(e)s de service social et deux psychologues interviennent dans chaque unité ce qui garantit la pluridisciplinarité des équipes. Par ailleurs, l’implantation du pôle de psychiatrie au sein du CHSF facilite l’accès aux soins en médecine spécialisée et au plateau technique.

Néanmoins, la pénurie médicale est préoccupante – il manquait neuf praticiens hospitaliers sur 38,6 ETPR – malgré les démarches de la direction dans le cadre d’une politique d’attractivité des emplois. De plus, les six médecins associés n’ont pas le plein exercice des missions.

Les principaux constats des contrôleurs s’articulent autour de six thèmes.

  • Sur les conditions matérielles de prise en charge 

Les locaux présentent un état d’hygiène très satisfaisant. Néanmoins, l’entretien des équipements l’est moins (disparité des équipements des chambres et des locaux communs, non fermeture des armoires des patients, absence de verrou de confort, pas de fourniture de serviettes de toilette…). De plus, l’hôpital ne prend pas en charge l’hygiène du linge des patients qui peuvent alors rester en pyjama.

Ces constats ont été pris en compte par la direction de l’établissement en vue de l’amélioration des conditions de prise en charge des patients.

  • Sur les restrictions aux libertés individuelles

Les unités fonctionnent en régime fermé. La liberté d’aller et venir n’est pas le principe mais l’exception. A la suite d’une recommandation de la Haute autorité de santé (HAS) en novembre 2018, un projet sur la liberté d’aller et venir a été engagé. Cette démarche d’ouverture des unités est encouragée. Néanmoins, il a été rappelé que le statut médico-légal ne doit pas déterminer l’enfermement du patient.

Les restrictions dans la vie quotidienne ne sont pas non plus l’exception et sont variables d’une unité à l’autre, ce qui traduit un manque d’instance de réflexion de pôle.

Depuis la visite du CGLPL, le pôle de psychiatrie a repris les réflexions engagées avant la crise sanitaire et les a étendues afin de faire évoluer son organisation dans le souci d’un respect des libertés fondamentales des patients, ce qui est positif.

  • Sur le patient sujet de droit

Les professionnels du pôle de psychiatrie du CHSF sont insuffisamment formés aux droits des patients en SSC alors qu’ils représentent environ 40% des patients hospitalisés. De plus, il n’y a pas d’organisation dans les unités de l’information sur les droits, de la notification des droits et des décisions. Par ailleurs, de nombreuses mesures de soins sans consentement sont formellement irrégulières ou conduites en méconnaissance des droits des patients et des dispositions du code de la santé publique qui régissent ces procédures. Sur ce point, le CHSF s’est engagé dans la mise en place d’une formation à l’attention des professionnels du pôle dans le courant de l’année 2022. Enfin, il est nécessaire de formaliser l’information générale sur les règles de vie et les droits des patients.

  • Sur la prise en charge médicale

Malgré la pénurie médicale, une présence médicale quotidienne permet un suivi régulier des patients en consultations, les familles sont associées et reçues par le médecin souvent en binôme ou trinôme avec un infirmier, une assistante de service social ou un psychologue.

L’articulation avec l’extra hospitalier est un point fort de la prise en charge, non seulement dans le cadre de la préparation à la sortie mais également pendant l’hospitalisation.

Les projets de sortie sont préparés en amont. Des réunions soignants/soignés et des groupes d’analyse des pratiques sont organisés au sein des unités.

Néanmoins, il n’existe pas toujours de projets de soins individualisés. Ils ne sont pas formalisés et ne font pas référence pour les soignants et les patients.

Peu d’activités thérapeutiques, aucun programme d’éducation à la santé et thérapeutique ne sont organisés. De plus, le travail autour de l’autonomisation du patient (gestion du tabac, statut, droits) – qui n’est pas toujours suffisamment associé à sa prise en charge – est insuffisant.

  • Sur l’isolement et la contention

Le nombre de chambres d’isolement est important au regard du nombre de chambres d’hospitalisation complète (deux pour vingt lits). De plus, chaque unité comporte deux chambres dites sécurisées qui n’entrent dans aucune catégorie officielle. Elles peuvent servir de chambre d’isolement ou de chambre d’hospitalisation.

La traçabilité des décisions médicales dans les dossiers médicaux est acquise – sauf dans une unité où les enfermements en chambres sécurisées ne sont pas comptabilisés.

Cependant, l’absence de logiciel de psychiatrie ou de module spécifique pour l’enregistrement de ces pratiques ne permet pas d’en extraire un registre automatique et exploitable. Le rapport annuel présenté en CME avance des chiffres qui ne sont pas vérifiables, en partie erronés, et les durées de mesures sont faussées par l’absence d’horodatage automatisé.

Depuis la visite, un outil d’extraction du registre des mesures d’isolements et de contentions est en cours de développement.

  • Sur la prise en charge des mineurs

Le secteur de psychiatrie infanto-juvénile ne dispose que de structures en ambulatoire et l’équipe ne vient que très exceptionnellement en soutien du secteur de psychiatrie adulte lorsqu’il est contraint d’accueillir un mineur dans les unités ou l’UPLI.

Or, un mineur ne doit pas être hospitalisé au sein d’une unité de psychiatrie pour adultes[1]. Il paraît donc indispensable que le département soit mieux doté en structure spécialisée pour les mineurs dont l’état clinique nécessite une hospitalisation complète.

En conclusion, le tout récent pôle de psychiatrie du CHSF est encouragé à faire évoluer et à harmoniser ses pratiques et son organisation en faveur d’un plus grand respect des droits fondamentaux des patients.

Les observations formulées par l’établissement aux recommandations du CGLPL – dont plusieurs sont d’ores et déjà prises en compte et d’autres en cours de prise en compte – démontrent un réel engagement en faveur de l’amélioration de la qualité de prise en charge des patients et de la garantie de l’exercice de leurs droits.

[1] Cf. les rapports thématiques du CGLPL « Les droits fondamentaux des mineurs en établissement de santé mentale », novembre 2017 et « Les droits fondamentaux des mineurs enfermés », février 2021.