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Rapport de la deuxième visite du pôle de psychiatrie du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne (Loire)

Rapport de la deuxième visite du pôle de psychiatrie du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne (Loire)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la santé, de la justice et de l’intérieur auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté et six contrôleurs ont effectué une seconde visite du centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Etienne (Loire) du 2 au 6 décembre 2019. Cette visite s’inscrivait dans les suites d’un premier contrôle opéré en janvier 2018, ayant conduit à la publication de recommandations en urgence au journal officiel du 26 janvier 2018. Ces recommandations concernaient principalement des conditions d’accueil indignes des patients aux urgences générales et des pratiques d’isolement et de contention non réglementaires.

A l’issue de cette visite, dans le cadre d’une procédure contradictoire, un rapport provisoire a été adressé au directeur général de l’établissement, au délégué départemental de la Loire de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes, et aux autorités judiciaires et administratives du département. Les observations du directeur général du CHU et celles du préfet de la Loire, seuls à avoir répondu, ont été intégrées au présent rapport définitif.

Les contrôleurs ont relevé la bienveillance et les qualités humaines de tous les soignants des services de psychiatrie et d’urgences où ils ont été accueillis de manière sereine et professionnelle. Par rapport à 2018, ils n’ont plus ressenti le mal être de nombreux soignants, généré par les situations inacceptables d’alors.

Le CHU de Saint-Etienne constitue l’établissement support du groupement hospitalier de territoire (GHT) Loire depuis 2016, rassemblant vingt établissements de santé situés dans la Loire, le Nord de l’Ardèche et l’Ouest du Rhône, pour une population de 820 000 habitants. Le CHU, dispose de 1 795 lits et places dont 403 en psychiatrie (415 en 2017).

Les services de psychiatrie du CHU sont regroupés au sein d’un pôle qui comprend la psychiatrie adulte, la pédopsychiatrie et des activités dites transversales (comme les urgences psychiatriques l’addictologie, la psychiatrie de liaison). La psychiatrie adulte a en charge quatre secteurs du département. La file active totale de patients suivis s’élève à 12 071 dont 600 patients en soins sans consentement (SSC). Chaque secteur dispose de moyens en hospitalisation complète (190 lits au total) et de structures extra hospitalières telles qu’hôpitaux de jour, centres d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP), centres médico-psychologiques (CMP). Les secteurs disposent également de 178 places en hôpital de jour (HJ) et 18 appartements thérapeutiques. Plusieurs équipes mobiles sont mises en place pour répondre à la précarité, aux premiers épisodes psychotiques des 16-25 ans et assurer une liaison avec les établissements médico-sociaux.

La pédopsychiatrie, avec ses deux unités de sept lits, permet la prise en charge intra et extra hospitalière des moins de treize ans, des treize à dix-huit ans, avec également une filière périnatalité et une prise en charge de l’autisme dont le CHU est centre ressource. Une équipe mobile périnatalité et une autre pour le secteur médico-social sont également en place.

Les constats des contrôleurs ont porté sur quatre grands thèmes.

1 La filière de soins psychiatriques

Tout d’abord, les conditions de prise en charge des patients relevant de la psychiatrie aux urgences générales, qui présentaient une atteinte grave à la dignité et aux droits fondamentaux lors du contrôle de 2018, ont été modifiées et les dysfonctionnements, totalement corrigés. Les patients y sont désormais accueillis dans des boxes individuels s’ils sont attachés sur décision du psychiatre. La durée d’attente avant hospitalisation dans un service de psychiatrie, a été fortement réduite. Les procédures médicales et soignantes sont claires et pertinentes. Les décisions de contentions sont bien inscrites dans le dossier médical des urgences ; toutefois il est regrettable qu’elles ne fassent pas l’objet d’un enregistrement sur le logiciel Cristalnet de la psychiatrie.

Par ailleurs il n’y a plus aux urgences, de contention systématique sur le seul critère du statut de soins sans consentement même si les contrôleurs ont observé de nombreux motifs de contention pour risque de fugue, ce qui n’est  pas une indication admissible.

