Rapport de la quatrième visite du centre de rétention administrative de Nice (Alpes-Maritimes)
Observations du ministère de l’intérieur – Centre de rétention administrative de Nice (4e visite)
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de l’intérieur et de la santé auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations.
Synthèse
Une équipe du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a effectué une quatrième visite du centre de rétention administrative de Nice (Alpes-Maritimes) du 8 au 11 février 2021. Un rapport provisoire des constats opérés pendant cette visite a été adressé, le 25 mai 2021, au centre de rétention administrative, au président du tribunal judiciaire de Nice et au procureur de la République près ce tribunal, pour une période contradictoire d’un mois ; une seule réponse a été formulée, par l’établissement, le 16 juin 2021.
L’établissement, vétuste, situé dans l’ancienne caserne Auvare datant de 1870, sise dans les quartiers Est de la ville au 28 de la rue de Roquebillière et qui intègre l’ensemble des autres services de police, est accessible à pied, en voiture, en tram, en bus ou en train. L’architecture du CRA, qui ne répond pas aux attentes pour l’hébergement et la prise en charge de personnes retenues, ne bénéficie d’aucun projet de réimplantation, alors que l’ensemble de la caserne sera prochainement externalisé dans les locaux de l’ancien hôpital Saint-Roch.
Le CRA dispose d’une capacité de quarante places, exclusivement réservées à l’accueil des hommes mais son occupation maximale autorisée a été diminuée à vingt-quatre places (soit -40 %), dans le cadre des mesures de prévention de la contamination par le coronavirus et peut être étendue à vingt-huit, pour le seul accueil de personnes inscrites au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). Le nombre total de personnes retenues au CRA a diminué de 46 % entre les années 2018 et 2020 ; seules seize personnes ont été retenues au mois de mars 2020, puis aucune entre le 17 mars et le 15 juin, pendant la période de fermeture du CRA liée au confinement.
Le personnel, dont l’effectif accru de 25 % au mois de septembre 2020 pour relever un ratio agents/personnes retenues insuffisant est resté stable, ne bénéficie pas d’une formation pertinente, notamment concernant les droits fondamentaux, pour répondre à la qualité attendue de l’exercice de ses missions auprès des personnes dont il a la responsabilité. S’agissant des rares incidents impliquant des membres du personnel, une personne retenue, considérée en rébellion et dont les suites de la maîtrise physique par les agents ont nécessité une prise en charge chirurgicale pour une orchidectomie (ablation d’un testicule), a déposé plainte et saisi le CGLPL. L’inspection générale de la police nationale (IGPN) a été saisie et l’enquête judiciaire est en cours.
Les personnes retenues vivent ainsi dans l’ambiance carcérale, identique à celle constatée lors des trois précédentes visites, de locaux qui présentent un mobilier partout scellé, des dortoirs crasseux, dans lesquels les personnes retenues sont enfermées sans motif légitime la nuit et une cour dont les murs sont réhaussés de plaques de métal anti-évasion et agrémentés de caméras et de détecteurs de mouvements. L’indignité des locaux associe notamment une saleté ubiquitaire, des sanitaires communs, dont les portes cassées et dépourvues de verrou, ne garantissent aucune intimité et dont les canalisations exhalent des relents nauséabonds, une chambre de mise à l’écart, qui bien que peu utilisée, ne se distingue pas d’une geôle de garde à vue et dont un mur présentait les tâches d’un sang semi-frais, témoignant de l’énervement de la personne isolée lors de l’arrivée des contrôleurs.
S’agissant des étapes de la période de rétention, les personnes retenues ne bénéficient pas, lors de l’arrivée au CRA, d’une information sur la mesure de rétention mise en œuvre avec la pédagogie explicative requise, les caméras de leur téléphone portable sont détruites par le personnel, au motif du respect de l’interdiction de filmer et l’administration ne garantit pas l’exercice du droit de porter plainte contre un agent, actuellement assuré par l’association Forum Réfugiés, dont ce n’est pas la mission. Si le suivi par le greffe est organisé méticuleusement lors de la procédure de rétention, l’information de la personne retenue en instance d’éloignement est aléatoire et non formalisée, le droit d’être informé de son éloignement n’est ni respecté ni motivé et les critères susceptibles de fonder ce refus de communication ne sont pas précisés. Le temps de préparation de la sortie est bref, voire nul et les personnes libérées reçoivent très peu d’informations pratiques pour la vie immédiate à l’extérieur concernant l’accès au transport, à une ressource financière ou alimentaire, à une possibilité d’hébergement et leur libération s’effectue à toute heure, sans tenir compte des horaires d’un éventuel couvre-feu, après la simple remise d’une attestation.
Concernant l’hygiène générale, la prévention de la contamination par le coronavirus fait défaut, en l’absence d’information et de rappel s’agissant des règles de distanciation sociale qui ne sont pas respectées, de tout distributeur de gel hydroalcoolique dans la zone de rétention et en raison de la distribution quotidienne d’un masque unique, mal ou non porté et changé pour la seule raison d’un transfèrement au tribunal. S’agissant des soins, si l’accès à l’unité sanitaire est facilité et les personnes victimes de coups et blessures toutes examinées, le certificat médical descriptif des lésions, établi par un personnel médical dont l’effectif est insuffisant, ne porte pas l’éventuelle mention d’une interruption temporaire de travail.
Enfin, les personnes retenues ne bénéficient d’aucune activité informelle ou organisée, hormis l’équipement d’un téléviseur unique, de très rares livres et jeux et d’une cour qui n’est pas librement accessible et se trouve dépourvue de tout matériel pour la pratique de l’exercice physique.
Les personnes retenues au centre de rétention administrative de Nice restent ainsi dans l’attente, d’un degré urgent, de locaux respectueux de leur dignité, d’un personnel formé, notamment aux droits fondamentaux et à leur respect, et en capacité de répondre à ses missions d’information éclairée et d’accompagnement humain des personnes accueillies jusqu’à leur libération.