Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de visite du pôle de psychiatrie de l’hôpital de Semur-en-Auxois (Côte-d’Or)

Rapport de visite du service de psychiatrie de l’hôpital de Semur-en-Auxois (Côte-d’Or)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de huit semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Cinq contrôleurs ont effectué une visite annoncée du service de psychiatrie de l’hôpital de Semur-en-Auxois (Côte d’Or) du 7 au 10 janvier 2019. Le rapport provisoire établi à l’issue de cette visite a été communiqué au directeur de l’établissement, au préfet de la Côte-d’Or, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Dijon ainsi qu’au directeur de l’agence régionale de santé-délégation départementale de la Côte-d’Or. Le directeur de l’hôpital de Semur-en-Auxois et le directeur général de l’agence régionale de santé ont fait connaître leurs observations, qui ont été reprises dans le présent rapport ; les autres destinataires n’ont pas donné suite à cet envoi.

Un groupement hospitalier de territoire (GHT) réunit les établissements de la Côte d’Or et ceux du Sud de la Haute-Marne (Chaumont et Langres). Parmi ceux-ci, le centre hospitalier de Semur-en-Auxois assure la permanence des soins pour un bassin réparti entre Auxois, Morvan et Haute Côte-d’Or comptant 60 000 habitants, formant une population rurale, vieillissante, aux revenus faibles – les plus jeunes sont peu diplômés – et connaissant des difficultés de déplacement. L’isolement social est par endroits très important avec une densité qui descend à deux habitants au kilomètre carré et des communes mal organisées pour y faire face.

Les 191 lits d’hospitalisation du centre hospitalier sont répartis dans deux pôles cliniques :

  • le pôle médecine chirurgie obstétrique (respectivement 74, 50 et 14 lits) dont l’activité ambulatoire compte 20 lits ; c’est le plus petit plateau technique de Bourgogne mais il permet de réaliser les traitements d’électroconvulsivothérapie sur place ;
  • le pôle de psychiatrie qui compte 31 lits d’hospitalisation temps plein en psychiatrie adulte répartis dans une unité ouverte de 13 lits, « L’Escale », et une unité fermée de 18 lits dénommée unité de soins psychiatriques (USP). Il constitue l’essentiel de l’offre de soins psychiatriques de ce secteur qui ne compte aucune alternative d’hospitalisation privée et un seul psychiatre libéral installé à Montbard. L’hospitalisation en psychiatrie de l’adolescent peut être réalisée au CHU de Dijon (80 km) mais faute de places disponibles, il arrive que les mineurs soient admis à l’unité fermée de l’hôpital de Semur-en-Auxois.
  1. La pratique générale de restrictions et d’enfermement, soutenue par le parti pris thérapeutique médical, est durcie par la structure inadaptée des locaux des unités d’hospitalisation et une interprétation erronée du statut légal d’admission des patients

Le pôle de psychiatrie de cet hôpital est loin d’en être le parent pauvre.

Le pôle dispose d’une équipe médicale stable, dense, dont les postes sont occupés par des praticiens expérimentés. Les soignants sont, de même, nombreux, bien formés et impliqués. Les moyens matériels, locaux, fournitures, budgets mis à disposition du service ne lui sont pas chichement comptés.

L’ensemble de ses locaux a bénéficié, dans les premiers de l’établissement, de travaux de rénovation. Les deux unités d’hospitalisation offrent un hébergement confortable avec des chambres aux normes hôtelières de confort, au mobilier agréable et en bon état ; toutefois, les mesures de sécurité rigoureuses appliquées pour prévenir tout geste dangereux (lits fixés au sol, portes non fermables, absence de patère) induisent une préoccupation sécuritaire désagréable. Les espaces collectifs sont vastes au décor harmonieux.

Les responsables du pôle interprètent de façon erronée les dispositions de la loi du 5 juillet 2011, considérant qu’elles impliquent que des patients admis en soins sans consentement ne peuvent être hébergés dans une unité ouverte. Par suite, le statut des patients qui doivent être hébergés dans l’unité ouverte, notamment lorsque l’unité fermée ne dispose plus de lits, est, en tant que de besoin, modifié. L’unité strictement fermée, l’USP, accueille donc les patients en soins sous contrainte mais également des patients en soins libres ainsi que les patients mineurs hospitalisés à Semur-en-Auxois, faute de places disponibles dans les unités pour adolescents du département.

Les règles de vie qui sont appliquées dans l’USP sont particulièrement restrictives : impossibilité de sortir sauf courtes exceptions, interdiction de conserver un téléphone portable, limitation drastique des communications téléphoniques et des visites. La richesse des activités thérapeutiques et occupationnelles mises en œuvre ne peut suffire à compenser les restrictions trop nombreuses qui valent tout autant pour les patients en soins contraints que ceux en soins libres. On peut se réjouir que le statut d’admission ne pèse pas sur la prise en charge mais celles des patients en soins sans consentement doit s’aligner sur celle des personnes en soins libres et non l’inverse.

En outre, dans ces conditions de fonctionnement, le choix d’implanter les unités au premier étage du bâtiment est sévèrement dommageable pour les patients de l’USP qui n’ont aucun accès libre à un espace extérieur.

L’établissement doit donc s’interroger sur la localisation de l’unité fermée et sur son fonctionnement. Les mesures de privation de libertés qui y sont la règle constituent autant d’atteintes aux droits fondamentaux des patients et les modulations individuelles sur prescription médicale, que fait valoir l’établissement dans sa réponse, inversent le principe selon lequel la liberté est la règle et ne peut être limitée qu’individuellement, temporairement et à raison de l’état clinique du patient.

  1. Le recours à l’isolement ne respecte ni les dispositions législatives ni les recommandation de bonne pratique de la HAS

Seule l’unité fermée dispose d’une chambre d’isolement conforme aux normes en la matière. Une autre chambre, non conforme, était également utilisée lors de la visite ; dans sa réponse, la direction a indiqué que cette utilisation était désormais abandonnée.

Le recours à l’isolement et à la contention dans cette unité est important, en nombre – le quart des patients hospitalisés est placé en isolement -, pour des durée importantes – plus de trois jours en moyenne pour les patients admis sur décision du directeur ­­- et souvent dans des conditions matérielles non conformes aux règles en vigueur. Le maintien sur le lit du dispositif de sangles est anxiogène induisant la menace d’une possible mesure de contention, comme l’est l’absence de bouton d’appel. De plus, la moitié de ces mesures concernent des patients en soins libres avec une durée moyenne dépassant cinq jours, sans que leur statut d’admission soit modifié en conséquence.

La recherche des contre-indications à l’isolement n’est pas tracée. Les patients admis sur décision du représentant de l’Etat sont systématiquement mis en chambre d’isolement à leur arrivée sans considération de leur état clinique. Or, aucune réflexion sur les pratiques d’isolement n’est en cours ou envisagée.

  1. Les atteintes aux droits des patients, mal comprises par les équipes, appellent une réflexion institutionnelle

Les options thérapeutiques de l’équipe médicale, l’interprétation par celle-ci des dispositions légales relatives aux admissions en soins sans consentement ainsi que les contraintes architecturales des unités d’hospitalisation conduisent à de graves atteintes aux libertés et droits des patients, d’autant plus qu’elles ne sont pas perçues comme telles par une équipe qui ne semble pas envisager de réinterroger le bien-fondé de ses choix et pratiques. Il appartient à la direction de l’hôpital d’initier rapidement une réflexion commune sur ces questions pour repenser les pratiques au profit d’un meilleur équilibre entre respect des droits et considérations thérapeutiques et sécuritaires.