Cependant, la filière de soins reste insatisfaisante dans la mesure où le service d’urgences psychiatriques prend, quant à lui, en charge des situations très hétérogènes ; la nature de ce service est ambiguë, non définie par un projet de service, avec une confusion de prise en charge de patients qui relèveraient parfois d’une unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD), parfois d’une unité admission, avec aussi des personnes détenues refusées par les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA). Certes les mineurs et majeurs sont désormais séparés mais toujours pris en charge par la même équipe. L’absence de chambre d’apaisement au sein de ces urgences psychiatriques amène des soignants à des pratiques de contentions trop fréquentes. L’étayage médical est insuffisant pour permettre la conceptualisation des soins et l’amélioration des pratiques.

Enfin l’accès aux activités a été développé et des efforts ont été déployés sur la filière de soins extra hospitalière, que ce soit par le renforcement des équipes mobiles, ce qui a permis de travailler la prévention des hospitalisations et a sans doute contribué à la diminution du flux d’admission aux urgences, ou par le projet de permanence téléphonique 24h/24 permettant une réponse et un accès à un avis psychiatrique en phase de crise.

2 – L’organisation des soins

Les postes de médecins vacants ont fait l’objet d’une attention particulière mais leur nombre reste élevé (dix postes vacants sur cinquante-neuf). Le projet médical de pôle a été validé par les instances mais méritera d’être enrichi sur la prise en charge concrète des patients en intra hospitalier et sur la pratique de l’isolement et de la contention.

La question de l’isolement et de la contention a été investie par les soignants et les pratiques ont commencé à diminuer. Les modalités de suivi de ces pratiques permettent désormais la constitution d’une base de données d’observation complète mais qui reste insuffisamment exploitée par les services en termes d’analyse de pratiques. Pour autant, le nombre de mesures d’isolement reste élevé et  le schéma directeur immobilier prévoit l’augmentation de deux chambres supplémentaires en service d’admission et aucun espace d’apaisement aux urgences psychiatriques.

Au-delà de ces éléments, la prise en charge médicale en psychiatrie reste empreinte de professionnalisme et de bienveillance dans les unités ; la présence médicale est assurée et les consultations avec les patients régulières et en binôme avec l’infirmier ; les cadres de soins sont établis et les projets de soins bien suivis de manière pluridisciplinaire. Les médecins travaillent avec les patients en bonne transparence et avec des rapports de confiance. L’accès aux soins somatiques a été préservé avec un renfort en médecins généralistes.

3 – le patient sujet de droit

Les formations et les analyses et évaluations des pratiques professionnelles ont été soutenues pour l’ensemble du personnel depuis la visite de 2018. Le tutorat, les modules de consolidations des savoirs et la supervision sont bien développés. Les procédures de notification des décisions, d’information des patients, d’élaboration des programmes de soins et de consignation des données dans le registre de la Loi son désormais totalement respectueuses du droit des patients.

4 – les restrictions de la liberté dans la vie quotidienne

Enfin, concernant les restrictions de liberté, on relève toujours une seule unité fermée, avec la possibilité de sortir que pour ceux de ses patients qui en ont l’autorisation médicale. Il n’y a plus désormais de restrictions de liberté systématiques dans la vie quotidienne comme par exemple, l’accès au tabac, au téléphone portable, au courrier. Cependant, l’obligation de port du pyjama a encore été constatée dans certaines unités, au motif de prévenir des fugues ; elle est toutefois rediscutée. Les patients peuvent désormais partout se protéger en fermant leur porte de chambre à clefs.

Après une période de sidération collective qui a suivi la large et difficile médiatisation des constats de 2018, l’établissement a engagé l’ensemble des professionnels dans un important travail de correction des dysfonctionnements et atteintes aux droits qui avaient été constatés. Désormais au milieu du gué, le travail de modification des pratiques doit être poursuivi vers une meilleure prise en compte du respect des droits fondamentaux des patients sur les aspects développés supra.