Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor)
Observations du ministère de la justice – maison d’arrêt de Saint-Brieuc (2e visite)
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations.
Synthèse
Du 29 mars au 2 avril 2021, quatre contrôleurs ont effectué la deuxième visite de la maison d’arrêt de Saint-Brieuc dans le département des Côtes d’Armor. Dans le cadre de la procédure contradictoire, un rapport provisoire a été adressé au chef d’établissement, à la directrice du centre hospitalier Yves Le Foll à Saint-Brieuc, à l’agence régionale de santé Bretagne à Rennes (Ille-et-Vilaine), au président du TJ de Saint-Brieuc et au procureur de la République près ce tribunal le 21 octobre 2021. Le directeur de la maison d’arrêt et la directrice du centre hospitalier Yves Le Foll à Saint-Brieuc ont formulé leurs observations, qui ont été prises en compte dans le présent rapport définitif.
La maison d’arrêt, située à proximité du centre-ville dans la commune de Saint-Brieuc (43 710 habitants en 2020), ressort du tribunal judiciaire de la même ville. Elle se situe à 100 kilomètres de Rennes (Ille-et-Vilaine), ressort de la cour d’appel et siège de la direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP).
Mise en service en 1903, la maison d’arrêt dispose d’une capacité théorique de soixante-dix places et accueille un public composé uniquement d’hommes majeurs, prévenus et condamnés. L’établissement est l’un des plus surpeuplés de France, territoires d’outre-mer inclus. En 2019, le chiffre de 200 détenus a été atteint, ce qui pour soixante-dix places représente un taux d’occupation de 285 %. Au jour de la visite, 131 personnes étaient détenues (trente-sept prévenus, quatre-vingt-sept condamnés et sept condamnés-prévenus), soit un taux d’occupation de 187 %.
Contrairement aux établissements surpeuplés de même type, la séparation des prévenus et des condamnés en cellule est quasiment respectée, fait suffisamment rare pour mériter d’être mentionné. De plus, l’attention portée à la nature des procédures en cours et/ou des condamnations afin de séparer autant que faire se peut les personnes privées de liberté au moment du choix de l’affectation dans une cellule permet une organisation de la détention tenant compte au plus près de l’intérêt des personnes détenues.
Si les parties communes de l’établissement parviennent à masquer l’ancienneté du bâti par un entretien et une mise en peinture régulière – si l’on excepte la cuisine dont le plafond s’était écroulé peu de temps avant la visite des contrôleurs, l’état général des cellules s’est considérablement dégradé depuis 2010, la surpopulation chronique ayant des conséquences sur, d’une part, la sollicitation des lieux et du mobilier et, d’autre part, l’impossibilité de procéder aux travaux d’entretien et de rénovation des cellules entre le passage des occupants. Ainsi, les constats des contrôleurs attestant de l’indignité des conditions de détention sont nombreux : fuites, moisissures, trous dans les murs, mobilier détérioré ou manquant, absence d’intimité dans les WC, état d’hygiène déplorable des sols et des lits, manque d’espace pour les gestes du quotidien, tri sélectif des déchets inadapté.
Le dynamisme de la direction, nonobstant certaines difficultés relationnelles dans la chaîne de commandement, et l’expérience des agents de surveillance, permettent de maintenir une détention calme et sans phénomène de violence excessif, en dépit de conditions d’hébergement de la population indignes et des mesures liées à la crise sanitaire qui restreignent le périmètre des activités.
Les incidents et les violences sont peu fréquents, mais les deux cellules du quartier disciplinaire sont toujours occupées notamment en raison des comptes-rendus d’incidents qui sont systématiquement poursuivis, ce qui ne permet pas de mettre les sanctions à exécution dans un délai en garantissant le sens.
Les fouilles sont peu nombreuses mais pour autant elles ne sont pas toutes tracées. Leur mise en œuvre a parfois lieu dans les douches ce qui n’est pas satisfaisant.
Les parloirs sont inadaptés pour une préservation de l’intimité des conversations.
Les cours de promenade sont d’une étroitesse évoquant des cours de quartier disciplinaire et sont dépourvues de tout équipement.
La notification des décisions par le greffe est bien effectuée mais dans des conditions matérielles qui ne garantissent pas forcément la confidentialité requise pour ce faire.
Le renouvellement des cartes d’identité est fluide, celui des titres de séjour pose difficulté, comme partout en France.
Le traitement des requêtes est bien tracé et bien suivi, elles sont traitées rapidement et suivies de réponses, qui sont elles aussi tracées et notifiées aux personnes détenues.
La prise en charge sanitaire est globalement efficiente, grâce notamment à une bonne articulation entre l’administration pénitentiaire et le personnel médical pour les mouvements. La prise en charge somatique pourrait être améliorée par du temps de kinésithérapeute, d’infirmier et de dentiste supplémentaire, eu égard aux nombreuses demandes en attente, notamment du fait de la surpopulation. Par ailleurs, le CGLPL déplore que le manque de personnel puisse parfois entraver la mise en œuvre d’extractions médicales et que les escortes assistent systématiquement aux examens médicaux au centre hospitalier. S’agissant des hospitalisations en psychiatrie, il est regretté que le statut pénal dicte systématiquement la décision de placer la personne détenue à l’isolement.
Le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) a été renforcé depuis la visite des contrôleurs et permet désormais une meilleure prise en charge des personnes détenues dans leurs démarches de réinsertion et une préparation à la sortie mieux accompagnée. L’unité sanitaire participe également à la préparation à la sortie dans son champ de compétences.
Les recommandations annoncées comme déjà prises en compte par l’établissement depuis la visite des contrôleurs confirment le dynamisme de la direction pour entreprendre, dans la mesure des moyens dont elle dispose, l’amélioration de la prise en charge des personnes privées de liberté, en dépit d’une surpopulation chronique qui obère les résultats de ses efforts constants pour y pallier.