La Cour européenne des droits de l’homme vient, dans un arrêt JMB. et autres c. France regroupant 32 requêtes, de condamner la France du fait de conditions de détention constitutives d’un traitement inhumain et dégradant et pour absence de recours préventif effectif.
La Cour ne condamne pas l’Etat uniquement pour les conditions de détention constatées dans les établissements concernés par les requêtes, mais retient que la surpopulation carcérale constitue un problème structurel en France et recommande que des mesures générales soient prises pour y mettre un terme.
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), conjointement avec la Commission nationale consultative des droits de l’homme, avait soumis à la Cour des tierces interventions dans le cadre de 22 de ces affaires afin de l’éclairer sur le caractère systémique de la surpopulation carcérale française qui affecte inévitablement l’ensemble des droits fondamentaux des personnes détenues. La surpopulation aggrave la promiscuité et les risques de conflits, elle renforce l’inactivité, elle réduit les possibilités de dialogue et de prise en charge par les agents pénitentiaires et la possibilité de maintenir les liens familiaux, elle rend plus difficile l’accès aux soins et elle diminue l’efficacité des efforts de réinsertion.
Cette condamnation est le reflet de graves atteintes aux droits et à la dignité des personnes détenues, non seulement des requérantes mais aussi de trop nombreuses autres personnes incarcérées. S’il ne peut s’en réjouir, le CGLPL souhaite néanmoins exprimer sa grande satisfaction de voir aujourd’hui la Cour européenne des droits de l’homme recommander avec force que des mesures générales soient prises pour mettre fin à cette situation inacceptable, en faisant notamment référence aux recommandations formulées en 2018 par le CGLPL dans un rapport sur Les droits fondamentaux à l’épreuve de la surpopulation carcérale.
Témoin privilégié du profond décalage entre les normes applicables et la réalité quotidienne des conditions de vie des personnes détenues, le CGLPL se félicite que son expertise et les constats réalisés au cours de ses missions aient été utiles pour documenter la Cour sur l’état des prisons concernées.
Il est aujourd’hui grand temps d’agir. Seule la mise en place d’une politique publique de désinflation carcérale sera en mesure de mettre un terme aux échecs des politiques antérieures, bridées par la crainte de l’opinion publique. Le CGLPL rappelle que la construction de nouvelles places de prison ne peut être une réponse satisfaisante au problème et invite les pouvoirs publics à une réflexion globale sur le système pénal pour inverser la tendance de la croissance de la population pénale : la surpopulation carcérale ne doit plus être appréhendée comme une problématique essentiellement pénitentiaire, elle est l’affaire de tous les acteurs de la justice.