Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de visite du centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines (Moselle)

Rapport de visite du centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines (Moselle)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de huit semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

Suivi des recommandations à 3 ans – Centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines

 

Synthèse

En application de la loi du 30 octobre 2007 qui a institué le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), huit contrôleurs ont effectué une première visite du centre hospitalier spécialisé (CHS) de Sarreguemines (Moselle) du 2 au 11 mars 2020. Deux précédentes visites ont été effectuées sur le site en 2009 et 2015 strictement limitées à l’unité pour malades difficiles (UMD). Un rapport provisoire a été adressé le 13 mai 2020 au directeur de l’établissement, à la délégation territoriale de l’agence régionale de santé (ARS) Grand-Est, au président du tribunal judiciaire (TJ) de Sarreguemines et au procureur de la République près ce TJ, ainsi qu’au préfet du département. Certains destinataires (le directeur de l’établissement, le délégué territorial de l’ARS) ont fait valoir des observations qui ont été prises en compte dans le présent rapport définitif.

Le CHS de Sarreguemines a été construit entre 1872 et 1880 pendant la période de l’annexion allemande pour recevoir les malades mentaux de l’ancienne région Lorraine. Partiellement détruit pendant la seconde guerre mondiale, la reconstruction qui a permis sa réouverture en 1957 et les rénovations et bâtiments érigés ultérieurement lui ont donné son visage actuel. Sur les six établissements de santé mentale du département, il est l’un des quatre qui accueillent des patients en soins sans consentement dans 475 lits d’hospitalisation à temps complet et 20 chambres d’isolement. Il est situé au Sud-Est du centre-ville de cette cité frontalière et est accessible par une ligne de bus régulière. Il emploie 1 203 agents, dont le nombre est stable à l’exception du personnel médical, qui affiche une diminution de 14 % en trois ans.

Le contrôle s’est exercé sur les quatre secteurs de psychiatrie adulte, l’antenne d’urgences psychiatriques sise sur le site du centre hospitalier Robert Pax attenant et l’unité de soins intensifs psychiatriques (USIP).

Des difficultés d’accès aux soins sont identifiées concernant :

  • la présence médicale, tant psychiatrique que généraliste ;
  • l’impossibilité d’une hospitalisation spécialisée des mineurs, mélangés à la population adulte voire hospitalisés sous le statut du soin sur décision du représentant de l’Etat (SDRE) en USIP et en UMD ;
  • l’inaccessibilité de l’USIP aux femmes, patientes comme soignantes ;
  • l’absence de contact physique direct entre les soignants et les patients de l’USIP la nuit ;

Le recours aux contraintes additionnelles à la privation de liberté que sont les mesures d’isolement et de contention est marqué par des atteintes aux droits des patients :

  • les interventions du service de sécurité ne sont pas suffisamment encadrées ;
  • les mesures d’isolement et de contention ne sont pas toujours décidées par un médecin titulaire d’une qualification ordinale de psychiatre, ne sont pas évaluées par un médecin deux fois par 24 heures ;
  • l’établissement a créé une catégorie d’isolement particulière dit « retrait séquentiel » ; qu’il soumet à une obligation de renouvellement tous les sept jours ;
  • l’évaluation médicale somatique en début de mesure n’est pas assurée par un autre médecin que le psychiatre ;
  • les chambres d’isolement ne sont pas toujours équipées d’une table et d’une assise sécurisées, la disposition des WC ne respecte parfois pas l’intimité du patient, aucun dispositif d’appel des soignants n’est accessible à la personne sous contentions et la vue sur une horloge n’est pas garantie.

La satisfaction des besoins élémentaires des patients en soins sans consentement et le respect de leur dignité dans les actes de la vie quotidienne requièrent des améliorations s’agissant de l’accès à la chambre, qui n’est pas toujours libre et dont la porte est rarement équipée d’un verrou de confort, alors que cela permettrait de mieux assurer le droit à l’intimité et à la protection des effets personnels.

De manière générale a été relevé un défaut de formation du personnel en matière de droit du soin sans consentement et de droits des patients en soins sans consentement, a fortiori dans le cas du placement en isolement ou sous contention. Ce défaut est accentué par une communication inefficace, identifiée en matière de politique de la qualité et de la gestion des risques et en matière de diffusion des travaux du comité d’éthique.

L’exercice du droit à la vie privée est difficile s’agissant du droit à l’anonymat de l’hospitalisation qui n’est pas suffisamment mis en œuvre par tout le personnel et du droit à la liberté sexuelle en l’absence de réflexion sur la sexualité des patients dans la plupart des unités. Faute d’affichage des coordonnées des aumôniers dans toutes les unités, l’exercice du droit à la liberté de conscience par la pratique d’un culte est peu aisé.

Concernant les patients polyhandicapés accueillis dans l’unité Lierres C, le rapport relève des conditions de prise en charge hôtelière indignes et l’absence de médecin référent pour coordonner les soins.

Parallèlement, de bonnes pratiques ont retenu l’attention des contrôleurs : imprimés présentant le cadre juridique des soins sans consentement et les droits du patient, attention accordée à la tenue du registre de l’isolement et de la contention, accès à la banque des patients pour les personnes détenues hospitalisées et chambres d’une unité équipées d’un haut-parleur qui permet l’écoute de musique au réveil.

Le CHS de Sarreguemines a accueilli les contrôleurs dans une ambiance cordiale et collaborative. Les réponses apportées aux recommandations émises dans le débat contradictoire reflètent un engagement mesuré qui appelle une réflexion institutionnelle pérenne au service des patients en soins sans consentement.