13 juillet 2021
Au Journal officiel du 13 juillet 2021 et en application de la procédure d’urgence, la Contrôleure générale a publié des recommandations relatives au centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses (Haute-Garonne).
L’article 9 de la loi du 30 octobre 2007 permet au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, lorsqu’il constate une violation grave des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, de saisir sans délai les autorités compétentes de ses observations en leur demandant d’y répondre. Le ministre de la justice et le ministre de la solidarité et de la santé ont été destinataires de ces recommandations et ont apporté leurs observations, également publiées au Journal officiel.
Voir des photographies de la visite
La troisième visite du centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses, réalisée du 31 mai au 11 juin 2021 par onze contrôleurs, a donné lieu au constat d’un nombre important de dysfonctionnements graves qui permettent de considérer que les conditions de vie des personnes détenues au sein de cet établissement sont indignes :
- une surpopulation dramatiquement élevée : au moment du contrôle, le quartier maison d’arrêt des hommes hébergeait 898 détenus pour 482 places (186% d’occupation) et le quartier maison d’arrêt des femmes hébergeait 58 détenues pour 40 places (145% d’occupation). Dans ces quartiers, 173 hommes et 5 femmes dormaient sur un matelas posé au sol. Le quartier des arrivants n’est pas épargné puisqu’il comptait 11 matelas au sol au premier jour du contrôle. Il y a près de 200 matelas au sol au centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses, un peu moins du quart du nombre de matelas au sol pour l’ensemble des établissements pénitentiaires en France.
- Un espace personnel d’1,28 m2 en cellule pour beaucoup : quasiment toutes les cellules des quartiers maison d’arrêt sont doublées voire triplées. En déduisant l’espace sanitaire et l’emprise des meubles en cellule, les contrôleurs ont observé que les détenus disposaient d’1,28 m2 à 4,41 m2 d’espace personnel selon la taille des cellules et de l’occupation par deux ou trois personnes.
- La présence de nombreux nuisibles et une hygiène déplorable dans des locaux en mauvais état : les contrôleurs ont constaté la présence de cafards et punaises dans les espaces communs et les cellules ; des rats courent dans des espaces de promenade jonchés de détritus. La dégradation des locaux, préoccupante pour un établissement ouvert en 2003, est aggravée par la surpopulation. Les cellules sont pour la majorité en mauvais état et les détenus n’ont aucune intimité car les cloisons des sanitaires sont toutes cassées.
- Un temps excessif passé en cellule : très peu de personnes accèdent à une activité, qu’il s’agisse de formation ou de travail et les activités sportives et socioculturelles n’ont pas repris depuis mars 2020, à l’exception de quelques heures de sport. La plupart des détenus restent ainsi en cellule et bénéficient au mieux d’une promenade par jour. Le temps passé en cellule avoisine donc pour beaucoup les 22 heures par jour.
En outre, l’intégrité physique des personnes détenues n’est pas assurée du fait d’un climat de violences permanent et de conditions d’accès aux soins très dégradées.
De nombreux détenus ont témoigné d’un climat de violence généralisé, en cellule et dans les cours de promenade où les agressions sont fréquentes et où les surveillants n’entrent pas. Par crainte des agressions, de nombreuses personnes ne sortent plus de leur cellule. La surpopulation et l’inactivité forcée des détenus entraînent d’inévitables tensions : en 2020, l’établissement décomptait 64 agressions physiques de personnes détenues sur surveillants. L’exercice du métier de surveillant dans ces conditions est d’une évidente difficulté. Les contrôleurs ont également recueilli des témoignages nombreux et concordants de personnes détenues dénonçant des recours excessifs à la force et des violences (verbales et physiques) de la part de surveillants. L’ambiance en détention est délétère. La direction de l’établissement s’y rend trop rarement et n’y est pas identifiée, n’effectuant qu’exceptionnellement des entretiens avec les détenus.
L’accès aux soins des personnes détenues n’est pas assuré. Lors du contrôle, l’établissement disposait d’un seul véhicule par jour pour les extractions médicales, ce qui entraîne des retards de soins. Le taux d’annulation des extractions varie entre 51 % et 56 %. En tout, ce sont plus de 65% des besoins qui ne sont pas satisfaits faute de moyen de transport. Le départ de praticiens spécialistes intervenant dans l’établissement et n’ayant pas été remplacés n’a pu être compensé par des consultations à l’hôpital faute d’extraction possible. Le nombre de consultations spécialisées a chuté de plus de 70% en dix ans nonobstant une augmentation de 20% des consultations au sein de l’unité sanitaire. Ce mode de fonctionnement dégradé induit pour les patients des conséquences potentiellement graves, mais aussi une lassitude des équipes médicales et soignantes. Le CHU de Toulouse ne semble pas en avoir pris toute la mesure des risques graves que cette situation fait courir aux patients. Cet établissement, pourtant pilote depuis de nombreuses années en matière de télémédecine, n’a pas cherché à la mettre en place au bénéfice des détenus alors que la mobilisation de ces moyens technologiques permettrait notamment de pallier certaines des insuffisances observées.
Le centre pénitentiaire de Toulouse Seysses doit faire l’objet, d’une part, de mesures urgentes concernant la surpopulation pénale, la rénovation des cellules, la désinfection, l’accès aux soins somatiques et d’autre part, d’une reprise en mains du fonctionnement de l’établissement, notamment pour faire cesser le climat de violence ainsi que de garantir au personnel des conditions normales d’exercice de sa mission et aux détenus le respect de leur dignité, de leur intégrité physique et de leurs droits fondamentaux.