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Rapport de la troisième visite de l’établissement pénitentiaire pour mineurs d’Orvault (Loire-Atlantique)

Rapport de la troisième visite de l’établissement pénitentiaire pour mineurs d’Orvault (Loire-Atlantique)

Observations du ministère de la justice – EPM d’Orvault (3e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations. 

Suivi des recommandations à 3 ans – Etablissement pénitentiaire pour mineurs d’Orvault (3e visite)

 

Synthèse

Quatre contrôleurs ont effectué un contrôle de l’établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) d’Orvault (Loire-Atlantique) du 30 novembre au 3 décembre 2020. Cet établissement avait déjà fait l’objet de deux précédentes visites en novembre 2009 et au mois de mai 2016.

Postérieurement à cette troisième visite, un rapport provisoire a été adressé le 2 mars 2021 au directeur de l’établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) d’Orvault, à la direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) de la Loire-Atlantique et de Vendée, au président du tribunal judiciaire de Nantes et au procureur de la République près la même juridiction ainsi qu’au directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes ayant en charge les soins somatiques et les soins psychiatriques dispensés à l’unité sanitaire de l’EPM. Le chef d’établissement et la directrice du service éducatif de la PJJ ont formulé leurs observations qui ont été intégrées au présent rapport.

L’établissement, en gestion déléguée, a été mis en service le 5 février 2008. Il est conçu pour la détention de mineurs âgés de 13 à 18 ans. L’EPM compte cinq unités de vie ainsi qu’une unité réservée aux arrivants. Une septième unité de quatre places était destinée initialement aux jeunes filles mais la configuration architecturale de cette unité étant peu adaptée, elle n’a jamais été mise en service. Les mineures sont accueillies au centre pénitentiaire (CP) pour femmes de Rennes (Ille-et-Vilaine). Si la direction de l’EPM a été favorable durant un temps à l’ouverture de cette unité pour jeunes filles, ce projet n’est plus d’actualité. Lors de la visite, le projet d’établissement n’était pas encore finalisé mais il prévoyait l’aménagement d’une unité dont l’objectif serait de favoriser l’autonomisation des jeunes dont la date de sortie est proche.

La capacité totale de l’établissement est de cinquante places d’hébergement et de neuf places pour l’unité arrivants. Une cellule de protection d’urgence (CProU) a été aménagée dans ce même quartier. Dans le cadre des mesures sanitaires imposées par la pandémie de la Covid-19, l’unité réservée initialement aux filles avait été ouverte pour désengorger l’unité arrivants au sein de laquelle les mineurs sont placés en quatorzaine.

Il s’agit d’un établissement qui ne pose pas de problèmes de fonctionnement particulier ce d’autant que depuis la précédente visite, il n’est plus confronté à une pénurie de personnel pénitentiaire.

A l’issue de la seconde visite, la majorité des recommandations formulées par le CGLPL ont été suivies d’effets mais des axes d’amélioration demeurent.

L’hébergement et les locaux communs restent inchangés et sont très bien entretenus dans leur ensemble. Il est toutefois anormal que la salle réservée aux parloirs n’ait toujours pas fait l’objet de travaux, malgré les recommandations formulées lors des deux précédentes visites, pour que la confidentialité et l’intimité des échanges soient garantis. Dans le courrier de réponse adressé au CGLPL, le chef d’établissement indique que des panneaux japonais ont été installés à la place des boxes dont l’implantation compliquerait le travail de surveillance des agents. Par ailleurs, aucune personne détenue ou famille ne s’est plainte des conditions de visite. Le CGLPL maintient sa recommandation car le confort des surveillants et l’absence de plaintes émanant des mineurs ou de la famille ne sauraient justifier le manque de moyens pour assurer la confidentialité et l’intimité des échanges lors des visites.

Lors du contrôle, l’EPM hébergeait quarante mineurs dont la majorité était âgée de 16 ans et plus. Depuis 2014, la structure accueille des mineurs non accompagnés (MNA) d’origine étrangère tous issus pour la plupart des départements d’Ille-et-Vilaine et de la Loire-Atlantique. Leur nombre ne cesse de s’accroître puisque lors du contrôle, l’établissement en comptait neuf alors que durant la deuxième visite de 2016, ils étaient au nombre de quatre. Cette augmentation constante est une source de préoccupation majeure, l’accueil de ces mineurs n’est pas sans poser de difficultés au sein de l’établissement. Leur présence crée des clivages parmi la population pénale, en raison des différences culturelles et de la barrière de la langue, elle est génératrice de nombreux incidents qui émaillent la vie en détention. Si tout est mis en œuvre pour favoriser la mixité en détention afin d’éviter la constitution de clans et par conséquent des incidents, il n’en demeure pas moins que des efforts restent à faire pour faciliter leur séjour à l’EPM. L’absence de service d’interprétariat en est un exemple. L’obtention des titres de séjour pose également des difficultés. Enfin les constats observés en 2016 concernant l’organisation des sorties sont toujours d’actualité. Aucune solution n’a été identifiée jusqu’à présent, ces jeunes ressortent sans projet de sortie et par conséquent sans aucun moyen de protection. Il convient d’y remédier, certains d’entre eux se trouvent dès lors très exposés à commettre des actes délictueux pour survivre. En effet, si ces personnes sont considérées supposées mineures par les juridictions lors des audiences de placement en détention, d’autres administrations ─ telles que l’aide sociale à l’enfance (ASE) du département d’origine ─ les considèrent majeures.

A la différence de la précédente visite, il a été observé une nette amélioration dans les relations de travail au sein des binômes constitués d’un éducateur et d’un surveillant. De même, les éducateurs sont beaucoup plus présents dans les unités de vie qu’ils ne l’étaient en 2016. La qualité de la prise en charge qui repose sur des projets individualisés et l’attention particulière portée aux mineurs, condamnés à des longues peines et à ceux fragilisés par la détention, méritent d’être soulignées. Enfin, un pôle insertion a été mis en place afin d’améliorer la coordination des activités engagées par les différents services et d’enrichir l’offre en faisant appel notamment à des intervenants extérieurs.

Depuis le dernier contrôle, les relations entre les mineurs et les agents se sont apaisées comme en témoigne la diminution du nombre d’agressions à l’égard des surveillants. Paradoxalement, le nombre de mises en prévention au quartier disciplinaire demeure élevé. Le CGLPL tient à réaffirmer sa position quant au placement en quartier disciplinaire des mineurs qui doit revêtir un caractère exceptionnel. Par ailleurs, les moyens de contrainte utilisés lors des extractions médicales n’ont pas évolué et portent atteinte à la dignité des personnes concernées. Concernant les mesures de fouille, si la direction a mis un terme à la pratique systématique lors des sorties définitives des mineurs à l’issue de cette visite, le nombre de fouilles anormalement élevé doit conduire l’établissement à engager une réflexion sur ce sujet. Le CGLPL rappelle que la fouille à nu des mineurs doit être prohibée à moins d’un risque particulièrement caractérisé d’atteinte à l’intégrité physique des personnes présentes dans l’établissement.

En conclusion, cet établissement dispose de moyens humains et matériels suffisants et adaptés pour offrir une prise en charge respectueuse de la dignité des mineurs. Les nombreux efforts qui ont été engagés pour garantir l’accès aux droits fondamentaux doivent se poursuivre.