17 mars 2020
Les mesures annoncées hier par le Président de la République imposent à toute la population résidant en France un confinement et une prise de distance entre les personnes afin de limiter les risques de contagion. A contrario, ces mesures mettent cruellement en lumière les conditions de promiscuité et de surpopulation qui prévalent dans certains lieux de privation de liberté en France, telles que dans les maisons d’arrêt et les centres de rétention administratives. Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, a saisi les ministres de la justice et de l’intérieur pour leur demander que des mesures immédiates et concrètes soient prises pour la protection des personnes privées de libertés et de leurs droits.
Concernant les établissements pénitentiaires, les conditions de détention des maisons d’arrêt les plus surpeuplées placent la population pénale en situation de risque sanitaire élevé, alors que ce sont souvent des personnes condamnées à de courtes peines ou en fin de peine qui occupent ces établissements. Leur sécurité n’est plus garantie ; l’administration manquera donc à son obligation de protéger les personnes qu’elle a placées sous sa garde si elle ne prend pas d’urgence les mesures nécessaires. C’est pourquoi le CGLPL recommande de réduire la population pénale à un niveau qui ne soit pas supérieur à la capacité d’accueil des établissements en proposant, adoptant ou suscitant toute mesure utile pour favoriser les sorties de prison et limiter les entrées.
Par ailleurs, les parloirs sont suspendus dans les établissements pénitentiaires, il en serait de même pour les parloirs des avocats. Cette mesure, qui n’est pas illégitime au regard des risques de propagation du virus, va priver les personnes détenues de leurs liens familiaux et de leurs droits de la défense. Le CGLPL demande donc de mettre en place des mesures de compensation efficaces et rapides, notamment en autorisant les contacts des personnes détenues avec leurs familles par visioconférence et d’accorder la gratuité du téléphone pendant la période de la crise sanitaire. De même, il est nécessaire d’assurer, de manière fluide et gratuite, au moins par téléphone, la relation des personnes détenues avec leurs avocats.
Concernant les centres de rétention administrative, il a été indiqué au CGLPL que l’on observe dans certains centres une absence totale d’information de la population retenue, un hébergement collectif dans la promiscuité, le maintien de la restauration collective et un défaut complet de protection, tant de la population retenue que des fonctionnaires de police. Dans de telles conditions, l’Etat manque à son obligation de protéger à la fois ses agents et les personnes qu’il a lui-même placées sous sa garde.
Dans un contexte de réduction drastique des vols internationaux, la perspective de reconduite des personnes retenues est mince, voire illusoire ; dès lors la mesure de rétention elle-même se trouve dépourvue de fondement juridique car l’article L. 554-1 du CESEDA précise qu’un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ et que l’administration doit exercer toute diligence à cet effet. En l’absence de perspectives d’éloignement, Le CGLPL recommande de procéder sans délai à la fermeture temporaire des centres et locaux de rétention administrative.
Voir le courrier adressé à la ministre de la justice et les observations de la ministre de la justice
Voir le courrier adressé au ministre de l’intérieur et les observations du ministre de l’intérieur