Rapport de la troisième visite du centre hospitalier Sainte-Marie de Nice (Alpes-Maritimes)
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la santé et de l’intérieur auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.
Synthèse
Une équipe du Contrôleur général des lieux de privation de liberté a visité le centre hospitalier Sainte-Marie de Nice (CHSM, département des Alpes-Maritimes) du 1er au 5 février 2021. Un rapport provisoire dressant les constats relevés lors de cette visite a été adressé à la cheffe d’établissement, au préfet du département, au président du tribunal judiciaire de Nice et au procureur près ce tribunal, ainsi qu’à l’agence régionale de santé de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. La cheffe d’établissement, par courrier du 20 août 2021, a fait valoir des observations qui ont été prises en compte et intégrées dans le présent rapport.
Le CHSM est un établissement de santé privé d’intérêt collectif (ESPIC), géré par l’association hospitalière Sainte-Marie dont le siège est situé à Chamalières (Puy-de-Dôme), et qui dispose actuellement d’une capacité de 296 lits organisés en six pôles de soins. Il participe au service public hospitalier et dispose d’une habilitation à accueillir l’ensemble des patients maralpins hospitalisés en soins sans consentement (SSC).
Le CHSM va faire l’objet d’une reconstruction bâtimentaire presque totale, dont les travaux se dérouleront en trois tranches. Le financement des 111 millions d’euros sera entièrement supporté par le Fonds Sainte-Marie, sans aucune participation de l’agence régionale de santé. Tous les bâtiments seront progressivement démolis, à l’exception de l’unité historique centrale, pour être reconstruits. Pendant la durée des travaux, l’établissement poursuivra ses missions de soins, un schéma directeur de déplacement des unités et d’utilisation d’unité relais (structures anciennes qui bénéficieront d’une réhabilitation intermédiaire achevée en 2022) est prévu pour la pérennité de l’accueil des patients.
L’effectif du personnel médical psychiatrique (praticien hospitalier, médecin assistant ou attaché) accusait un déficit de 5,15 ETP, soit 40 % de l’effectif théorique, pour le remplacement duquel l’établissement a fait appel à des médecins intérimaires, parfois pour de très courtes durées, pour un coût global qui s’est élevé à 1 335 121,71 euros en 2020. L’effectif du personnel non médical, qui compte 970 salariés, présentait un turn-over important, autour de 20 %, en raison d’une désaffection des soignants pour l’exercice hospitalier, au profit d’une pratique libérale et ce, malgré une augmentation salariale mensuelle de 130 euros, le versement d’une prime d’attractivité aux nouveaux arrivants pour les fidéliser pendant deux ans et une participation de 750 euros mensuels au paiement de leur loyer durant un an pour compenser en partie la cherté de la vie niçoise.
L’analyse des statistiques des mesures de soins sans consentement révèlent que 78 % sont prises sur décision du directeur de l’établissement, dont 74 % selon une modalité urgente, et 22 % sur celle du représentant de l’Etat, résultats très significativement supérieurs aux moyennes nationales. Ces proportions requièrent une réflexion, s’agissant de la privation de liberté pour des soins psychiatriques dans le département.
L’exercice des droits fondamentaux des patients appellent des améliorations, concernant l’insuffisance des supports écrits relayant l’information qui leur est délivrée sur le sujet, de la mise en œuvre d’une procédure d’anonymisation de l’admission et de celle d’espaces spécifiques et conviviaux pour l’accueil des familles en visite.
S’agissant des soins dispensés aux patients, l’orientation sécuritaire dans l’exercice de la psychiatrie s’est concrètement modérée avec, notamment, la fermeture du service intersectoriel de stabilisation et d’orientation (SISO) et de la moitié des chambres d’isolement, la diminution corollaire des mesures d’isolement, pratiquées en connaissance des évolutions législatives et la fin du recours généralisé à la vidéosurveillance. La diversité et l’accessibilité des activités du pôle de réhabilitation psychosociale favorisent également la cohérence des soins des patients stabilisés.
Des patients mineurs sont hospitalisés avec des adultes dans les unités fermées des pôles de psychiatrie générale et à l’unité de soins intensifs psychiatriques (USIP), pour ceux d’entre eux, admis sur décision du représentant de l’Etat, en l’absence de solution départementale alternative. Une concertation entre l’agence régionale de santé de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, les intersecteurs de pédopsychiatrie et les pôles de psychiatrie adultes maralpins, doit permettre l’élaboration d’un projet financé et réalisé dans un délai de degré urgent, pour l’accueil de ces patients.
Le CGLPL déplore que les personnes détenues des maisons d’arrêt de Nice et de Grasse, souffrant d’un trouble psychiatrique, qui nécessitent une prise en charge hospitalière, soient orientés vers l’unité de soins intensifs psychiatriques (USIP) de l’établissement , plutôt que de bénéficier d’une orientation vers l’unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) de Marseille, pour un projet de soins adapté à leur état clinique dans un espace spécifique et destiné aux personnes sous main de justice.
Le projet de reconstruction complète de l’établissement ne reflète pas actuellement un projet soignant élaboré antérieurement par l’ensemble des professionnels, qui impliquerait une réflexion concernant la fermeture des unités, afin d’en limiter l’utilisation à des critères cliniques plutôt que sécuritaires, la liberté d’aller et venir dans un établissement de santé mentale, la nécessaire convivialité de l’accueil des familles et de leur association aux projets de soins, le développement du recrutement des médiateurs de santé pairs et la mise en œuvre des directives anticipées.