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Rapport de la quatrième visite du centre de rétention administrative de Nîmes (Gard)

Rapport de la quatrième visite du centre de rétention administrative de Nîmes (Gard)

Observations du ministère de l’intérieur – Centre de rétention administrative de Nîmes (4e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de l’intérieur auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. 

 

Synthèse

Cinq contrôleurs ont effectué une visite inopinée du centre de rétention administrative (CRA) de Nîmes (Gard) du 29 au 31 mars 2021. Il s’agissait de la quatrième visite, les trois précédentes ayant eu lieu en décembre 2008, juin 2011 et mai 2015.

Le rapport provisoire rédigé à l’issue de cette visite a été adressé le 2 septembre 2021 à la cheffe du CRA, à l’agence de santé Occitanie, au président du tribunal judiciaire de Nîmes et au procureur de la République près ce tribunal. L’adjoint au chef du CRA a, par courrier en date du 4 octobre 2021, présenté des observations ; elles sont reprises dans le présent rapport de visite. Les autres destinataires du rapport provisoire n’ont pas apporté de réponse.

La capacité d’accueil théorique du centre est de 128 places : 111 lits « hommes », 11 lits « femme », 6 lits « famille ». En mars 2021, aucune famille, donc aucun enfant, n’avait été accueillie depuis 2018. Le CRA a réalisé, en 2020, 955 admissions, d’une durée moyenne de séjour de 21 jours ce qui représente un taux d’occupation de 74,4 % ; 24,71 % des admis sont éloignés.

Lors de la visite, l’organisation habituelle du CRA en trois zones dont une pour les femmes et les familles, a été modifiée. En raison de la nécessité de gérer les isolements septiques des entrants, ceux-ci sont affectés à la zone famille en attendant de connaître leur situation sanitaire au regard de la Covid-19. Plus aucune femme n’est donc orientée vers ce CRA depuis le début de la pandémie.

Cette quatrième visite a conduit à constater que certains aspects de la prise en charge des personnes retenues avaient été améliorés dans le sens préconisé par les rapports précédents, mais également à regretter que bon nombre des recommandations qui y figurent restent d’actualité.

L’organisation du fonctionnement témoigne d’une vigilance sur le bien-être et le respect de la dignité, portés par la capitaine, cheffe du CRA.

Les conditions d’hébergements sont correctes : les locaux sont satisfaisants, les chambres spacieuses et propres. Mais les cours sont trop exiguës et les salles de télévision inconfortablement meublées.

Les conditions d’hygiène le sont également : le linge des retenus est lavé deux fois par semaine, les locaux sont remarquablement propres, l’entretien et la maintenance sont satisfaisants.

Des initiatives ont amélioré la qualité de l’ambiance en rétention. On peut citer l’affectation de deux policiers en civil aux missions d’accueillir les entrants, de se tenir en journée en rétention pour répondre aux demandes, de percevoir les éléments d’ambiance. Cette une mission peut être ambiguë avec le recueil d’informations qui peuvent se retourner contre les retenus (faciliter leur éloignement), inconvénient largement contrebalancé par la possibilité de « déminer » les situations problématiques (rapports de forces ou dissentions entre retenus, rackets, etc.). De fait, les « violences » ont largement diminué.

L’acquisition de matériel d’activité en nombre et réellement mis à disposition ainsi que le recours à des intervenants extérieurs pour animer des activités diminue l’ennui des retenus. L’accessibilité des cours de promenade 24h/24, hormis celle de la zone tampon, est une mesure particulièrement appréciable, notamment en été.

La convention avec l’hôpital a été modifiée et les effectifs de l’UMCRA sont désormais suffisants pour répondre aux besoins.

Pour autant, se manifeste la nécessité d’une réflexion et de précisions sur des pratiques qui méconnaissent les droits des retenus.

La notification des droits à l’arrivée n’est pas donnée par écrit dans la langue de l’intéressé et l’interprétariat est difficilement audible. Le formulaire des droits n’existe qu’en français et n’est pas laissé au retenu. Les notifications des décisions par un interprète à deux retenus en même temps, sans confidentialité et rapidement, ne respecte pas leur confidentialité.

Le droit à la correspondance est rendu compliqué par le retrait de matériel, notamment les stylos, l’absence de kit de correspondance et l’absence de boîte aux lettres. Il faut relever que ces défauts ont été corrigés depuis la visite.

L’impossibilité de recevoir de l’argent autrement que par les visiteurs à moins d’avoir un compte à la Banque postale pose les mêmes difficultés que partout en France :  des personnes ne peuvent acheter du tabac avec les tensions et risques de trafic que cela entraîne.

Le droit au maintien des liens familiaux ne s’exerce que par téléphone, et difficilement, dans la mesure où les visites ont été suspendues en raison de l’épidémie de Covid-19, les « parloirs » n’ayant pas été aménagés pour prévenir les contagions.

La préoccupation de sécurité imprègne les pratiques, parfois exagérément, pour certaines sans cadrage institutionnel suffisant.

Les mesures de sécurité sont pour certaines injustifiées et/ou dépendantes des fonctionnaires qui les appliquent.

Tous les mouvements vers l’extérieur sont opérés systématiquement avec menottes (tribunal ou hôpital) alors que pour les éloignements, des nuances peuvent être apportées.

L’intimité de l’occupant n’est pas préservée dans les trois chambres de mise à l’écart, le champ de la caméra portant sur les WC. Un seul registre est tenu pour la chambre de mise à l’écart et pour la chambre d’isolement sanitaire, registre parfois imprécisément renseigné, sans numéro d’ordre et sans pagination.

Le retrait des objets personnels ne respecte pas exactement la liste nationale : parfois en-deçà (de l’argent est laissé en quantité au risque de vols), parfois au-delà (retrait des préservatifs), l’application diffère selon les fonctionnaires. Les stylos peuvent être retirés au mépris du droit à la correspondance et à l’expression des requêtes, notamment médicales. Ce point a également été corrigé depuis la visite.

Des fonctionnaires fouillent des bagages en cas de suspicion de vol, ceci hors de tout cadre légal, sans que ces fouilles soient tracées et sans que le propriétaire des biens soit prévenu.

S’agissant de l’information sur la date du départ, les fonctionnaires n’ont manifestement pas compris que la règle est l’information et le refus l’exception, dont les motifs doivent être tracés.

Enfin, les conditions de distribution des médicaments ne respectent pas le secret médical.

L’austérité du séjour est atténuée par les diligences déployées pour utiliser rapidement et efficacement les moyens financiers attribués au développement des activités et adapter celles-ci au mieux aux besoins des retenus, par la qualité de la gestion hôtelière. Il reste à appliquer la même rigueur dans le contrôle du respect par tous les professionnels des droits des personnes retenues et de l’application des procédures qui le garantissent.