13 janvier 2022
En dépit de l’extrême virulence de l’actuelle vague de l’épidémie et l’application de nouvelles mesures pour tenter de maitriser la situation sanitaire, pas un mot n’a été prononcé par les autorités sur la condition, pourtant très inquiétante, des prisons, des centres de rétention administrative, des locaux de garde-à-vue et des hôpitaux psychiatriques. Le CGLPL le déplore et estime impératif d’alerter une nouvelle fois les ministres de la santé, de la justice et de l’intérieur.
Tout enfermement, sur fond de reprise épidémique, est un facteur de vulnérabilité auquel le gouvernement devrait, pourtant, accorder une attention particulière. Parce que la promiscuité y entraîne un risque de contagion accru et parce que ce risque ne se limitera pas à ces lieux.
En prison, les efforts bénéfiques du printemps 2020 pour réduire la surpopulation ne sont plus que de lointains souvenirs, laissant place à une longue progression : les 62.935 détenus au 1er décembre 2020 sont devenus 69.992 au 1er décembre 2021. Or, la reprise épidémique exceptionnelle, conjuguée à la promiscuité insensée de la plupart des maisons d’arrêt, aggrave la progression du virus de manière affolante. De novembre à décembre, les nombre de prisonniers covidés a quadruplé. Début janvier, il a presque triplé, s’élevant à 1074.
Si la vaccination a débuté il y a un an dans les prisons, il est désolant que son taux y soit inférieur au taux général (début décembre 2021, 57,6% des détenus avaient reçu au moins une dose contre 77,6% des « libres »). L’effort de tous, y compris des services sanitaires, doit contribuer à la faire progresser.
D’autre part, le CGLPL constate l’épuisement physique et moral d’une population détenue sur laquelle a pesé, bien plus que sur la population libre, le poids d’une prévention sanitaire extrêmement stricte. Lorsque dehors, nous avons pu retrouver une vie sociale, les détenus restaient privés de tout contact physique avec leurs proches et leurs activités ne reprenaient qu’au compte-goutte. Il faut souligner leurs efforts et la patience avec laquelle ils ont supporté ces restrictions drastiques qui mordent sur tous leurs droits.
On ne peut persister dans une voie qui fait peser, pour l’essentiel, la responsabilité des mesures de prévention sanitaire sur les détenus et leurs proches – contraints à des séparations qui, en temps ordinaire, relèvent de sanctions disciplinaires. Sans parler des conséquences d’une ambiance dégradée qui retombent fortement sur le personnel pénitentiaire. L’expérience de l’année écoulée a démontré, si besoin était, la nécessité de recourir rapidement à des mécanismes de régulation carcérale, équivalents de mars 2020, permettant de libérer des détenus proches de leur fin de peine et de différer les incarcérations qui peuvent l’être. Nul rêve, ni utopie. De nombreux professionnels pénitentiaires prônent ce système qui doit être mis en place et pérennisé partout.
Dans les établissements de santé mentale, la confusion – entre les confinements sanitaires pour lutter contre la pandémie et des mesures d’isolement – perdure. Les contraintes liées à la crise sanitaire ne doivent pas impacter les règles régissant les soins sans consentement et l’isolement. Elles ne doivent pas davantage entraîner de restrictions excessives aux échanges des patients avec l’extérieur. La réaffirmation de ces principes, déjà recommandés par le CGLPL, s’impose d’autant plus face à une épidémie installée dans le temps.
Le CGLPL s’inquiète également des difficultés que rencontrent les patients hospitalisés en soins sans consentement pour se rendre à des audiences qui, depuis le début de la crise, ne se tiennent plus systématiquement au sein des hôpitaux. Le recours à la visioconférence ou aux « audiences sur dossier » ne garantit aucunement les droits des patients – dont l’état n’est souvent pas compatible avec une audience au tribunal et le trajet qu’elle suppose. Dès lors qu’aucune mesure générale ne restreint l’accès des justiciables aux tribunaux, le recours à la visioconférence, en dehors de situations exceptionnelles, ne se justifie pas.
La situation des personnes placées en centre de rétention administrative (CRA) doit faire l’objet de la plus grande vigilance. Malgré la dégradation de la situation sanitaire, les CRA restent ouverts à pleine capacité, au mépris du risque d’atteinte à la santé des personnes qui y sont hébergées ou y travaillent. Il est illusoire d’espérer respecter les règles de distanciation au sein de chambres collectives et de repas pris dans des salles communes.
Le recours aux tests PCR étant devenu une condition préalable à l’exécution des éloignements du territoire, son utilisation comme véritable outil de dépistage des malades et de prévention de la contagion est devenue aussi incertaine que confuse, faute de distinction entre les tests à visée sanitaire et ceux permettant l’éloignement.
De plus, malgré la délivrance de certificats médicaux d’incompatibilité de leur état de santé avec la rétention, le CGLPL est régulièrement alerté sur le maintien en rétention de personnes montrant une vulnérabilité particulière aux formes graves de Covid. Tant que la situation épidémique n’est pas maitrisée, les unités médicales des CRA doivent déterminer, pour chaque personne retenue, s’il existe un risque particulier d’atteinte à l’intégrité physique découlant d’une contamination au Covid 19. Un certificat médical d’incompatibilité doit alors être établi et les autorités compétentes doivent en tirer les conséquences en levant les mesures concernées.
Par ailleurs, il est étonnant et regrettable que la vaccination ne soit pas systématiquement proposée aux personnes retenues. Toute personne qui le souhaite doit pouvoir commencer ou poursuivre son schéma vaccinal.
Enfin, la rétention administrative a pour finalité légale de permettre l’organisation d’éloignements, également soumis aux aléas de la pandémie. Aucune mesure de rétention n’est fondée si les éloignements sont impossibles. Or, compte-tenu des faibles perspectives actuelles, les mesures de rétention paraissent, pour beaucoup, très fragiles juridiquement.
Voir le courrier adressé au ministre des solidarités et de la santé
Voir le courrier adressé au ministre de la justice et la réponse du ministre de la justice